Pages

dimanche 16 octobre 2011

Le Poids d'un Mensonge - Love Letters, William Dieterle (1945)



Alan écrivait les lettres d'amour que Roger envoyait à sa fiancée. Une fois mariée, la jeune femme fut déçue par Roger, le couple se désagrégea et Roger mourut lors d'une dispute.

William Dieterle à la réalisation filmant le couple Joseph Cotten/ Jennifer Jones, cela éveille immédiatement de grandioses souvenirs de cinéma avec Duel au Soleil (filmé officieusement en partie par Dieterle) mais surtout le merveilleux Portrait de Jennie et sa romance fantasmagorique à l'esthétique flamboyante. C'est précisément à ce dernier qu'on pense d'ailleurs à la vison de Love Letters qui lui est antérieur et on peut supposer que c'est l'alchimie constatée ici entre Jennifer Jones et Joseph Cotten qui incita David O' Selznick à les réunir à nouveau par la suite.

Le plus troublant reste surtout les similitudes entre les récits du Portrait de Jennie et Love Letters qui sur des postulats bien différents offrent des situations et des personnages très proche à Joseph Cotten et Jennifer Jones. Le romantisme exacerbé s'exprime cependant dans une teneur rêvée et surnaturelle dans Jennie tandis que Love Letters a une approche essentiellement psychologique (présente néanmoins dans Le Portrait de Jennie).

Joseph Cotten est donc déjà ici un personnage solitaire et sans goût pour la vie courant après une chimère qui se verra personnifiée par Jennifer Jones. L'idée en elle-même est d'un romantisme si imprégnée de littérature qu'on l'imagine mal passer à l'écran. Cotten soldat mobilisé au front a rendu service à un camarade trop terre à terre en rédigeant pour son compte des lettres passionnée à sa fiancée. Contre toute attente celle-ci s'avère profondément touchée par ses écrits et lui de tomber amoureux de cette femme qu'il n'a jamais vu et qui ne soupçonne pas son existence.

Démobilisé pour blessure il apprend la mort de son ancien compagnon désormais marié et apprend que son épouse a subi le même sort. Surgit alors une étrange jeune femme dans son existence, la mystérieuse et innocente Singleton (Jennifer Jones). Le script de Ayn Rand (adapté d'un roman de Christopher Massie) rend l'ensemble limpide et particulièrement troublant.

La longue introduction appuie donc sur la nature obsessionnelle et insaisissable de la passion de Joseph Cotten, d'abord par la situation l'empêchant d'aborder cet amour invisible puis par la triste réalité elle-même lorsqu'elle s'avéra morte. Dès lors Dieterle retarde longuement la première apparition de Jennifer Jones (si ce n'est une furtive qui est totalement logique quant aux évènements qui vont suivre) sur laquelle Cotten va finalement lever les yeux et tomber follement amoureux.

Cependant l'ombre de la romance épistolaire non consommée plane constamment sur les lieux voisins du drame où va s'installer le couple, sur chacun de leurs actes mais surtout sur le mental fragile de Singleton. Cette figure absente et omniprésente à la fois s'exprime parfaitement dans la prestation fascinante de Jennifer Jones qui en cette période multipliait les rôles de femmes enfants séductrice et dangereuses.

Ici elle est confondante de candeur et de fragilité (son arrivée impromptue chez Cotten splendide séquence) mais à tout moment un nuage de démence et de désarroi peut venir obscurcir son regard, l'actrice graduant à merveille la progression de son malaise (un mot à la place d'un autres, un détail rappelant un souvenir enfouit et transformant son attitude...). Cotten tour à tour torturé, protecteur et impuissant est tout aussi bons et les séquences romantiques entre eux sont très touchantes mais toujours teintées de menaces.

Le scénario mêle au mélodrame des éléments de psychanalyse qui commencent à infiltrer la production hollywoodienne (La Maison du Docteur Edwardes le plus représentatif de ce mouvement sort la même année) mais Dieterle accroché à ses personnages s'avèrent très sobre et subtil pour exprimer cette facettes. Le mystère et le danger s'insèrent donc insidieusement, chape de plomb sur le bonheur du couple et les différentes pièces du puzzle s'agencent lentement jusqu'à une grosse révélation à mi film.

Le flashback explicatif final (on pense énormément à Rebecca ou aux futurs Vertigo et Psycho dans certaines trouvailles narratives) aurait pu s'avérer lourd mais Dieterle privilégie la résolution romanesque au cheminement qui l'a amenée. Les Love Letters au contenu si potentiellement néfaste tout au long du film reprennent leurs vertus initiales lors d'un ultime échange magnifique entre Jennifer Jones et Joseph Cotten.

Et la mauvaise nouvelle pour conclure film pour l'instant inédit en dvd donc guetter une diffusion TCM ou au Cinéma de Minuit...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire