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vendredi 7 juin 2013

Passion - Brian De Palma (2013)


Deux femmes se livrent à un jeu de manipulation pervers au sein d'une multinationale. Isabelle est fascinée par sa supérieure, Christine. Cette dernière profite de son ascendant sur Isabelle pour l'entraîner dans un jeu de séduction et de manipulation, de domination et de servitude. 

On attendait beaucoup du grand retour de Brian de Palma : malheureusement, ce Passion confirme le lent déclin du réalisateur depuis bientôt dix ans. En 2001, de Palma avait voulu, avec Femme fatale, effectuer un retour aux sources des thrillers virtuoses et hitchcockiens qui établirent son génie à ses débuts : Obsession (1977), variation sur Vertigo (1958) ; Pulsions (1980) revisitant, lui, Psychose (1960) ; Blow Out (1981), entre Antonioni et Hitchcock ; et Body Double (1984), qui exposait ses influences dans la folie pure. De Palma s’était judicieusement échappé de ce registre après ce dernier pour déployer sa maestria dans des genres plus divers avec les grandes réussites que furent entre autres Les Incorruptibles (1987), Outrages (1989) ou Mission impossible (1996).

Bien qu’imparfait, Femme fatale avait néanmoins enchanté les aficionados du réalisateur de par ses audaces visuelles et narratives et sa vulgarité assumée. On y trouvait pourtant déjà les maux qui minent le cinéma de de Palma depuis : une tendance à la conscience trop prononcée de son style, l’autocitation et donc l’autosatisfaction. Cela sera confirmé avec la pantalonnade de l’adaptation du Dahlia Noir (2006), tirant vers un grotesque malvenu l’intrigue de James Ellroy. Faussement inventif, Redacted (2008) remakait lourdement Outrages en Irak à la sauce YouTube et fut encensé plus pour ses intentions que pour son résultat. Passion reprend la démarche de Femme fatale, rejouant la carte du thriller retors extravagant, l’inspiration définitivement à bout de souffle.

Le film remake le déjà peu réussi Crime d’amour (2010) d’Alain Corneau (dernier film du réalisateur français), dont l’intrigue est reprise à la virgule près. Les ajouts de de Palma apporteront uniquement matière aux grilles de lecture des chantres de la politique des auteurs mais certainement pas à ceux venus voir un bon film. À l’époque des grands films précités, de Palma prenait tous les risques dans sa mise en scène, n’hésitait pas à friser le ridicule dans ses effets mais sa maîtrise, toujours au service du récit, le faisait toujours retomber sur ses pattes.

Ici, de Palma ne sert que lui-même et l’ensemble tourne à vide. Tout est là - le questionnement sur le regard et la notion de point de vue, la manipulation et la schizophrénie - mais pourtant rien ne fonctionne. Les reproches, souvent faits à tort, à de Palma, sont ici pertinents : virtuosité vaine où plans-séquences, split screen et mouvements alambiqués sont totalement gratuits (on pense notamment à celui entre le meurtre et le ballet).

L’esthétique est dans l’ensemble hideuse et ringarde, en plus de faire dans la lourdeur explicative - la photo se faisant bleu sombre et les intérieurs tamisés dès que les relations se tendent entre les deux rivales. Si Noomi Rapace n’a aucun mal à faire oublier la mauvaise Ludivine Sagnier de l’original, Rachel McAdams, trop immédiatement sournoise dans son jeu, ne dégage pas l’ambiguïté, entre froideur et vulnérabilité, de Kristin Scott Thomas.

Malgré un pitch intriguant, Crime d’amour n’était guère palpitant. Pour rehausser l'intrigue, de Palma n’a comme atout qu’une suite de gimmick vains, à l’image d’un final reproduisant ceux de Carrie (1976), Pulsions ou même Femme fatale (sans même parler du compositeur Pino Donaggio qui recycle ses synthés de Body Double). De Palma aurait-il déjà tout dit ? Pour le savoir, et afin que s’estompe ce sentiment de redite, il faudra - comme autrefois - qu'il daigne s’aventurer sur des terrains moins familiers.

Sortira en dvd en juin chez ARP

3 commentaires:

  1. C'en est presque déprimant cette lente déchéance, et l'obstination qu'a De Palma à toujours tourner quoiqu'il advienne(film-addict le coco). Surtout comparé à Coppola qui a su intelligemment se réinventer par le cinéma indépendant - le sublime Tetro est dans mon top films de ces dernières années !

    Par contre, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi concernant le Dahlia, De Palma a rempli son contrat, à savoir celui d'un habile faiseur (le plan-séquence de l'attaque de l'immeuble qui se termine sur la découverte d'un cadavre dans le champ voisin... quelle merveille de mise en scène, à enseigner dans toutes les écoles de ciné!). Le scénario est lui à réviser de A à Z. On a vraiment l'impression que la complexité de l’œuvre d'Ellroy a engloutit l'adaptation, si bien que tout les éléments du livre sont évoqués en filigrane dans le film mais sans volonté d'approfondissement, enchaînant faits sur anecdotes, sans grande vision globale. Ils auraient gagné en clarté en élaguant quelques éléments. D'autre part je trouve que la violence du roman, qui se transcrit par l'écriture presque sèche d'Ellroy, a une représentation à l'écran assez timorée. Donc oui immense déception que le Dahlia de De Palma, mais bien que l'échec de Passion lui revienne entièrement, je trouve peu à redire de son travail de metteur en scène sur l'adaptation d'Ellroy.

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  2. Défenseur et fan de Palma même dans le déclin... et jusqu'au bout ;)

    J'espère qu'il va se ressaisir rapidement malgré tout.

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  3. Pour Le Dahlia Noir sachant que Fincher ou même Friedkin furent un temps pressenti pour l'adaptation ça fait quand même mal au vu de ce qu'en a fait De Palma. Le film a en fait les même tares que son adaptation du "Bucher des Vanités" de Tom Wolfe (j'en parlai là http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2011/08/le-bucher-des-vanites-bonfire-of.html) où déjà De Palma sembler se ficher du matériau original et tirait le tout vers la grosse farce (le final du Dahlia est fait vraiment mal comparé à la puissance du livre). Comme tu dis un Coppola a su se réinventer quand De Palma se vautre complètement dans la redite et l'autocitation, il devrait vraiment tenter autre chose qu'un thriller pour renouveler son imaginaire (quoique je dis ça Redacted ne volait pas bien haut non plus).

    Et pourtant j'adore De Palma aussi même des trucs indéfendables comme L'esprit de Caïn je m'éclate ^^ mais là c'est vraiment une triste fin de carrière...

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