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mardi 26 mars 2013

La Voleuse - A Stolen Life, Curtis Bernhardt (1946)



Une jeune artiste peintre, Kate Bosworth, passe l'été à Martha's Vineyard, dans la maison d'un cousin. Elle y fait la connaissance du séduisant Bill Emerson, l'assistant du gardien du phare. Kate se sent attirée par le jeune homme. Sur ces entrefaites, débarque Patricia, sa sœur jumelle. Autant Kate est douce et prévenante, autant Patricia est dure, méchante et sournoise. Patricia a tôt fait de séduire Bill. Kate s'efface et laisse le couple se marier. Elle se lance alors à corps perdu dans la peinture. Le hasard la met à nouveau en présence de Bill, qui lui annonce son prochain départ pour l'Amérique du Sud, en compagnie de son épouse.

A Stolen Life est un mélodrame typique du genre et offrant un bel écrin à Bette Davis qui en fit d'ailleurs le premier (et finalement le seul) film produit par sa compagnie B.D. Incorpored. L'intrigue explore les affres de la gémellité mais dans une veine bien plus mélodramatique que psychanalytique, se différenciant ainsi largement du fabuleux Double énigme de Robert Siodmak sorti la même année. Cet aspect se traduit par la façon d'introduire cette notion de gémellité qui arrive de manière assez surprenante dans le récit. Le tout démarre d'ailleurs par une romance naissante entre la jeune peintre Kate Bosworth (Bette Davis) et le gardien de phare Bill Emerson (Glenn Ford), le film multipliant les jolis moments intimistes et tissant la complicité naissante entre eux, de la première rencontre à la timide séduction où Bette Davis charme par sa candeur et timidité (l'aveu dans le phare embrumé).

Cette retenue attachante de Kate va pourtant s'avérer un terrible défaut lorsqu'entre en scène sa sœur jumelle Pat au tempérament diamétralement opposé et au fond bien moins pur. Curtis Bernhardt ne joue jamais d'une quelconque ambiguïté, n'adopte jamais dans sa mise en scène des artifices amené à nous faire confondre les jumelles. Si les personnages sont dupes, le spectateur, lui, ne le sera jamais. Séductrice, élégante et sophistiquée pour Pat, fragile, timorée et introvertie pour Kate, Bette Davis est extraordinaire de façon égale dans les deux registres.

Bernhardt ne cesse d'opposer les deux sœurs dans sa mise en scène, rarement ensemble au sein d'un même plan (d'ailleurs quand c'est le cas pour le coup les effets spéciaux sont bien en deçà de ceux extraordinaires de Double énigme) mais usant souvent du champ contre champ forcément désavantageux pour la complexée Kate qui s'est toujours effacée devant sa sœur Pat et ce sera encore le cas lorsqu'elle lui volera l'homme qu'elle aime. Là le script va dans une direction surprenante avec le personnage rustre de Karnok (Dane Clark) peintre torturé qui sachant lire dans les désirs et les peurs de Kate, la remettant en question en tant que femme et artiste. Un personnage captivant qui amène Kate à s'interroger et se remettre en cause, mais qui lui amène aussi l'audace d'endosser l'identité de sa sœur morte en mer pour se rapprocher de Bill.

Malheureusement l'intrigue cherche à réunir de façon un peu forcée son couple vedette et expédie nombres de situations intéressantes : on ne voit jamais vraiment Kate endosser réellement la personnalité de Pat (alors que l'enjeu est finalement qu'elle s'émancipe de son ombre même décédée) et s'affirmer, elle reste finalement cette petite chose fragile et apeurée jusqu'au bout. Karnok, personnage le plus intéressant disparait au profit d'un Glenn Ford très bon mais dont le Bill manque de caractère. Un joli mélo un peu policé essentiellement tenu par une grande Bette Davis mais qui renonce à explorer des zones plus troubles alors que tout était là pour un résultat plus déroutant.


Sorti en dvd zone 2 chez Warner dans la collection Trésor Warner

Extrait

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