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dimanche 12 février 2012

Singapour - Singapore, John Brahm (1947)


Dans le Singapour d'avant-guerre, Matt Gordon rencontre Linda Grahame dont il tombe amoureux. Mais ils sont séparés par l'invasion japonaise. Cinq ans plus tard, Gordon revient à Singapour pour récupérer des perles volées. Il tombe accidentellement sur Linda, qui souffre d'amnésie et ne se rappelle pas les années d'avant-guerre.

Romance, film noir et exotisme forme le cocktail de ce remarquable Singapour où John Brahm réussit une sorte de décalque très réussit de Casablanca. Le script de Seton I. Miller et Robert Thoeren équilibre remarquablement ces différentes tonalités avec un premier quart d'heure où dépaysement, ironie et émotion s'alterne avec brio. L'élégant Matt Gordon (Fred MacMurray) atterrit à Singapour où différents éléments nous révèleront qu'il connaît bien les lieux.

Son aisance tranquille tout d'abord comparé au joyeux couple de vieux touristes voisins, l'accueil teinté de menace que lui fait le chef de la police locale Hewitt (Richard Haydn) où on devinera un passé hors-la-loi et surtout des souvenirs plus tendre qui affleureront de sa mémoire lorsqu'il arrive à l'hôtel. Comme souvent avec Fred MacMurray, le cynisme et la désinvolture de façade dévoile peu à peu un être plus fragile et sensible. Installée à une table du bar de l'hôtel qu'il connaît bien, il fait face à une interlocutrice invisible qui se révèlera en flashback.

Cinq ans plus tôt à la veille de l'invasion japonaise de Singapour, Gordon vécut une vibrante histoire d'amour avec Linda Grahame (Ava Gardner) mais la collusion entre ses activités illégales de contrebandier de diamants et le contexte dangereux les sépara et la laissa pour morte. John Brahm dépeint magnifiquement cet interlude amoureux et malgré la brièveté du flashback les scènes fortes (Ava Gardner renonçant à partir et quittant son bateau pour rejoindre MacMurray sur le quai), la mise en scène magnifiant les étreintes comme dans un rêve et la beauté soufflante d'Ava Gardner suffisent à être happés par cette romance.

Les enjeux du film naviguent entre l'argument policier où MacMurray cherche à récupérer des diamants cachés dans son ancienne chambre d'hôtel la veille des bombardements et réveiller les souvenirs d'Ava Gardner qui s'avérera bien vivante mais amnésique et mariée à un autre. Anciens comparses menaçant (dont un George Lloyd vicieux à souhait en acolyte sournois) et police revancharde se dresse ainsi entre les anciens amants et tout tend progressivement vers la résolution de l'enjeu sentimental, même lorsque l'action s'emballe. John Brahm délivre une mise en scène élégante et sobre où on appréciera le beau noir et blanc de Maury Gertsman. Brahm évite toute flamboyance trop appuyée dans le mélodrame qu'il fait surgir par fulgurances qui font toujours mouche.

On retiendra ainsi ce moment où Matt ayant renoncé à ranimer la mémoire de Linda lui rend la bague qu'elle lui offrit autrefois et Ava Gardner par une brève expression laisse à supposer en lisant l'inscription que si les souvenirs restent flous les sentiments restent eux intacts. La dernière scène où se distingue la silhouette d'Ava Gardner face à l'imposante carlingue d'un avion est également plus touchante et marquante qu'un final qui aurait concédé de manière plus marqué aux effluves romantiques.

Tous les autres choix du film vont dans le sens de cette retenue brillante, que ce soit l'exotisme présent mais pas forcé, le refus d'un onirisme qui lui tend les bras ou la brièveté de l'intrigue (1h20 à peine), modèle de narration ne laissant aucune place au superflu malgré de petites facilités. Une jolie réussite qui contribuait encore à imposer Ava Gardner un an après son éclosion dans Les Tueurs.

Sorti en dvd zone 2 français chez Universal

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