Le Capitaine Curry est un mercenaire engagé cette fois par le nouveau président du Congo à peine sorti des colonies, pour aller chercher le stock de diamants d'une compagnie minière étrangère ainsi que des ressortissants occidentaux sur une région contrôlée par les rebelles. Il a à sa disposition une quarantaine de soldats dirigé par un ancien nazi dont il n'a aucune confiance, et son fidèle bras droit et congolais d'origine, le caporal Ruffo...
Après la tonalité intimiste et le romantisme d’Amants et Fils, on n’attendait pas Jack Cardiff dans un registre aussi brutal que ce féroce Dernier train du Katanga. Le film nous plonge dans un contexte peu traité à l'époque, les guerres civiles et ethniques africaines à l’heure de la décolonisation des 60’s, sur fond de chasse aux diamants (ici inspirés des réels évènement survenu au Congo belge). On peut le rapprocher du récent Blood Diamond d’Edward Zwick qui bien que relativement efficace paraît bien gentillet à côté.
L’histoire narre la mission d'un commando chargé de remonter la jungle en train afin de récupérer un stock de diamants et (accessoirement) sauver un groupe de civils prisonniers des rebelles. Le ton est posé d'entrée avec un président du Congo qui s'avère un infâme dictateur cherchant à asseoir son pouvoir et briser la révolte naissante, cela avec l'assentiment et l'aide logistique de grands industriels européens pour peu qu'il puisse les fournir les diamants.
Le film dégage un constat très noir sur l'humanité qui ne se dément pas avec la description des militaires. Rod Taylor (vu en fiancé de Tippi Hedren dans Les Oiseaux et habitué des rôles de barbouze Tarantino lui réservera d’ailleurs une apparition dans son Inglorious Basterds) trouve le rôle de sa vie avec ce mercenaire dur à cuire, revenu de tout et uniquement motivé par son salaire.
Il évite d’être rendu détestable par son amitié avec Ruffo (excellent Jim Brown pas loin du rôle de sa vie aussi) soldat humaniste et désintéressé. Cette relation entre l’archétype du mercenaire et un autochtone éduqué et engagé est un des point les plus passionnants et fouillés du script de Ranald MacDougall (adapté d’un roman de Wilbur Smith). La description de l'armée congolaise est des plus cinglante également puisqu'on peut y trouver les pires ordures du moment qu'elles sont compétentes, dont un glaçant ancien nazi incarné par Peter Carsten.
Comme souvent avec le film de chefs-opérateurs, c'est visuellement somptueux et Cardiff filme les profondeurs insondable de cette jungle avec maestria tout en nous livrant des morceaux de bravoures aussi haletant que barbares. Le film surprend voire choque carrément par sa violence et sa sauvagerie mettant tous les camps dos à dos. Entre les enfants mitraillés, les massacres des troupes rebelles sur les occidentaux montrés dans toutes leur sauvageries et l’odyssée meurtrière finale de Rod Taylor. Le Dernier train du Katanga est un voyage au bout de la nuit qu’on n’oublie pas.
Rarement les guerres ethniques d’une Afrique faussement émancipée et sous le joug économique des occidentaux n’aura été montré aussi crûment. Bien évidemment on est avant tout devant un gros divertissement d’aventures et les raccourcis simplistes sont légions mais l’audace est bien là malgré tout. Le film est palpitant de bout en bout avec des moments d'action furieux dont retiendra le montage alterné haletant du hold-up des diamants et surtout l’affrontement (qui orne l’affiche mythique) entre Rod Taylor et le nazi armé d’une tronçonneuse !
L’émotion parvient néanmoins à surgir dans ce déluge de testostérone lors du final magistral. Rod Taylor y montre enfin son humanité de manière bouleversante, avant de céder à ses instincts les plus sanguinaires lors d'un mano à mano final d'anthologie et filmé au cordeau par un Cardiff très inspiré. Après avoir assouvi sa vengeance de façon pire encore que les brutes qu’il combat, l’heure est à la rédemption et l’apaisement pour notre héros.
Un grand classique du film d’aventures et une des grandes réussites de la trop mince carrière de réalisateur de Jack Cardiff. Malgré la violence prononcée, c’est pourtant bien dans un montage censuré qu’est le plus connu le film. Le montage originel était parait-il plus sauvage encore notamment la vengeance finale de Taylor virant au cannibalisme tandis que le grand massacre des otages multipliait les excès. Une version rarissime semble-t-il puisque uniquement diffusée par Tarantino (grand fan du film) dans un festival au début des années 2000 et issue d’une copie personnelle. Vu ce qui est conservé on n'ose imaginer le contenu de ce montage qu'on ne verra probablement jamais...
Longtemps introuvable, le film est sorti depuis peu en zone 1 dans la collection Warner Archives et donc sans sous-titres.
Pas revu depuis des décennies mais le souvenir d'un film aux relents quand même fascisants... En tout cas, un gros malaise en sortant.
RépondreSupprimerRod Taylor,lui, commençait déjà à être le sosie de Pierre Mondy...
Fascisant il a certainement dû le sembler à cette une époque mais malheureusement avec les images terribles que l'on a vu et ce que l'on sait de la sauvagerie des guerres ethnique africaines c'était assez précurseur d'oser montrer tout ça aussi crûment. Le film est assez extrême est pas très subtil dans son traitement mais bon tout est là : dirigeant corrompu, occidentaux imposant un chantage économique, décolonisation de façade... Dans les films récent ayant tenté le sujet à la rigueur "La Chute du Faucon Noir" de Ridley Scott est visuellement impressionnant mais pour le coup le fond est sans doute limite. Blood Diamond de Edward Zwick bien que jouant trop sur la corde du mélo (comparé à la brutalité sans concession du Cardiff) était plutôt intéressant avec un très bon Di Caprio par contre.
RépondreSupprimerOui. Bien sûr. Mais contraindre le spectateur à visualiser des tortures n'est-ce pas déjà une forme de torture? Donc un acte fasciste ?
RépondreSupprimer"La légion saute sur Kolwezi" de Raoul Coutard (encore un chef op', lui aussi, étonnant non?) : Pas mal également dans le genre propos facho-douteux.
RépondreSupprimer
RépondreSupprimerLà on s'éloigne du film puisque c'est une question qu'on pourrait se poser sur n'importe quel film aux débordements de violence outranciers et dérangeant, tout dépend du traitement et du message il n'y a pas de règle. C'est plus ce que révèle cette violence que sa présence qui doit amener à voir du fascisme ou pas et en l'occurrence là le message du film est clair c'est l'aboutissement de tout ce qui ne fonctionne pas dans une Afrique faussement émancipée. Après c'est aussi un gros film de guerre et d'aventures qui donne dans l'efficacité et l'action ce qui peut rendre floue l'approche mais ça ne me semble pas si ambigu que cela.
De toute façon le must dans ce registre c'est "Les Douze Salopards" de Aldrich qui nous montre son commando comme des monstres asociaux tout en les rendant charismatiques et héroïques. Mais finalement j'apprécie autant que le côté brut de décoffrage moins fin de Jack Cardiff.
Un vrai film de guerre fasciste il faut aller voir du côté de "L'Aube Rouge" de John Milius et ses cocos qui envahissent l'Amérique ^^
Dans le cas de John Millius, le mot "coco" me paraît, hum,hum, "mal à propos" on va dire!
RépondreSupprimer°-°
M'est avis même que ledit Millius verrait... rouge s'il lisait ça !!!!
Pour Aldrich, son pouvoir et son talent de suggestion l'emportent pour moi haut la main. Aucune torture "in live" dans les Dirty dozen.
C'est là TOUTE la différence.
RépondreSupprimerSi ce n'est pas gratuit ça ne me pose pas de problème de montrer les choses le Cardiff secoue pas mal grâce (à cause de ?) à ça quand même. Pour le Aldrich ça s'arrête juste avant les vrais débordements mais c'est gratiné aussi (Telly Savalas pervers se léchant les lèvres le regard torve et à deux doigts de violer une allemande lors de l'assaut final) et dans d'autres oeuvre Aldrich n'hésitait pas non plus à y aller franco dans l'outrance.
Ouais. Mais montrer un type qui se lèche les lèvres ou "être à 2 doigts de", ce n'est pas encore de la "visualisation". C'est encore de la suggestion. Il est fort pour ça, Aldrich.
RépondreSupprimerBon, d'accord, ça dépend du propos. Aldrich est forcément absout quand il s'agit de vilains nazis. Mais quand même, les choses sont puisssamment suggérées mais pas frontalement filmées.
J'adore "l'Empereur du nord". Mais la castagne brute, face à face, je ne mets pas ça sur le même rang que la torture. J'ai l'air de chipoter mais je persiste et m'obstine.
C'est Jean-Bernard Pouy qui reniait un film dont il avait écrit le scenario pour Jacques Deray . Deray y avait rajouté une scène de torture (pour la bonne cause: une mère torturait le geôlier de sa gamine pour savoir où il l'avait cachée. On ne pouvait vraiment pas lui jeter la pierre, à la dame, hein!).
Mais Pouy n'était pas d'accord du tout.
Eh ben, je trouve qu'il avait hautement raison, le Pouy.
RépondreSupprimerEntre un Katanga à la barbarie généralisée où tout se mêle et se confond (d'ailleurs Cardiff joue aussi de la suggestion même s'il en montre plus) et une scène de tentative de viol longue et complaisante le plus dérangeant n'est ps forcément celui qu'on croit.
De toute façon ce n'est pas un concours de qui est le plus sadique ^^ mais de la pertinence de l'approche. Je n'ai pas de problème à voir les choses si le fond se tient, la suggestion est une autre option qui me semble tout aussi intéressante. Donc pas de soucis à privilégier la suggestion mais ce n'est pas l'unique voie possible, il n'y a pas de règle comme toujours. Les deux traitement me conviennent (encore une fois c'est le fond qui prime plus que la seule violence prise isolément) ce n'est pas votre cas pas de problème avec ça.