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mardi 18 juin 2013

Mimi métallo blessé dans son honneur - Mimì metallurgico ferito nell'onore, Lina Wertmüller (1972)

Mimi, un manœuvre sicilien, refuse de se plier aux règles de la mafia. Privé de travail, il s’expatrie, laissant sa femme Rosalia en Sicile. À Turin, Mimi ne tarde pas à être à nouveau contacté par l’Organisation et, comprenant la menace, il se fait plus coopératif. Promu métallo, puis contremaître, il tombe amoureux fou de Fiorella avec qui il a un fils. C’est alors que la mafia le rapatrie en Sicile où sa femme légitime l’attend…

Mimi Metallo blessé dans son honneur est le film qui révèle le talent d'une Lina Wertmüller à la carrière déjà bien remplie mais relativement confidentielle. Les penchants anarchiste, féministes et la dénonciation machiste qui l'animent s'expose dans un tout cohérent, hilarant et grinçant pour ce classique qui lance un formidable cycle créatif pour la réalisatrice. Le scénario se situe à mi-chemin entre les comédies caustiques siciliennes de Pietro Germi (Divorce à l'italienne, Séduite et abandonnée) dans la dénonciation des moeurs archaïques locales et une facette politisée typique des Années de Plomb. Lina Wertmüller va faire siennes ces influences dans une sorte de comédie humaine cruelle et ironique.

Le début du film nous présente une Sicile arriérée et corrompue où se morfond notre héros Mimi (Giancarlo Giannini). Entre la vie de couple sans saveur avec sa trop prude épouse Rosalia (Agostina Belli) et sa modeste condition d'ouvrier, Mimi ne s'égaye qu'au contact des quelques sympathisants de gauche et syndicaliste qui s'opposent mollement aux règles de la mafia. C'est à leur écoute que son destin bascule lorsqu'il ne vote pas pour un candidat de la mafia aux élections et est privé de travail en représailles. C'est l'occasion pour notre héros de quitter son cocon et d'aller tenter sa chance à Turin, dans ce nord de l'Italie plus riche et supposé plus civilisé et équitable.

Lina Wertmüller l'isole dans la grisaille urbaine le temps d'un plan d'ensemble lourd de signification. Le cadre change mais les injustices restent dans des proportions plus vastes au sein de ce nouvel environnement où Mimi sera de nouveau exploité en tant qu'ouvrier du bâtiment dans des conditions précaires. La première ambiguïté annonciatrice de la suite interviendra après la mort accidentelle d'un ouvrier que cherchent à dissimuler les sinistres employeurs mafieux. Témoin de leurs malversations lorsqu'ils voudront se débarrasser du corps, Mimi sauve sa peau en s'inventant une parenté avec le Don de sa région, y gagnant au passage une promotion pour un plus confortable emploi en usine. Dès lors toutes les manifestations d'engagement politique de Mimi sonneront faux par cet acte de lâcheté initiale qui en annoncent d'autres où sauver sa peau importe plus que la cause.

Lina Wertmüller donne un possible salut à Mimi par l'amour et la belle romance qu'il va entretenir avec la trotskiste Fiorella (Mariangela Melato formant pour la première son mythique duo comique avec Giancarlo Giannini). Habitué aux siciliennes soumises, Mimi est subjugué par la gouaille et le charisme de cette femme libre, abandonnant ses manières rustres pour exprimer sa part la plus vulnérable et sensible afin de la séduire.

Le temps d'une longue séquence romantique magnifiquement filmée par Wertmüller on assiste à la détresse de l'amant repoussé, aux sentiments progressivement ébranlé de l'aimée et de l'union finale avec une sensibilité infinie pour ce qui est le moment le plus sincère du film. Le féminisme de Lina Wertmüller s'y dévoile autant par l'abandon de Mimi exprimant finalement son côté féminin (la déclaration désespérée les yeux baignées de larmes est particulièrement touchante) pour toucher Fiorella également devenue femme accomplie en cédant pour la première fois à un homme qu'elle aime.

 Ce bel espoir ne résiste pas pas au retour malheureux en Sicile. Les petites concessions concédées par Mimi auront dévoilé un être malléable que même cet amour ne pourra rattraper. Mimi est un être constamment coupé entre plusieurs mondes : le monde communistes et celui des patrons véreux où il s'avère un contremaître aussi impitoyable que ceux qu'il dénonçait et surtout l'écart entre l'être civilisé et moderne en lequel la ville est supposée l'avoir transformé et le sicilien machiste qu'il n'a finalement jamais cessé d'être. Le script malin l'exprime de façon outrancière (la crise de démence de Mimi lorsqu'il apprend qu'il est cocu) et inventive, la vengeance par crime d'honneur prenant un tour sophistiqué illustrant une nouvelle fois bien la lâcheté de Mimi même pas capable de faire usage de la violence brute de ces ancêtre pour se venger.

 La scène finale d'un mimétisme cinglant avec l'ouverture montre ainsi un cycle perpétuel de la corruption (qui arbore un même visage) régnant sur cette Sicile et l'Italie de manière plus vaste. Le profit, le cynisme et l'individualisme gagne sur les idéologies dans une terrible impasse politique et morale. Une grande réussite qui vaudra à Giancarlo Gianinni de nombreuses récompenses pour sa magistrale prestation tandis que Lina Wertmüller creusera le même sillon dans une veine plus mélodramatique dans le suivant et magnifique Film d'amour et d'anarchie (1973).

Sorti en dvd zone chez SNC/M6 Video

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