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mardi 23 avril 2013

Les Ordres sont les ordres - Gli ordini sono ordini, Franco Giraldi (1972)


Giorgia, jolie femme-objet, épouse modèle, assiste par hasard à un congrès de femmes en colère. Le soir même pour la première fois, elle entend des voix, une voix plus exactement, à laquelle elle ne peut résister et qui lui ordonne des choses invraisemblables qu'elle regrette aussitôt après les avoir faites : écraser une cigarette dans l'œuf que prenait son pacha de mari au petit déjeuner, érafler sa précieuse voiture, lui avouer une inexplicable liaison avec un peintre de bâtiments des plus frustes, essayer de le noyer..

Gli ordini sono ordini est une adaptation d'un roman d'Alberto Moravia où comme souvent dans l'œuvre de ce dernier il est question de critique envers les travers de la société italienne. Le sujet sera ici la place et l'émancipation de la femme à l'aune de l'évolution des mœurs en ce début des 70's à travers le parcours d'une femme au foyer soumise incarnée par Monica Vitti. Giorgia (Monica Vitti) est une épouse modèle dont l'existence est entièrement soumise à la satisfaction de son mari. Lui préparer son petit déjeuner et œuf sur le plat comme il aime le matin, rendre la maison impeccable et faire les courses du dîner préparé avec amour pour le soir et écouter religieusement son homme raconter son harassante journée de travail dans bien calé dans le fauteuil.

Tout est parfaitement agencé dans ce petit programme (le câlin, toujours le samedi inclus) sauf ses désirs et sentiments à elle. Giraldi met en place toute sorte de petit gimmick et situations humiliante pour illustrer la soumission de Giorgia tel se monologue quasi publicitaire sur les meilleurs lessive en ouverture, la goujaterie hilarante du mari joué par Orazio Orlando qui s'endort quand sa femme lui raconte sa journée et feuillète sans scrupule des revues pornos dans le lit conjugal.

Giorgia subit la situation en épouse docile respectueuse de la tradition mais la rébellion viendra de son inconscient. Un étrange sifflement annonce alors à plusieurs reprises l'intrusion d'une voix dans son esprit qui l'incite aux actes les plus insensés : allumer puis coucher avec le premier venu, punir le comportement odieux de son époux en le jetant à la mer ou en rayant sa voiture (ce dernier point le fâchant plus que l'adultère !). Elle va tout perdre de sa "confortable" situation mais peut-être gagner enfin une vraie raison de vivre à travers son parcours initiatique et sa quête d'elle-même.

La première partie est parfaite de drôlerie et d'invention, la suite peine un peu plus à convaincre à cause des situations très quelconques dans lesquels sont placés l'héroïne. Pourtant les bonnes idées sont là mais trop timorées dans l'ensemble. On a ainsi un bref interlude rural où la situation semble plus arriérée encore avec ses femmes choisies et mariées comme du bétail aussi drôle que glaçant mais peu approfondi. L'émancipation doit être d'ordre sexuel aussi avec une Giorgia assumant sa libido mais il n'y a ni folie ni vrai plaisir qui se dégage de ces séquences trop brèves (surtout si on compare avec l'extraordinaire L'Amour à cheval est bien plus profond sur des thèmes voisins sous son aspect coquin).

Du côté professionnel non plus pas grand intérêt alors qu'une photographie même comique des femmes désormais bien installées dans le monde du travail aurait pu être explorée mais c'est à peine survolé. La remise en causes des idéologies libertaires est par contre réussie comme lorsque Giorgia en couple avec un artiste se rend compte qu'il la néglige et la traite en domestique tout autant que son époux (plaçant ce machisme dans les gènes du mâle italien d'où qu'il vienne) et un libertinage pas toujours acceptable pour cette vraie amoureuse. Le film a un rythme assez poussif faute de moments accrocheurs et fouillés (et la géniale idée de la voix off est finalement trop peu utilisée) mais heureusement l'épatante prestation de Monica Vitti rattrape pas mal les défauts.

Elle a effacé toute l'élégance et la sophistication dont elle est capable pour ce personnage un peu gauche et ahuri qui s'impose progressivement dans ses choix. Elle est très attachante dans sa maladresse sollicite toute l'inspiration de Franco Giraldi (ancien assistant de Sergio Leone et réalisateur de western spaghetti reconverti dans la comédie) et du directeur photo Carlo Di Palma (alors compagnon de Monica Vitti) qui la mette diablement en valeur et avec un grand naturel pour accompagner cette prestation fraîche et spontanée.

Il est vraiment dommage que le film soit si décousu, notamment une longue poursuite en voiture finale dont on se demande ce qu'elle vient faire là. On préférera se souvenir de la dernière image où une Monica Vitti boiteuse s'éloigne néanmoins seule et libre vers de nouvelles aventures et expérience où elle s'accomplira enfin, , hors des passages piétons et des sentiers battus.


Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Vidéo

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