Pages

jeudi 4 octobre 2012

Gumshoe - Stephen Frears (1971)



Eddie Ginley, animateur dans un club de Liverpool, s'identifiant à l'acteur Humphrey Bogart, s'amuse à passer une annonce de détective. Il est contacté par un inconnu qui le paie pour faire disparaître une étudiante, Alison Wyatt.

Gumshoe est le premier film pour le cinéma de Stephen Frears qui s'y attaque au polar, genre qui lui vaudra plus tard deux de ses grandes réussites d'abord dans son Angleterre natale avec The Hit (1984) et Les Arnaqueurs (1990) durant sa carrière américaine. On est ici loin du compte avec ce Gumshoe pourtant pas dénué de qualités et qui fourmille d'idées, sans doute un peu trop même pour un Frears débutant qui a bien du mal à ordonner tout cela dans un ensemble cohérent. Le film se présente comme un pastiche (et pas parodie nuance) de film noir où plane notamment l'ombre du Faucon Maltais et Le Grand Sommeil, l'enquête et son enjeu étant au moins aussi nébuleux et incompréhensible que le classique de Hawks. Le décalage interviendra avec son très singulier héros, Eddie Ginley magistralement interprété par Albert Finney. Celui-ci un loser dans toute sa splendeur végétant et traînant sa déprime entre les séances chez son psy, l'animation peu palpitante du bingo dans les clubs pour métier et surtout les entrevues houleuses avec son frère qui a socialement réussis et qui a épousé ex fiancée (Billie Whitelaw).

Pour se distraire de ce quotidien morne Eddie passe une annonce dans le journal où il propose ces services en tant que détective privé. Contre tout attente il reçoit la mission par un mystérieux commanditaire de tuer Alison Wyatt, un jeune étudiant avec enveloppe garnie de mille livres et une arme pour réaliser le méfait. La drôlerie du film naît du grand écart constant entre l'assurance et les allures de dure à cuire constants d'Eddie se prenant pour la réincarnation de Philip Marlowe et ses capacités réelle fort limitée. Il va pourtant avoir fort à faire tant navigue autour de lui foule de personnages douteux en voulant à sa personne.

Albert Finney est irrésistible, mâchoire serrée et imper bien ajustée alignant les (tentatives de) répliques pleines d'esprit à la Bogart tombant systématiquement à plat. Le personnage s'avère très touchant dans cette assurance naïves constamment altérées par les diverses humiliations et les vrais criminels endurcis auxquels il doit faire face mais Finney lui confère un bagout et un flegme qui le rende d'autant plus attachant. Dans sa vraie carrière, Eddie se rêve humoriste de scène et c'est ainsi qu'il traverse l'enquête policière, comme un type faisant son numéro et roulant des mécaniques. La relation entre lui et son ex (excellente Billie Whitelaw) est traitée avec une grande finesse et on comprend bien que c'est plus par sécurité qu'elle a choisi le frère ayant les pieds sur terre plutôt que Eddie qu'elle aime réellement (et volant plus d'une fois à son secours) tant celui-ci s'avère immature et inconstant.

Tout cela est fort bien posé et le script de Neville Smith multiplie les situations hommages aux classiques du genre savamment détournés tout en exploitant bien le cadre de cette ville de Liverpool. Malheureusement le film part un peu trop dans tous les sens et peine à maintenir une attention soutenue tant tous les éléments clés de l'intrigue nous arrive de manière anarchique. On est perdu entre les multiples sous-intrigues et personnages secondaires apparaissant et disparaissant, bons ou mauvais sans la moindre cohérence.

La très courte durée du film resserre tous ces éléments sans leur donner le temps de se développer et l'ennui poli domine face à ce récit dont on a très vite perdu le fil. L'explication finale fait d'ailleurs regretter un traitement un peu plus sérieux car les enjeux s’avèrent vraiment très intéressant (trafic d'héroïne entre la Grande-Bretagne pour faire tomber un leader politique en Afrique du Sud sous apartheid). On retiendra donc surtout un Albert Finney épatant et dont la performance lui vaudra une nomination aux BAFTA. Le film reste dans les annales aussi pour ses dialogues orduriers particulièrement gratinés qui lui vaudront le bannissement de futur diffusion TV avec un Ginley lâchant quelques répliques racistes choquantes comme ce Mighty Joe Young balancé à un noir venant de le passer à tabac. Petit Frears le meilleur restait à venir.

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres français

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire