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jeudi 25 avril 2013

Caotica Ana - Julio Medem (2007)

Ana est une belle jeune fille épanouie de 18 ans qui vit à Ibiza. Elle exprime sa passion pour la vie dans ses peintures naïves. Un jour, Justine, mécène cosmopolite, invite Ana à approfondir son travail en venant à Madrid, pour y vivre au sein d'un groupe de jeunes artistes. C'est le commencement d'un voyage qui mènera Ana sur de nouveaux continents, la menant à révéler, à travers l'hypnose, ses vies passées, qui ont traversé des siècles de mythes anciens. Ana devra relever le défi de briser la chaîne de violence ancestrale qui siège dans son esprit chaotique.  
 
Dans chacun de ses films, Julio Medem avait toujours mêler des intrigues dont les enjeux s'inscrivaient dans une certaine réalité (la solitude, les amours contrariés, le deuil) et dont la résolution passait des éléments plus flottant teintés d'onirisme, de karma et de spiritualité. Lucia et le Sexe (2001) avait atteint une sorte de perfection esthétique et narrative de cette approche et constituait le chef d'œuvre du réalisateur. Avec Caotica Ana, Medem radicalise cet esprit et s'abandonne complètement à ses velléités mystique en faisant reposer son récit entier sur une quête spirituelle, sans y mêler de drame classique et signe ainsi son film le plus déroutant.
 

Ana (Manuela Vellés) est une jeune fille épanouie ayant toujours vécu à l'écart de toute difficultés, vivant une existence libre au grand air avec son père et habitant dans une grotte. Tous cela est bouleversé le jour où Justine, un mécène (Charlotte Rampling) intrigué par ses peintures lui propose d'intégrer un groupe de jeune artistes qu'elle loge à Madrid. Ana accepte, se trouve une seconde maison et de nouveaux amis dans ce nouveau cadre et découvre même ces premiers émois amoureux avec le ténébreux Saïd (Nicolas Cazalé).

Celui-ci est son pendant inversé, aussi torturé et dépressif qu'elle est insouciante. Le personnage d'Ana aussi attachant et radieux soit-il nous apparaît tout de même un peu creux dans cet allégresse constante. Ana est en fait un être incomplet qui refuse de se confronter aux douleurs du monde et vit dans une bulle, mais en quittant son cocon elle sera bientôt rattrapée par d’étranges visions en forme d'hallucinations éveillée convoquant un lointain passé. La belle quiétude d'Ana va alors s'estomper et la jeune fille va devoir résoudre ses troubles par l'hypnose, à la recherche de ce mystérieux passé.

Là Medem nous embarque dans un trip aussi fascinant que boiteux. Il fait jouer la frustration en nous faisant adopter le point de vue d'Ana qui refuse de se confronter à ces visions et les séquences d'hypnose ne montrent que de façon fugace ses plongées (mais avec toujours de belles idées comme ces peintures animées) dans l'inconscient. Ana adopte endosse ainsi à différente époque l'identité de femmes martyrs bafouées par les hommes. On trouvera une femme berbère assassinée par des soldats marocains, une alpiniste fuyant son amour mourant de froid dans les hauteurs neigeuse les voyages remontant de plus en plus loin dans le temps.

Ces femmes doivent leurs dimensions sacrificielles à un savoir, à une magie et accomplissement spirituel se transmettant à travers les époques entre élues féminines dont Ana est la descendante. Seulement Ana refuse cet héritage et tout le film suit donc son acceptation progressive de cette destinée. La femme selon Medem ((arborant les vertus de la mère, l'amante, l'amie...)) acquiert donc ici une dimension de déité (le dernier plan du film voit Ana passer devant la Venus de Milo) bienveillante apportant paix et apaisement au fil du temps. Le chapitrage du film agencé de un à dix comme les nombreux compte à rebours d'hypnose qui parsèment l'intrigue se construit donc ainsi en hypnotisant également le spectateur dans cette longue quête initiatique d'Ana.

Medem prend tout de même le risque d'en égarer beaucoup dans ce virage assez radical. On retrouve ici son gout pour les rebondissements invraisemblables, mais cette fois lié à une intrigue tellement flottante qu'elle demande une acceptation totale du voyage proposé et où le piège du new age n'est jamais loin. Ce qui maintient notre attention c'est la prestation puissante de Manuela Vellés, qui nous implique émotionnellement par son jeu fragile et à fleur de peau et rend concrètes toute cette dimension onirique. Le personnage de Charlotte Rampling est trop signifiant et explicite exprimant uniquement par la parole les enjeux tandis que Nicolas Cazalé est tout de même un peu fade. Medem délivre un incroyable livre d'image dans ce périple d'Ana, gorgé de moments flamboyants dont cette extraordinaire arrivée dans le musée indien au cœur des rocheuses sur la musique de Jocelyn Pook ou encore les langoureuse séquences maritimes.

Le final est grandiose avec Ana s'assumant enfin et prête à son tour à faire face et à se sacrifier face au tyran de son époque. Le montage alterné entre ses souffrances contemporaines et celles originelles à l'aube des temps donne une tonalité épique fabuleuse à cette résolution. Seul l'identité du "tyran" en question date quelque peu le film et amène de manière grossière et une dimension politique inutile. Inégal et trop extrême dans son parti prix, Caotica Ana n'est pas la plus maîtrisée des œuvres de Medem mais c'est cet équilibre fragile et cette sincérité qui la rend si belle. Et dès lors on comprend mieux l'option du suivant Room in Rome qui ramène à une vraie épure tous les thèmes de Medem avec unité de temps, de lieux et d'enjeux restreint et un symbolisme plus subtil.

Sorti en dvd zone 2 dans une édition hollandaise qui comporte aussi des sous-titres français

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