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dimanche 30 juin 2013

L'Étrangleur de la Place Rillington - 10 Rillington Place, Richard Fleischer (1971)


En 1944, à Londres, une jeune femme est tuée par asphyxie, puis violée par l'homme chez qui elle était venue demander de l'aide et qu'elle avait pris pour un médecin, John Reginald Christie, un policier suppléant. En 1949, le même Christie, toujours faux médecin, propose ses services à Beryl Evans, une jeune femme qui veut avorter de son deuxième enfant.

10 Rillington Place est pour Richard Fleischer l’achèvement de ce qui forme dans sa filmographie une trilogie consacrée à la figure du serial killer. Assassin sans visage (1949) avait posé tous les motifs narratifs et visuels récurrents associés au serial killer mais bien que demeurant un thriller efficace restait limité par sa nature de film noir et de série B à petit budget. Fleischer allait s’affranchir de toutes ces règles avec le mémorable  L'Étrangleur de Boston (1968), rigoureuse et virtuose évocation des méfaits du vrai assassin Albert De Salvo. Le réalisateur explore le thème une dernière fois dans  10 Rillington Place où il saura à adopter une approche encore différente des précédentes tentatives.

Fleischer semble ici tout à la fois dans la continuité de L'Étrangleur de Boston mais aussi dans son antithèse. Comme le film de 1968, le film s’inspire d’une histoire vraie en retraçant le parcours meurtrier de John Reginald Christie en Angleterre durant les années quarante et plus particulièrement de l’ouvrage éponyme de Ludovic Kennedy. Fleischer retrouve également des velléités réalistes en tournant sur les lieux même du drame (même si cela se fera au 6 plutôt qu’au 10 Rilngton Place) et en respectant  méticuleusement la chronologie des évènements. Les similitudes s’arrêtent là puisque Fleischer va totalement adapter la forme à ce tout autre type de serial killer qu’est John Reginald Christie.

10 Rilington Place, est un film beaucoup plus austère que les deux autres tentatives, presque plus un drame intimiste qu’un thriller. L’intrigue s’attardera surtout sur le meurtre de Beryl Evans et de son bébé, crime pour lequel le mari de la victime fut accusé et exécuté. La théorie de Ludovic Kennedy (et de l’opinion publique anglaise) et reprise par Fleischer faisait de Christie le vrai coupable bien que cela n’ait jamais été prouvé au contraire de ses autres méfaits. Hormis celui-là, tous les autres meurtres sont fugaces, seulement suggérés où découverts après coup de manière macabre. 

La scène d’ouverture pose l’ambiance avec un meurtre nous présentant la méthode de Christie. Contrairement à Albert De Salvo dont les pulsions surgissent de façons spontanées et bestiales, Christie est un homme réfléchi et manipulateur qui murit et fantasme longuement ces meurtres. Dans cette première scène, il accueille une collègue venu pour tester le remède qu’il lui préconise contre sa bronchite, les médicaments étant rares dans cette Angleterre soumise au Blitz. Incarné par un stupéfiant Richard Attenborough, Christie apparaît comme un être inoffensif avec cette allure rabougrie, cette voix fluette et le visage impassible derrière d’épaisse lunettes. Il inspire confiance et pitié à la fois et vous piège en vous mettant à l’aise avant que ses instincts primaires ne ressurgissent. Ce premier crime déroule une scène quasi anodine de discussion avant que Christie fasse gouter sa mixture à la malheureuse victime, le remède étant un gaz qui va l’endormir et la laisser à la merci du tueur. 

La suite déploie finalement sur une durée plus étendue le déroulement de cette ouverture. Le couple Beryl (Judy Geeson) et Timothy (John Hurt) Evans loue un appartement dans l’immeuble tenu par John Christie. Jeune, inexpérimenté et ayant du mal à joindre les deux bouts, le couple se déchire et se trouve dans une impasse lorsque Beryl va se trouver enceinte. Tout le caractère suave et manipulateur de Christie va alors se manifester lorsqu’il proposera ses services pour aider la jeune femme à avorter, prétexte à utiliser son « savoir-faire » médical et abuser d’elle. Cette allure quelconque dissimule une volonté de fer poussant autant Beryl à s’en remettre à lui que plus tard une fois l’horreur commise Timothy (remarquable John Hurt en homme faible et simple d’esprit) à s’accuser du crime.

A la virtuosité de L'Étrangleur de Boston, Fleischer oppose là un ton glacial et claustrophobe. L’insaisissable et longtemps invisible Alfred De Salvo amenait le réalisateur à varier les lieux, les ambiances et la manière de nous y baigner par des choix esthétiques forts (les split-screen ou le final neurasthénique). Cette fois la forme épouse la médiocrité du tueur qui nous est connu d’emblée, avec cette photo terne de Denys N. Coop, les appartements insalubres et un quartier quelconque qu’on ne quitte jamais, renforçant le sentiment de claustrophobie.

On est enfermé dans ce cadre grisâtre comme Christie l’est dans son existence triste. Ses crimes viennent comme perturber ce contexte réaliste et Fleischer avec un minimum d’effet (les yeux révulsé de Christie lorsque les effets du gaz font leur effet et que la victime est en son pouvoir) crée un malaise saisissant, comme si le mal absolu était venu soudain envahir le réel terne.

La conclusion suivant la vraie arrestation de Christie bien après les évènements lui offre la déchéance et la chute qu’il mérite, bien loin de la flamboyance du final de L'Étrangleur de Boston. 10 Rillington Place est sans doute le plus glaçant des trois films par sa sobriété. Jamais la possible existence d’un monstre tapi au coin de la rue ne nous aura parue aussi plausible.

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais 

vendredi 28 juin 2013

The Long Day Closes - Terence Davies (1992)

Les heureuses années de jeunesse de Bud au milieu des années cinquante à Liverpool.

Terence Davies concluait avec The Long Day Closes le cycle autobiographique entamé dans ces deux premiers films The Terence Davies Trilogy (réunion de ses trois premiers court métrages en un seul film en 1984) et Distant Voices, Still Lives (1988). The Long Day Closes apparaît d'ailleurs comme le film jumeau de Distant Voices, Still Lives dont il reprend la construction vaporeuse teintée de nostalgie mais dans une tonalité différente. Le film de 1988 explorait les souvenirs de Terence Davies dans un quartier de Liverpool sur une vaste période allant du Blitz à l'après-guerre et se concluant à la fin des années cinquante. The Long Day Closes se situe uniquement dans cette dernière période et s'avère nettement moins tourmenté que son prédécesseur explorant une plus vaste gamme d'émotion avec la nostalgie mais aussi la peur et la violence avec la terrifiante figure paternelle incarnée par Pete Postlethwaite.

Cette fois le passé et surtout le cocon familial qui s'y rattache constitue un vrai paradis perdu à raviver. La scène d'ouverture balaie ainsi dans un mouvement de caméra l'ancienne rue plongé sous une pluie nocturne avant de s'engouffrant dans l'ancien logis abandonné, signe de ce présent terne qui va s'estomper pour redonner à la demeure ses atours disparus. On y découvrir alors le jeune Bud (Leigh McCormack) double de Terence Davies demandant de l'argent à sa mère pour aller au cinéma. Une grande tendresse se dégage de la séquence, du gamin insistant doucement à la mère l'ignorant tout à ses tâches ménagères avant de lui délivrer le précieux sésame.

La caméra de Davies balaie traverse les lieux avec lenteur comme pour s'en imprégner et la complicité unissant la mère et le fils s'exprime dans une sobre poésie (le drap lancé par la fenêtre échouant lentement sur la tête de la mère. Davies amorce chaque séquence familiale comme un tableau en soi, une photographie d'un souvenir, d'une époque de bonheur simple et d'insouciance. La manière d'introduire ces séquences obéit aussi à cet aspect de capture d'un moment fugace tel ce repas de noël où des portes s'ouvrent comme une scène de théâtre pour accompagner le regard de Bud observant sa famille attablée et discutant.

Une des images les plus marquantes du film sera aussi ce mouvement de grue laissant voir Bud entourée de sa mère et de sa sœur accoudé à la terrasse et émerveillé devant un film. Le cinéma est un vrai fil conducteur avec en toile de fond les dialogues de classiques américains sortis tardivement à cette période en Grande-Bretagne et ayant marqué le jeune Terence Davies comme Le Chant du Missouri (superbe moment où un dialogue entre Judy Garland et un prétendant trouve son écho dans une scène amoureuse entre la sœur de Bud et son fiancé) ou La Splendeur des Amberson.

Cette cinéphilie se fait aussi par des références au cinéma anglais où les amateurs reconnaîtront aussi les succès populaire de l'époque comme Tueurs de Dames, Noblesse Oblige ou Private's Progress. Ce cadre idyllique permet surtout à Davies de lancer un vrai cri d'amour à sa mère, si tendre, pétrie de bonté et à son écoute. Il faut voir cette superbe scène où Bud réveillé en sursaut par un cauchemar peut immédiatement se blottir dans les bras de sa mère le veillant, assise sur son lit.

Ce sentiment d'amour et de protection n'a d'égale que l'insécurité et la violence qui le guette à l'extérieur. Le père tyrannique de Distant Voices, Still Lives trouve son équivalent dans l'environnement extérieur et plus précisément l'école avec le châtiment corporel en guise d'apprentissage obligé (le coup de gabardine donné à toute sa classe dès le premier cours par un professeur pour signifier qu'il est le maître) et les maltraitances des autres camarades envers le trop paisible Bud. Davies offre ainsi un reflet de cet Angleterre d'après-guerre où les privations ont appris à s'affirmer dans la douleur, celle-ci devenant un passage obligé pour devenir un homme (le directeur laissant presque faire lors Bud est violenté par d'autres élèves).

Cette souffrance ainsi que le mal-être et la solitude de Bud se ressent de manière touchante dans des moments anodins (le final où il n'a pas d'ami pour l'accompagner au cinéma), le jeune Leigh McCormack étant très attachant. Le spleen croise donc constamment la quiétude dans un environnement gardant constamment sa dimension fugace dans l'illustration qu'en fait Davies avec cette photo diaphane, ses ralentis délicats rattachés aux moments d'évasion (la fête foraine, la camera suivant la lumière du projecteur, en plongée au-dessus des spectateurs) ou de communion collective avec toujours cette omniprésence du chant et de figure récurrente de Distant Voices, Still Voices avec le couple d'amis bougons. La sublime dernière séquence voyant la nuit tomber voit donc cette longue journée s'achever, ce voyage/journey dans un glorieux passé arriver à son terme.

Sorti en dvd zone 2 anglais et doté de sous-titres anglais 

Extrait

jeudi 27 juin 2013

Before Midnight - Richard Linklater (2013)


Une île grecque, une villa magnifique, en plein mois d’août. Céline, son mari Jesse et leurs deux filles passent leurs vacances chez des amis. On se promène, on partage des repas arrosés, on refait le monde. La veille du retour à Paris, surprise : les amis offrent au couple une nuit dans un hôtel de charme, sans les enfants. Les conditions sont idylliques mais les vieilles rancoeurs remontent à la surface et la soirée en amoureux tourne vite au règlement de comptes. Céline et Jesse seront-ils encore ensemble le matin de leur départ ? 

18 ans après Before Sunrise et 9 ans après Before Sunset, le fameux diptyque romantique de Richard Linklater devient trilogie avec de nouveau Ethan Hawke et Julie Delpy également impliqués au scénario. Before Sunrise était un vrai idéal de comédie romantique alliant le charme et la candeur des premières fois, la justesse du propos et l’originalité du procédé avec cette romance en temps réel entre le touriste américain Jesse (Ethan Hawke) et l’étudiante française Céline (Julie Delpy) avec Prague comme cadre idéal. Le second volet Before Sunset montrait cette innocence initiale embrumée par les premières souffrances de l’âge adulte lorsque les amoureux se retrouveraient à Paris, conscient que la nuit passée ensemble 9 ans plus tôt constituaient ans doute le moment le plus romantique de leur vie. Le couple allait ainsi se confronter à ces nouvelles fêlures tout en retrouvant la complicité d’antan en discutant et déambulant dans les rues d’un Paris de rêve. Le film s’achevait sur une magnifique fin ouverte où l’on supposait que tout pouvait recommencer. Nous retrouvons donc Céline et Jesse désormais en couple et parents de jumelles.

Le charme des deux premiers films résidait grandement dans le mélange de nonchalance (deux personnages qui marchent et qui parlent pour l’essentiel) et d’urgence avec la narration en temps réel (plus diffuse dans Before Sunrise et plus concrète dans Before Sunset se déroulant sur une après-midi) faisant des moments passés ensembles des instants fugaces et précieux dont  chaque échange s’imprégnait durablement car destiné à être éphémère. Before Midnight, avec son couple installé et son cadre de vacance relâché semble donc au départ perdre des atouts précieux des épisodes précédents. En s’arrêtant à cela on passe à côté de la grande thématique de Before Midnight, l’ultime épreuve à l’amour de Jesse et Céline sera de résister à l’usure, à la routine du temps qui passe, en un mot à la vie.

Ainsi chaque moment qui semble retrouver la légèreté des deux premiers  volets se voit brutalement rattrapé par la réalité. La longue séquence en voiture avec ses échanges piquants, ses apartés amusant est brusquement assombrie lorsque la discussion vire sur la situation compliquée de Jesse souffrant de vivre loin de son fils et Céline pas prête à renoncer à sa vie pour réunir la famille aux USA. Plus tard un simple coup de fil interrompra la soirée romantique (et la scène de sexe la plus crue des trois films renforçant l'ancrage dans le réel et la proximité entretenue par les personnages) prévue et conduira à la longue dispute/confession finale où l’avenir du couple est mis à mal. Ce moment seul à seul concocté par leurs amis retrouve d’ailleurs presque la dimension exceptionnelle des films précédents, pas par la rencontre impromptue mais car comme le soulignera un dialogue c’est une de leurs rares occasions désormais de se trouver en tête à tête et d’échanger de tout et de rien comme avant.

Céline et Jesse se raccrochent désespérément à la magie initiale que furent leur rencontre et  retrouvailles et ne la retrouvant pas dans un quotidien loin de leurs rêves (la longue complainte de Céline choquée de se découvrir femme d’intérieur) font ressurgir toutes leurs frustrations lors de la dispute finale. Le ton est donc nettement plus âpre que dans Before Sunrise et Before Sunset par ce retour douloureux au réel.

Miraculeusement la drôlerie et le côté enlevé demeurent pour exprimer ces questions pourtant  peu joyeuses notamment par le radieux cadre grec ensoleillé. Les répliques vachardes fusent entre Hawke et Delpy (la patte de cette dernière au script se ressentant avec les élans de Woody Allen vus dans ses propres réalisations comme Two Days in Paris) et ont ri plus d’une fois même si à nouveau cela sert un récit acide et doux-amer. Un moment de grâce se dégage néanmoins avec cette longue scène de repas ou différentes idées, générations et proposition de couple se confrontent à nos héros, formant un reflet de ce qu'ils sont (le couple grec rigolard sensiblement du même âge qu'eux) ce à quoi ils aspirent (la sérénité de leur hôte quand il évoque son épouse défunte) et ce qu'il furent avec leur pendant moderne pour ces deux jeunes gens s’endormant ensemble sur Skype.

Même si on peut préférer l’insouciance des deux premiers volets, la justesse des situations et des dialogues offrent un prolongement idéal à la destinée des personnages qu’on a eu tant de bonheur à suivre. On retrouve d’ailleurs cette légèreté dans les tous derniers instants, lorsque le couple se sort de cet impasse douloureuse par une complicité ludique prouvant qu’ils ont un avenir. La fin ouverte (une fois de plus) paraîtra plus apaisée qu’incertaine dans cet ultime ( ?) volet les montrant capable de peut-être vieillir ensemble.

En salle en ce moment

mardi 25 juin 2013

La Famille Tenenbaum - The Royal Tenenbaums, Wes Anderson (2001)


Dans la famille Tenenbaum, les enfants se sont vite révélés des surdoués. A douze ans à peine, Chas était déjà un maître de la finance, Margot un génie de l'écriture, et Richie une étoile montante du tennis. Mais, un jour, Royal et Etheline, les parents, se séparent. Vingt ans plus tard, le père écume les palaces, Chas essaie d'élever seul ses fils après la mort de sa femme. Margot, dépressive, a épousé un psy et Richie court le monde depuis qu'il a craqué lors d'un match. Un gâchis dont Royal semble être le seul responsable. Mais le voilà de retour, décidé à se faire pardonner.

Après l'attachant galop d'essai de Bottle Rocket (1996) et la révélation critique de Rushmore (1999), Wes Anderson signait son premier classique avec ce joyau qu'est La Famille Tenenbaum. Le côté brouillon de Bottle Rocket et le fil ténu pas encore complètement maîtrisé entre émotion et sophistication de Rushmore, tout cela se voit corrigé dans ce troisième film parfait qui magnifie les qualités entrevues dans les deux premières réalisations d'Anderson. Les héros de Wes Anderson sont le plus souvent des enfants comme coincés dans le corps et les contraintes de la vie adulte (le récent Moonrise Kingdom inversant le propos avec son couple juvénile à passion précoce), conservant une âme immature et rêveuse les empêchant d'affronter le monde réel.

Cette thématique s'inscrit ici dans un drame familial où une fêlure initiale brise l'élan des jeunes enfants surdoués de la famille Tenenbaum. Chas (Ben Stiller) est un génie précoce de la finance, Margot (Gwyneth Paltrow) un prodige de la littérature et Richie (Luke Wilson) un champion de tennis en herbe. Royal Tenenbaum (Gene Hackman) père et mari indigne va par l'incompréhension, la maladresse et le désintérêt qu'il leur porte s'aliéner l'affection de ses trois enfants en quittant le foyer.

 Anderson expose d'ailleurs toute la destinée des Tenenbaum comme un conte de fée inversé dans son ouverture, la narration décalée en voix off (par Alec Baldwin) et l'imagerie bariolée du réalisateur est là pour servir un récit particulièrement triste dans les déconvenues des trois enfants: Margot, enfant adoptée ne se sentant pas légitime au regard de son père, Richie et son amour coupable pour sa sœur adoptive et Chas dont le sentiment d'insécurité se prolonge à l'âge adulte avec le deuil de sa femme.

Cette esthétique rattachée à chaque personnage et son univers constitue ainsi autant une manière de les figer en tant que les icônes qu'ils furent que d'illustrer la prison mentale, le blocage psychologique qui les empêche d'avancer. Le sens du détail d'Anderson sur les objets et les vêtements se mêle ainsi à la photogénie de son casting exprimant ses fêlures avec le dialogue comme rare ponctuation de ce qui passe grandement par la seule image.

Gwyneth Paltrow, ses allures sophistiquées, son manteau de fourrure et son regard perdu est une inoubliable Margot Tenenbaum. Luke Wilson cache les sentiments coupables qui l'agitent derrière une barbe épaisse, lunettes noires et bandeau de tennis tandis que l'anxiété de Ben Stiller se répercute dans son survêtement criard rouge. Le monde des enfants est secret et caché sous ces artifices (à l'image de l'existence par procuration du voisin admiratif que n'a jamais cessé d'être le personnage d'Owen Wilson) tandis que les "adultes" sont des livres ouvert à l'image du père roublard mais attachant campé par Gene Hackman ou du couple charmant formé par Anjelica Huston et Danny Glover.

Sous la maîtrise apparente, Anderson laisse habilement respirer son récit, l'argument de départ (Hackman simulant la maladie pour reconquérir sa famille) étant rapidement éventé pour laisser s'épancher les personnages. Cela peut se faire dans le ludisme le plus charmant (Hackman partant en virée canailles avec ses petits-fils), des moments de grâce muette comme seul Anderson peut créer (la descente de bus de Margot sous le regard émerveillé de Richie) et l'émotion et la détresse la plus poignante où Luke Wilson emporte la mise magnifiquement avec son craquage en plein match de tennis ou sa tentative de suicide sur fond d'Eliott Smith.

C'est en faisant glisser les masques, les rôles où chacun est figé depuis de trop longue années que la famille pourra se reconstruire, Anderson figurant une nouvelle fois cela par l'image avec cet étouffant cadre de maison de poupée s'aérant progressivement (le retour de l'oiseau de Richie quasi le premier vrai plan large extérieur du film), l'optique s'étendant aux comportements des personnages lors de très beaux moments comme l'échange sous la tente entre Gwyneth Paltrow et Luke Wilson s'avouant enfin leurs sentiments.

Plus que pour surligner froidement les évènements, la voix off émeut enfin aussi en dépeignant le dernier échange entre Chas et son père. D'une justesse constante (quel dommage tout de même de ne plus revoir Gene Hackman au cinéma malgré son grand âge désormais), un des meilleurs Anderson qui sous ses bibelots et son univers suranné sait faire vibrer la corde sensible comme personne.

Sorti en dvd zone 2 français chez Buena Vista

lundi 24 juin 2013

Le Pays du Dauphin Vert - Green Dolphin Street, Victor Saville (1947)


1840. St-Pierre, île anglo-normande. William Ozanne fait battre le cœur de deux jeunes filles: Marguerite et Marianne, deux sœurs. Quant à ses propres sentiments, ils le porteraient plutôt vers Marguerite, mais Marianne n'a pas dit son dernier mot...

Une grande et belle épopée romanesque que voilà, adapté du roman éponyme de Elizabeth Goudge paru avec succès trois ans plus tôt et qui assoira l'aura de Lana Turner après le récent succès du Facteur sonne toujours deux fois (1946). Le récit nous plonge au sein d'un triangle amoureux dont le dilemme va nous emmener très loin. Marguerite (Donna Reed) et Marianne (Lana Turner) sont deux sœurs qui vont tomber amoureuse du même homme, leur jeune et séduisant nouveau voisin, William Ozanne (Richard Hart). Bien des années plus tôt, la mère (Gladys Cooper) des deux sœurs tomba amoureuse du père de William (Frank Morgan) et ne renonça à lui que contrainte par sa famille. Si les anciens amants se retrouvent plus sages et apaisés le temps d'une jolie scène, leurs descendants vont rejouer le drame dans des proportions dramatiques insoupçonnées. Ambitieuse et déterminée, Marianne est sans doute l'épouse qui convient le plus à William dont le caractère paisible est bien plus attiré par celle qui lui ressemble le plus, Marguerite.

La première partie nous promène donc entre les regards énamourés partagés par William et Marguerite tandis que la relation se fait plus heurtée mais constructive avec Marianne qui éveil l'intérêt de William pour la mer, l'aide à mener carrière et entrer dans la Royal Navy. On est partagé tout comme le personnage masculin tant l'appel du cœur (Marguerite) se dispute à celui de la reconnaissance (Marianne), d'autant qu'aucune des deux sœurs n'est présentée sous un jour meilleur que l'autre même si la poigne et l'ambition de Lana Turner peut créer l'ambiguïté (le petit regard satisfait après qu'elle ait motivée William de remonter à bord alors qu'il vient de perdre son père). Cette trame intimiste se joue dans un cadre majestueux où entre décors naturels spectaculaires et effets visuels fascinants (ce monastère surplombant la plage sur une colline fabuleux) le contraste est constant.

Un rebondissement rocambolesque va résoudre cruellement la situation. Exilé en Nouvelle Zélande suite à des déboires divers, William envoie une écrit à Marguerite de le rejoindre, mais troublé écrit le prénom de Marianne qui arrive pleine d'espoir sans être attendue ni aimée. Contraint par la situation et l'insistance de son ami Timothy Haslam (Van Heflin) amoureux secrètement de Marianne, William va donc se marier sans amour tandis que Marguerite dépérit à l'autre bout du monde pensant avoir été rejetée. L'histoire entame alors parallèlement une longue quête sentimentale et spirituelle où l'éconduite devra trouver sa voie et les époux non désirés apprendre à se connaître.

A nouveau les questionnements introspectifs ne se résoudront que dans le bruit et la fureur, dans des espaces à perte de vue. Les dangers naturels et politiques du nouveau monde qu'ils ont investis vont peu à peu souder les liens entre William et Marianne le temps d'une apocalyptique séquence de tremblements de terre (effets spéciaux stupéfiants qui vaudront des nominations aux Oscars pour le film) et une révolte maori filmée comme un terrible cauchemar par un Victor Saville inspiré. Pour Marguerite la solitude (poignante et fulgurante scène de deuil) l'amènera à rechercher à chercher un salut supérieur (qui résout bien toute tentation future mais la dimension religieuse imprègne souvent les livres Elizabeth Goudge semble-t-il) que Saville capture là aussi avec grâce et une imagerie flamboyante.

Tout cela ne serait rien sans un trio d'acteur inspiré. Lana Turner (remplaçant Katharine Hepburn initialement prévu) annonçait déjà sa magnifique prestation dans Le Retour l'année suivante. On croit au départ avoir affaire à la Lana vénéneuse et séductrice au départ, teinte en brune et amaigrie son jeu toute préciosité et excès dans ce rôle de femme rejetée dont la détresse émeut de manière grandissante dans des scènes où elle étincelle : son arrivée pleine d'espoir en Nouvelle Zélande, la terrible découverte finale ou encore l'ultime regard de l'amour franc et partagé qui conclut le film.

Elle allie l'autorité de ses rôles de vamp avec une fragilité juste et touchante. Richard Hart est lui aussi très convaincant en être faible, porté par les évènements et qui ne se trouvera que par des éléments extérieurs plus forts que lui, que ce soit le destin capricieux ou LA femme sachant le guider malgré lui. Si on ne sera pas forcément captivé par le destin de Marguerite malgré la présence fragile de Donna Reed, l'autre triangle amoureux qui se dessine avec Van Heflin est quant à lui magnifique. Amoureux en retrait, compréhensif et résigné, l'acteur est comme toujours épatant de justesse et offre un des plus beaux moments du film lors de ses adieux avec Lana Turner (leurs alchimie se confirmant l'année suivante dans Les Trois Mousquetaires de George Sidney). Du spectaculaire, de l'émotion, des grands acteurs, tout ce que le cinéma hollywoodien sait si bien être tient ses promesses dans ce beau film.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner dans la collection Warner Archives et donc sans sous-titres

dimanche 23 juin 2013

Hollywood Babylone - Kenneth Anger


Le stupre hollywoodien n’a jamais été dévoilé avec autant de panache et de style que sous la plume corrosive de Kenneth Anger. Fasciné dès son plus jeune âge par Hollywood, Kenneth Anger y a grandi et né en 1927 a connu l’âge d’or du star-system quand les vedettes du cinéma étaient l’équivalent de demis-dieux pour le grand public. Sa fibre artistique fut toujours encouragée par sa grand-mère qui l’emmena à sa première séance de cinéma et la légende veut (bien que Warner et le générique le contredisent) qu’il joue  le Prince changelin de l’adaptation du Songe d'une nuit d'été réalisé par Max Reinhardt et William Dieterle (1935). Son homosexualité et ses premiers pas scandaleux dans la mise en scène avec le court métrage Fireworks (1947) le mirent cependant vite au ban de tout ce glamour (Il fut jugé pour obscénité) mais attira vers lui quelques-unes des personnalités les plus intéressantes de l’époque comme le sexologue Alfred Kinsey qui se servit de Fireworks pour ses travaux et se lia d’amitié avec Anger.

En 1950, Kenneth Anger s’exile en France où il retrouve d’autres expatriés victimes de la liste noire et devient la coqueluche de l’intelligentsia française notamment la rédaction des Cahiers du Cinéma. Il les régale alors des histoires et rumeurs circulant depuis des années dans la sphère hollywoodienne sur la vie dissolue de ses vedettes dont on lui conseille bientôt de réunir dans un livre. En manque de liquidités, Anger s’exécute et une première version française de Hollywood Babylone parait en 1959, éditée par Jean-Jacques Pauvert. C’est cependant une version embryonnaire (et amputée de certaines histoires sur certaines stars encore active à l’époque de la parution) qu’Anger enrichira pour la parution américaine en 1965. Le scandale est énorme et le livre est rapidement interdit avant d’être réédité cette fois sans heurts en 1974.

Hollywood Babylone narre, de l’âge d’or du muet à la fin des années 50, trois décennies de scandales d’excès divers plus ou moins secrets au sein de l’usine à rêve. L’ouvrage débute sur le tournage de l’épisode babylonien du Intolérance de D.W. Griffiths (1919), cette image reflétant la luxure constituant le quotidien Hollywoodien dès les glorieuses et insouciantes années 20 qui s’ouvrent. L’ouvrage lasse un peu sur la fin par sa lecture superficielles d’histoires finalement assez connues (l’amant mafieux de Lana Turner assassiné par sa fille, même si on savourera l’épisode où un jeune Sean Connery déjà dur à cuir corrige le petit ami trop jaloux) mais est vraiment fascinant dans son traitement de l’évolution des mœurs au fil des périodes et de la place de la morale par l’arrivée du Code Hays.   

L’industrie Hollywoodienne s’avère ainsi toute puissante et arrogante dans des dérapages que son pouvoir lui permet d’étouffer (l’incroyable meurtre impuni où le magnat de la presse William Randolph Hearst assassine par erreur un producteur alors qu’il visait Chaplin fréquentant sa maîtresse le tout sans être inquiété par la justice…). L’épisode Fatty Arbuckle vient changer la donne lorsque l’opulente vedette du splapstick verra sa carrière brisée après avoir été accusée de viol. Hollywood s’orne d’une vertu nouvelle ne calmant pas ses ardeurs mais rendant les écarts de chacun plus secrets, l’arrivée du moraliste Hays (et bientôt de son code moral) se faisant parallèlement à l’explosion de la presse à scandale traquant la moindre rumeur, faisant et défaisant les réputations à l'image des deux gossip girls Louella Parsons et Hedda Hopper.

Kenneth Anger fait d’ailleurs preuve d’un style qui fera école avec ce bagout, ce sens de la formule et un vrai talent de conteur pour nous horrifier, amuser ou réellement toucher sur certains destins tragiques. On a ainsi passé au vitriol l’attirance trouble d’un Charlie Chaplin pour les très jeunes filles, la nymphomanie vorace de Clara Bow (coupable de s’être abandonnée à tout un vestiaire de quater back…), les tournages orgiaques de Von Stroheim ou encore le journal intime quelque peu corsé de la belle Mary Astor.  C’est finalement en abordant les personnalités les moins connues ou les plus secrètes qu’Anger captive avec la vie brisée d’une Frances Farmer trop fragile pour ce monde impitoyable ou le mystère accompagnant dans la tombe les mœurs de Rudolph Valentino dans l’excellent chapitre lui étant consacré.

 Anger aura beau jurer que toutes les histoires qu’il révèle sont vraies, le doute subsiste et c’est ce qui fait le charme du livre, aussi corrosif que le plus putassier des tabloïds et qui fascine par l’envers du décor sulfureux qu’il dépeint. Ce monde nous semble aussi lointain et abstrait que pour les lecteurs de l’époque plongés dans la Grande Dépression. Tout comme eux qui malgré la rigueur morale de façade finirent par accepter les habitudes troubles des stars du grand écran (Errol Flynn s’en sortant par exemple avec une affaire de viol qui lui aurait coûté sa carrière dix ans plus tôt et renforçant au contraire son statut d’icône virile) on tourne avec une curiosité coupable les pages de ce Hollywood Babylone symbole d’un monde révolu.

Ceci est la première traduction française de la version définitive de 1965 (dans une belle édition illustrées des photos de la collection personnelle d'Anger, dont le décolleté vertigineux de Jayne Mansfield en couverture) et on espère que les éditions Tristram sortiront le volume 2 écrit par Anger dans les années 80. Un volume 3 sur la période contemporaine fut également rédigé mais vu qu’il était fortement question  de scientologie, Anger abandonna vu la menace latente que provoqueraient ses « révélations ».

samedi 22 juin 2013

Frisco Jenny - William A. Wellman (1932)


Frisco Jenny est devenue orpheline durant le tremblement de terre de San Francisco en 1906. Plus tard, elle se retrouve patronne d'une maison de débauche. Ayant mis son fils dans une famille d'adoption, celui-ci, après avoir suivi des études de droit, devient procureur et est désigné pour instruire un procès afin d'éradiquer la prostitution dans la ville…

Un très grand mélodrame qui affirme définitivement Wellman comme un des maîtres du genre en ce début des années 30, lui qui signera l'un des plus grands de la décennie avec sa première version de une étoile est née en 1937. Avec Frisco Jenny il réalise en quelque sorte la matrice de quelques grands mélodrames "maternels" à venir comme À chacun son destin de Mitchell Leisen (1946) ou encore Madame X (1966) (encore que pour ce dernier le script de Wilson Mizner sur Frisco Jenny doit sans doute déjà pas mal à la pièce originale et antérieure de Alexandre Bisson) mais ici rehaussé par la provocation Pré-Code et le sens de la tragédie qu'instaure Wellman.

Le récit est celui d'une femme dont la maternité perdue représente le seul îlot d'une existence scandaleuse aux yeux des autres. Le début du film voit la jeune Jenny Sandoval (Ruth Chaterton) tout perdre dans le tragique tremblement de terre de 1906, sa situation, son père et son fiancé. Quelque chose a cependant survécu des décombres et constituera son seul lien émotionnel désormais : elle est enceinte. Ce fils deviendra l'objet de bien des renoncements et sacrifices pour Jenny, l'immoralité apparente du personnage (en plein ascension par la réussite dans le proxénétisme et le trafic d'alcool) contrebalançant constamment avec la mère dévouée que tout le monde ignore.

Le scénario la fait ainsi constamment naviguer entre deux eaux, le stupre et la pureté d'âme, la seconde provoquant cruellement le basculement dans la première. En début de film, ses fiançailles lui promettraient un horizon plus noble que le commerce douteux de son père mais le tremblement de terre vient briser ces beaux projets. Devenue mère, la pauvreté l'obligera à se prostituer puis à développer un talent certain dans le crime. Cette facette prendra un tour tragique dans la dernière partie où c'est celui auquel elle a tout sacrifié qui la conduira à perte, le fils adopté et devenu procureur se faisant l'inquisiteur impitoyable de sa propre mère.

Le brio narratif de Wellman fait merveille pour dépeindre cette destinée tragique, le récit fonctionnant ainsi par ellipse où nous faisant presque à chaque fois redécouvrir Jenny et son environnement toujours plus luxueux et scandaleux le rebondissement concluant la séquence précédente déterminant toujours un peu plus la dépravation croissante de la suivante.

Drame et perdition morale sont toujours constamment liés dans la trajectoire de notre héroïne, culminant lors de la formidable scène du tribunal. Le montage alternant la diatribe du procureur, le visage désapprobateur des jurés et le visage accablé de Jenny fait sonner chaque mot comme un coup de poignard quand on connaît les raisons de ses méfaits.

Ruth Chaterton (qui avait expérimenté justement ce type de personnage avec une version de Madam X en 1929) est bouleversante, visage de poupée de porcelaine progressivement altéré par la vie, tout aussi digne et déterminée des bouges sordides à la solitude de sa prison en conclusion. Dans ue magnifique idée visuelle finale, Wellman illustre symboliquement sa mort avec la brûlure des photos de son fils, la faisant disparaitre avec les images de celui pour lequel elle s'est tant raccrochée à la vie.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner dans la collection Pré-Code

jeudi 20 juin 2013

Assassin sans visage - Follow Me Quietly, Richard Fleischer (1949)


Une journaliste, en compagnie d'un lieutenant de police, suit la trace d'un étrangleur en série. Le meurtrier assassine les jours de pluie et laisse auprès des victimes une lettre signée "Le Juge" et dans laquelle il prétend être investi d'une mission destinée à combattre les forces du Mal.

Parmi les premières grandes réussites de Richard Fleischer, L'Assassin sans visage inaugure une des rares thématiques identifiable de ce touche à tout de génie. Le film aborde donc pour la première fois la figure du serial killer que Fleischer explorera avec brio dans les deux classiques du polar que sont L'Étrangleur de Boston (1968) et L'Étrangleur de la place Rillington (1971). On est loin de la tension et de la virtuosité de ces deux classiques ici avec un Fleischer encore en formation au sein de la RKO mais toutes les qualités à venir sont déjà là. Le film évoque annonce d'ailleurs grandement L'Étrangleur de Boston dans sa construction. Un meurtrier insaisissable se faisant nommé "Le Juge" assassine les jours de pluie des victimes sous couvert d'une nébuleuse quête morale et de combattre les forces du mal.

A travers la traque obsessionnelle d'un lieutenant de police (William Lundigan) l'intrigue déroule tout comme le fera le film de 1968 (avec moins de sophistication bien sûr) de manière méticuleuse l'investigation, la traque des suspects... Tout le squelette de L'Étrangleur de Boston greffé à l'esthétique et aux codes visuels du film noir. Fleischer innove ainsi avec des situations devenues communes dans le thriller moderne comme l'exploration de l'antre fétichiste du tueur parsemée des reliques de ses victimes, place la terreur plus dans la découverte de ses crimes que dans leurs vision (ce dont saura se souvenir le Seven de David Fincher ici la mort du journaliste défenestré est assez marquante) et bien sûr rend le plus longtemps possible invisible son serial killer (baigné d'une aura quasi surnaturelle lorsqu'il se substitue au mannequin de la police).

La narration resserrée et un scénario balisé réduisent cependant tous ses apports à une portion très sobre, loin de l'extravagance à venir pour Fleischer. On passe néanmoins un bon moment avec le joli couple formé par William Lundigan et la belle Dorothy Patrick avec nombres de scènes et d'échanges charmant. Fleischer réserve son sens du suspense essentiellement pour le mémorable final où le tueur est traqué dans une usine (là également on pense au futur final de L'Inspecteur Harry) avec un montage percutant et des péripéties inattendue qui rendent cet ultime duel palpitant.

Edwin Max dans un rôle quasi muet incarne bien cette démence incontrôlable, quasi enfantine et surgissant sans prévenir dans cette conclusion. Parfaitement exécuté et précurseur, un film qui sera bientôt surclassé par les autres productions RKO de Fleischer montrant une aisance et des qualités de plus en plus manifeste (les excellents polars Armored Car Robbery et L'Énigme du Chicago Express ) qui lui ouvriront la porte des studios.

Sorti en dvd zone 2 français au Editions Montparnasse dans la collection RKO