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lundi 12 décembre 2011
Le Mouron Rouge - The Scarlet Pimpernel, Harold Young (1934)
En France, sous la Terreur, des membres de l'aristocratie sont sauvés de la guillotine par les coups de mains audacieux d'un individu qui se fait appeler le Mouron rouge. Agissant sous divers déguisements, il leur permet de trouver refuge sur le sol anglais. Exaspéré, Robespierre, confie à l'ambassadeur Chauvelin la tâche primordiale de le démasquer. Celui-ci fait pression sur madame Blakeney, une connaissance française, mariée à un intime du Prince de Galles, afin qu'elle obtienne les renseignements décisifs...
Après l'immense succès de La Vie Privée d'Henri VIII, Alexander Korda persévérait dans le filon du récit historique sautillant (ici plus orienté film d'aventures) avec The Scarlet Pimprenel. Le film est souvent considéré comme la meilleure adaptation du personnage de la Baronne Orczy, héros d'une pièce puis d'une série de neuf romans. C'est ici le premier de la série qui est adapté. Le personnage très populaire sera notamment une des sources d'inspiration de Johnston McCulley pour Zorro, le cadre de la Révolution Française laissant place à son équivalent mexicain et les deux héros ayant les même caractéristiques avec un alter ego falot et insignifiant empêchant tout soupçon.
Le Mouron Rouge aura connu quatre adaptations muettes (deux en 1917, en 1919 et en 1928) avant celle de Korda qui demeure la plus populaire. Pour surfer sur le succès de La Vie Privée d'Henri VIII le producteur tenta même d'imposer Charles Laughton dans le rôle mais après l'annonce le mécontentement (justifié) des lecteurs des romans fut tel qu'il opta finalement pour le plus approprié Leslie Howard tandis que du film de 1933 on retrouve néanmoins Merle Oberon qui a entretemps entamé une liaison avec Korda.
Le récit nous plonge en pleine France sous la Terreur où les aristocrates sont décimés à longueur de journées sous la guillotine. Hormis un dialogue au début soulignant qu'ils l'ont sans doute un peu cherché aussi, le film (et donc le roman) présente plutôt les nobles comme des victimes tandis que le peuple révolutionnaire passe pour une horde de barbares assoiffés de sang. Une des premières scènes est des plus parlantes avec des spectatrices bien installée devant l'échafaud (et en profitant pour tricoter !) et en transe à chaque fois que la funeste lame de la guillotine s'abat.
On prend donc un pur plaisir romanesque sans prêter attention à une quelconque véracité historique pour se laisser emporter quand entre en scène le Mouron Rouge pour sauver une famille de nobles promises à une mort certaine. Ce premier exploit donne le ton avec un héros jouant plus de sa tête que de ses muscles où on le découvre adepte du déguisement, des faux-semblants et des plans alambiqués, aidés d'une dizaine de fidèles complices.
On revient ensuite en Angleterre où les évènements se lient avec brio au destin du héros et permet d'explorer plus avant sa personnalité. Leslie Howard est absolument irrésistible dans son double jeu, meneur déterminé pour les intimes et dandy superficiel gouailleur hilarant aux yeux de tous les autres. Tous les autres dont sa propre épouse Marguerite (Merle Oberon magnifique) qui ne reconnaît plus celui qu'elle a épousé dans cet homme frivole et oisif. Les échanges entre eux sont passionnant avec un Leslie Howard subtil dissimulant une vraie mélancolie face à la détresse de son épouse qui s'éloigne de lui mais à qui il ne peut révéler la nature de ses activités. L'histoire sera donc aussi celle de leur réunion à travers les évènements qui vont se jouer.
A l'image de son héros, les rebondissements donnent essentiellement dans la manipulation et la dissimulation avec une pure intrigue d'espionnage. Raymond Massey ambassadeur de France (et en fait agent mandaté par Robespierre) se rend en Angleterre pour démasquer le Mouron Rouge en faisant du chantage à Merle Oberon dont il a emprisonné le frère en France. Ce nœud de complots est prenant de bout en bout et réserve son lot de grands moments (Howard qui nargue Massey dans la bibliothèque ou qui lui apprend à faire sa cravate, la conclusion) notamment cette splendide scène où Merle Oberon devine la double identité de son époux.
Production Korda oblige, la reconstitution est un régal de tous les instants pour les yeux entre les vues en hauteur du décor parisien, les somptueux intérieurs des demeures anglaises et les tenues flamboyantes de Merle Oberon. Tout juste pourra t on peut être reprocher un certain statisme dans la mise en scène de Harold Young, cela aurait pu être plus enlevé. La courte durée du film et des acteurs au sommet de leur art (Massey parfaitement sournois en méchant, Leslie Howard redisons le parfait et Merle Oberon qui porte toute la charge émotionnelle avec talent) font passer ses défauts et on passe un très bon moment. Le succès du film engendrera une suite trois ans plus tard avec James Mason et Sophie Stewart en remplacement de Leslie Howard et Merle Oberon. On en reparle bientôt...
They seek him here, they seek him there,
Those Frenchies seek him everywhere.
Is he in Heaven, is he in Hell,
That damn'd, elusive Pimpernel ?
Disponible dans une flopées d'éditions souvent médiocre donc choisir celle éditée en zone 2 anglais par DVD Network qui comprend le film et sa suite en plus doté de sous-titres anglais.
Extrait
Très chouette film en effet, qui synthétise bien les 9 romans de la Baronne Orczy. C'est assez réactionnaire parfois, car la Révolution française n'est vue qu'à travers la Terreur, donc ces errances, mais la lecture en est totalement prenante, si on aime les romans d'aventure et d'action historiques... (réunis dans un gros volume chez Omnibus et disponibles en VO sur http://www.blakeneymanor.com/series.html (libres de droit)
RépondreSupprimerL'adaptation fonctionne formidablement, avec une opposition très bien jouée entre Sir Percy/Pimpernel/Leslie Howard magnifique (qui reprendra le principe du personnage dans une oeuvre de propagande antinazie, ''Pimpernel Smith'') et Chauvelin/Massey, assez subtil et glaçant. Dans la ''vraie vie'' Howard fut un patriote engagé, qui le paya sans doute de sa vie en 1943...
Par contre, je ne suis pas très d'accord avec l'appréciation de Merle Oberon, ravissante, mais un peu nunuche par moments, qui reste un peu trop passive à la fin du film. Il est vrai que le script (contrairement au roman) ne met guère l'accent sur la personnalité, le courage et les ressources de Marguerite Saint-Just (soit-disant cousine du révolutionnaire victime de Robespierre), ancienne actrice, qui réussit à se faire accepter par le Ton (aristocratie anglaise) en pleine Révolution. Un petit miracle, en cette période troublée, il faut le souligner...
En ce qui concerne les tricoteuses, j'y sens une influence de ''Tale of Two Cities''...
La meilleure des adaptations parlantes, à ce qu'il me semble. (Pas vu la ''suite'' avec Mason, mais on ne m'en a pas dit que du bien...) Les versions film muet sont -elles disponibles ?
Les versions muettes m'ont l'air assez introuvable par contre les adaptations postérieures pullulent sous différents format, cinéma, tv et meme pas mal d'hommage cartoon chez Disney ou les Looney Tunes. Une qui me fait bien saliver c'est l'adaptation de Michael Powell en 1950 avec David Niven en Mouron Rouge mais le film semble compliqués à trouver aussi j'ai tout juste vu une vhs anglaise bien chère sur amazon.
RépondreSupprimerSinon je regarde la suite dans la semaine je laisserait mes impressions. Hanns Schwarz est parait il un réalisateur très réputé du muet dont ça pourrait être intéressant (car le seul reproche pour ce premier film c'est vraiment la mise en scène statique sans énergie, un peu le problème des premières réalisation anglaise de Korda même s'il produit seulement ici) et très curieux de voir Mason dans le rôle ! Dur de passer après Howard toujours fabuleux dans ce registre je l'adore aussi dans le Pygmalion de Asquith où il est tout aussi irrésistible...
Et contrairement à ce que je dis au dessus après visionnage ce n'est -malheureusement- pas James Mason qui reprend le rôle du Scarlet Pimprenel dans le second film, il y joue Tallien. Dommage il aurait été grandiose...
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