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samedi 5 novembre 2011
Racket - The Long Good Friday, John Mackenzie (1980)
Harold, un gangster anglais prospère, s'apprête à régler un marché très rentable quand une série de bombes explose le plaçant dans une situation très délicate. Un mystérieux syndicat tente de se mettre en travers de son chemin et Harold va tenter de trouver son identité...
The Long Good Friday trône fièrement au côté de La Loi du Milieu parmi les polars les plus mémorables produits par le cinéma anglais et avec le temps a atteint une aura de classique culte local. Tout comme Get Carter, la force du film est de conférer une identité typiquement anglaise à un pitch classique de film de gangsters. Harold Shand (Bob Hoskins) est un gangster dirigeant d'une poigne de fer le crime londonien depuis près de dix ans. Il est sur le point de conclure un deal historique avec la mafia américaine qui donnerait un tour plus respectable à ses activités quand soudain en une journée tout s'effondre. Un ennemi mystérieux semble mettre à mal sa crédibilité face à ses nouveaux partenaires par diverses actions violentes : meurtre sanglant d'un de ses lieutenants, tentatives d'attentat contre ses établissements et de meurtre sur sa propre mère. Dès lors, Harold Shand va mettre la ville à feux et à sang pour retrouver les coupables et assouvir ses ambitions.
Le film produit quelques mois avant l'accession au pouvoir de Margaret Thatcher a de profondes résonances sociales. Avant d'être impitoyablement reprise en main par la Dame de Fer, l'économie du pays est en crise et dans ce contexte Harold Shand se voit investit d'une mission plus vaste qu'un simple enrichissement personnels. Issus des bas-fonds et s'étant élevé par sa seule volonté, il entend carrément restaurer la souveraineté britannique en transformant pour le meilleur (un passage lourd de sens le voit retraverser les quartiers défavorisé qu'il connaît si bien) sa ville. Il faut voir la conviction et la fierté du personnage lors d'un mémorable discours en début de film où il entérine le deal avec les américains (dont le ponte est joué par un inquiétant Eddie Constantine doublé en anglais), puis son monologue final où face au mépris de ces derniers il affirme rageusement toute la portée de la culture et de l'histoire anglais à ces yankee arrogants.
Harold Shand (librement inspiré en partie des frères Kray qui dominèrent la pègre londonienne dans les années 50 et 60) dépasse ainsi le simple statut de criminel pour s'affirmer, à sa manière, comme l'étendard d'une fierté anglaise retrouvée et au centre de l'Europe face l'impérialisme américain. Cela c'est pour les (honorables) intentions mais lorsque les évènements ne tourneront pas en sa faveur il retrouvera ses instincts les plus brutaux.
John Mackenzie a débuté en tant qu'assistant de Ken Loach et cela se ressent par le froid réalisme urbain qu'il confère au film. The Long Good Friday est aussi emblématique de l'Angleterre de la fin seventies que ne le sera le Scarface de De Palma pour les USA des 80's. Mackenzie orchestre son film comme une véritable descente dans la fange et la barbarie.
Le début est très "bling bling" (y compris dans le score synthétique racoleur de Francis Monkman) avec aperçu des richesses de Shand, son yacht, ses beaux costumes et les tenues criardes de son épouse jouée par Helen Mirren le tout dans un Londres glamour et chic. Tout cela s'estompe progressivement pour laisser place à de mémorables débordements de violence : interrogatoire musclés à la machette, assassinat sauvage d'un traitre et surtout la cultissime scène où Shand fait face à tous les suspects dans un abattoir, suspendu à des crochets de boucher...
Bob Hoskins délivre une prestation énorme, digne du James Cagney de L'Enfer est à lui. C'est une boule nerf constamment en ébullition aux accès de colère incontrôlables si ce n'est par son épouse. C'est là l'une des grandes forces du film, la relation entre Hoskins et Helen Mirren. Au départ le script de Barrie Keeffe avait fait de l'épouse une sorte de bimbo écervelée, chose que ne pouvait tolérer une actrice du calibre d'Helen Mirren en acceptant le rôle. Le film prend une autre dimension avec cette femme sophistiquée, cultivée et fine psychologue qui saura tempérer l'impulsivité de Shand et est finalement une pièce maîtresse de son organisation.
Toutes leur scènes commune sont chargées d'électricité notamment tel cette dispute qui révèle les angoisse de chacun et donne un moment très tendre, ou surtout lorsqu'elle calme Hoskins en furie après un meurtre atroce le tout filmé en plan séquence par Mackenzie qui aura laissé une grande part d'improvisation qui accentue l'intensité. Le reste du casting (pour partie constitué de vrais truand londonien) offre une impressionnante galerie de trognes menaçante et donne l'occasion d'apercevoir Pierce Brosnan dans une courte (et muette) mais inoubliable apparition en tueur pour son premier rôle cinéma.
La nature de la menace est source d'un mémorable rebondissement qui plonge la dernière partie dans un véritable chaos de violence. La conclusion magistrale achève de donner au film une empreinte indélébile avec un long plan fixe sur le visage de Shand où les émotions se disputent : colère, peur, résignation et conscience d'avoir tout perdu... Grandiose !
La brutalité du film lui vaudra quelques problèmes avec sa société productrice effrayée qui le réduit à 80 minutes pour une diffusion TV. Heureusement le Beatles George Harrison (qui a déjà sauvé ainsi les films des Monty Pythons et le Bandits Bandits de Terry Gilliam) rachètera et distribuera le film en salle via sa société Handmad Films avec le succès public et critique que l'on sait.
Sorti en Bluray et dvd zone 2 anglais chez Arrow et doté de sous-titres anglais
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