A Londres, à la fin du XIXe siècle, le
jeune écrivain Richard Darell porte secours à Don Carlos, un riche
espagnol, qui vient de se faire agresser. Richard lui explique que pour
épouser Oriana, la femme qu'il aime, il doit trouver un travail avant
que l'année ne soit écoulée. Don Carlos lui propose un marché : si
Richard accepte de convoyer des bijoux en Espagne, il publiera son
livre. Laissant Oriana seule avec un soupirant peu scrupuleux, Richard
s'embarque pour l'Espagne...
Caravan
est un virevoltant mélodrame Gainsborough avec tous les excès et
dérapages non contrôlés si typique de la maison de production. Le film
adapte le roman éponyme d’Eleanor Smith paru en 1942. Eleanor Smith
avait donné ses lettres de noblesse au mélo Gainsborough avec
l'adaptation de
The Man in Grey
de Leslie Arliss qui posait les bases du genre avec ses intrigues à
tiroirs, ses rebondissement inattendus, sa dose de provocation teinté
d'érotisme et ses méchants odieux. Sans être aussi réussi que
The Man in Grey ,
Caravan
est un divertissement de haute volée où l'on goutte sur pellicule aux
plaisirs simple du roman feuilletonesque du XIXe. Les revirements
incessants de l'intrigue, dans le ton comme dans les genres contiennent
au moins la matière à quatre films et si l'on a parfois un sentiment de
trop plein, la surprise est constante.
Richard Darell (Stewart Granger) est un jeu écrivain sans le sou qui va
porter secours à Don Carlos victime d'une agression dans un Londres
nocturne. Don Carlos reconnaissant décide en savoir plus sur son
bienfaiteur qui lui raconte son histoire. On découvre donc en flashback
l'enfance de Darell, enfant pauvre amoureux d’Oriana (Anne Crawford)
fille de bonne famille avec qui il va se lier sous le regard jaloux de
son rival nanti Sir Francis Castleton (Dennis Price). S'étant promis un
amour éternel malgré leur différence de classe, Darell devenu adulte
promet de se faire une situation d'ici un an afin de convoler avec
Oriana.
Don Carlos lui en offre l'opportunité en remerciement en lui
confiant la livraison d'un collier de grande valeur en Espagne en
échange de la publication de son livre mais Francis est bien décidé à
l'en empêcher et épouser Oriana qu'il convoite également. A ce stade, on
croit voir venir la suite avec les embûches sur la route de Richard qui
parvient à les surmonter et arrive de justesse avant les noces avec le
méchant. Mais nous sommes chez Gainsborough et ce ne sera pas si simple
loin de là, l'intrigue effectuant de rocambolesque détour et nos héros
endurant mille souffrances avant le happy end attendu.
Après un début lorgnant sur l'aventure romanesque avec Richard avançant à
fier allure vers son destin, tout vole en éclat. Un triangle amoureux
s'instaure avec une vénéneuse danseuse gitane jouée par Jean Kent, notre
héros devient amnésique oubliant sa belle qui elle le croyant mort
épouse le grand méchant par désespoir, Granger lui-même épousant sa
gitane lorsqu'il l'apprend!
On pourrait décrocher face à tant d'excès
mais comme toujours chez Gainsborough l'absence d'ironie, la puissance
du récit et la conviction des acteurs fait parfaitement tenir
l'ensemble. Stewart Granger en jeune premier romantique et fougueux est
parfait et Jean Kent sensuelle en diable (les danses provocantes, les
robes de gitanes quasi transparentes et cette nage nue dans un lac) porte
totalement la force émotionnelle du film. Amoureuse éconduite puis
choisie par défaut, elle irradie l'écran par sa fougue passionnée, tout à
tour jalouse colérique puis totalement dévouée à son homme qu'elle va
sauver plus d'une fois.
C'est elle qui fait exister le couple romantique un peu niais au départ
formé par Granger et Anne Crawford qui ne fonctionne vraiment qu'une
fois dévoré par la rancœur dans la dernière partie où les échanges se
font plus passionnés. Dennis Price en méchant prend ici le relai de
James Mason
villain emblématique
de la Gainsborough qui là de cet emploi est parti à Hollywood.
Price
n'a pas la présence physique de Mason mais tire son épingle du jeu avec
un savant mélange de couardise, suavité et perversion pour ce Francis
précieux et jamais à cours de ressources diaboliques pour piéger ses
ennemis. Il forme un mémorable duo avec Robert Helpmann (dont on se
souvient plus du rôle de danseur et chorégraphe dans
Les Chaussons Rouges et
Les Contes d'Hoffmann), homme de main chétif mais tout aussi veule et calculateur.
Arthur Crabtree même s'il a signé pour le studio des œuvres plus folles (l'ovni psychanalytique
Madonna of the seven moons) ou dramatiquement plus intense (le poignant et cruel
There were sisters
avec James Mason en mari tyrannique) offre quand même une sacrée
extravagance à l'ensemble.
L'action est brutale et sanglante
(l'embuscade dont est victime Granger), les situations équivoques
(Dennis Price qui s'avère un sacré pervers collant des mains aux fesses
aux servantes, la dualité entre l'amour courtois d'Anne Crawford et
celui torride de Jean Kent), la cruauté et le sadisme sans limite.
On se
souviendra ainsi longtemps de la course poursuite finale où Crabtree se
délecte de la mort lente et atroce du méchant (qui ne l'a pas volé) et
un Granger le molestant sévèrement avant de l'achever involontairement.
Visuellement c'est éclatant entre extérieurs grandioses et décors
studios et costumes respirant le luxe rococo dans une Espagne de
pacotille et très bande dessinée. Un peu trop long et partant trop dans
tous les sens certes mais toujours aussi délirant et excessif, vive la
Gainsborough et ses mélos too much !
Sorti en dvd zone 2 anglais au sein du copieux coffret ITV consacré à Stewart Granger plusieurs fois évoqué ici et doté de sous-titres anglais
Extrait mais pas sur la bande son du film
En visionnant le film j'ai découvert la prestation "énergique" de la Française Sylvie St Clair, qui joue la servante subissant les avances de Francis. Il y a une erreur au générique, elle ne se prénomme pas Marie, mais Célestine.
RépondreSupprimerElle sera ensuite présentatrice à la BBC puis à NY sur la chaîne WABD. Elle a aussi enregistré quelques disques 78 trs dont https://youtu.be/fqo-dL_tjdU