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vendredi 10 mai 2013

Vacas - Julio Medem (1991)


Voilà des lustres que, pour des raisons ignorées de tous, y compris des intéressées, deux familles voisines du Pays basque espagnol se sont prises en haine. Le film commence en 1875, durant la seconde guerre carliste, et s'achève en 1936, alors qu'éclate la guerre civile.

Premier essai et coup de maître pour Julio Medem avec ce Vacas qui lui vaudra d'emblée la reconnaissance critique à travers les nombreuses récompenses obtenues par le film. On retrouve ici avec une maîtrise déjà certaine toute l'étrangeté, la poésie et le mysticisme des œuvres à venir dans une tonalité universelle et très personnelle à la fois. L'intrigue se déroule en effet dans le pays basque natal de Medem dont il explore la vie rurale et la nature sauvage tout en survolant l'histoire de l'Espagne.

Ce contexte sert ainsi le récit du conflit entre deux familles voisines sur près de 60 ans, de la première guerre carliste en 1875 à la guerre civile de 1936. Medem réalise en fait là une sorte d'adaptation officieuse et revisitée du Cent ans de Solitude de Gabriel Garcia Marquez, la grande Histoire et l'intime traversant ce lopin de terre du Pays Basque comme elles le faisaient pour le village colombien dans le roman de Marquez.

La répétitivité des noms des personnages rejouant le cycle de la haine est ici repris visuellement par Medem qui réutilise les même acteurs d'une générations à l'autre pour exprimer une continuité mais aussi les variantes et le futur différent possible par des êtres plus jeunes et ouverts. Le film s'ouvre sur les retrouvailles des deux voisins Manuel (Carmelo Gómez qu'on retrouvera dans Tierra et L'écureuil Rouge) et Carmelo (Kandido Uranga) sur le champ de bataille durant la première guerre carliste. Manuel par sa lâcheté cause involontairement la mort de Carmelo qui cherchait à le protéger mais survit miraculeusement après s'être couvert du sang de son ami.

Il parvient à revenir au pays dans un piteux état mais dès lors le destin des deux familles est lié ainsi que leur haine respective, cela étant établi comme un fait avéré sans que les évènements dramatiques initiaux soient connus de tous. On retrouvera ainsi les descendants trente ans plus tard à travers la rivalité entre Ignacio et Juan (joués à nouveau par Carmelo Gómez et Kandido Uranga) pour le meilleur coupeur de bois de la région.

Cette haine et amour s'entremêlent à travers la romance entre Ignacio et la sœur de Juan, Catalina (Ana Torrent) dont naîtra un enfant illégitime, Peru. Medem montre cette espace comme étouffant à la travers l'antagonisme inconciliable des deux familles et tout rapprochement sentimental ne peut s'épanouir qu'en le quittant. Ignacio et Catalina tel des Roméo et Juliette basques vont ainsi vivre une folle passion et surmonter l'opposition de leur entourage en fuyant vers le nouveau monde plus moderne et ouvert que représente l'Amérique.

Medem tout en dénonçant ces archaïsmes bien humains va néanmoins montrer un rapprochement possible par d'autres rites ancestraux, ceux liés au rapport à la nature. La troisième génération aura ainsi été absoute de cette guerre grâce au savoir du désormais patriarche Manuel (Txema Blasco) qui contribuera à stopper le cycle de la violence après avoir été cause de son commencement.

C'est en croisant le regard d'une vache qu'il survécu miraculeusement à ses blessures et dès lors il détient tous les secrets des rites et coutumes ruraux qu'il va transmettre à sa petite fille Cristina (Emma Suarez pour sa première collaboration avec Medem) et au fils illégitime Peru (qui retrouve adulte de nouveau les traits de Carmelo Gómez).

Medem décrit avec un tonalité quasi documentaire la vie rurale et les travaux fermiers, mais aussi les remèdes et solutions quelques peu excentriques et magiques apportés au difficultés du quotidien. La forêt est une entité libre et omnisciente observant l'agitation des hommes, leur passions et violence à travers une caméra au regard incertain traversant les fougères.

Alors que dans cette campagne la civilisation est synonyme d'affrontement, la forêt fait office de lieu de guérison et de purification (les morceaux de la vache malade jetés dans le trou), et c'est en comprenant ses règles que la dernière génération pourra enfin se lier lors de la romance entre Cristina et Peru. La dernière partie montre ainsi les ravages de la guerre civile de 1936 et la manière dont les descendants plus apaisés vont la surmonter.

Medem ne rend pas encore ici la dimension symbolique qui le caractérise aussi accessible que dans ses films suivants. On est donc dans un premier temps surtout envouté par l'atmosphère magique de Vacas, par ses envolées onirique sans immédiatement comprendre et s'attacher aux personnages. Nous sommes comme ces vaches qui regarde placides les hommes se déchirer, mais les bovins acquièrent une dimension sacrée évoquant l'hindouisme dans leur façon d'être vecteur des bonds temporels du récit et déterminer la destinée des héros.

Tous les autres personnages les traitent comme les bêtes stupides qu'elles sont supposés être et seul Manuel puis les amoureux Cristina et Peru sauront les regarder et les comprendre (les scènes d'enfances sont somptueuses la jeune actrice jouant Cristina jeune ayant une bouille des plus attachante) ce qui leur vaudra le salut final contrairement à leurs ancêtres.

Medem annonce ainsi une thématique au cœur de toutes ces œuvres à venir, la paix intérieure constamment liée par le rapport à son environnement. La nature peut être une amie ou une menace selon notre regard sur elle et notre état d'esprit, choses qu'apprendront à leur dépend ou pour leur bonheur les héros de Lucia et le sexe, Caotica Ana ou encore Les Amants du cercle polaire. Une merveille et vu la haute tenue de cette adaptation officieuse, on se prendrait à rêver que Medem transpose effectivement sur grand écran Cent ans de solitude, il est le candidat idéal pour le faire.


Sorti en dvd zone 2 espagnol et doté de sous-titres français

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