De nombreux meurtres sont perpétrés par un combattant secret. Tous les regards se portent vers Chu Liu-xiang, populaire maître en arts martiaux. Celui-ci, afin de prouver son innocence, va se charger de partir à la recherche du coupable.
En 1977, Chu Yuan avait révolutionné le film martial avec
son excellent La Guerre des Clans qui
sortait définitivement le genre du récit chevaleresque machiste et sanglant qui
dominait jusque-là sous la férule de Chang Cheh. Le film était la première
adaptation d’un roman Gu Long, auteur à succès et considéré comme le Alexandre
Dumas hongkongais. Son univers si particulier trouvait son illustrateur idéal
avec Chu Yuan, avec univers lorgnant sur la fantasy où des combattants aux facultés
surnaturelles se déchirent pour la domination du Jiang-hu, le monde des arts
martiaux. Ces histoires empruntent nombres d’éléments à la culture occidentale
et délaissent la rigueur historique d’un King Hu pour une approche nettement
plus orienté serial et récits à mystère où l’érotisme est également bien plus
prononcé. Chu Yuan signait donc un chef d’œuvre du genre avec La Guerre des Clans qui offrait rien
moins qu’une relecture du Parrain à
la sauce wu xia pian (film de sabre chinois). Le film allait donc lancer une
véritable mode d’adaptation des romans de Gu Long à Hong Kong et Chu Yuan
signerait certains de ces meilleurs films avec certaines d’entre elles.
Le Complot des Clans
arrive donc un an après La Guerre
des Clans et adapte les aventures
d’un personnage phare de Gu Long, Chu Liu-xiang. Au croisement de James Bond et
Sherlock Holmes, ce personnage charmeur allie séduction, dextérité martiale et
intelligence dans des histoires reposant autant sur l’action les enquêtes où
sont mises en avant ses capacités de déduction. Il est ici parfaitement incarné
par le charismatique Ti Lung dans une aventure croisant les intrigues de trois
romans de Gu Long (qui en consacra huit à son héros fétiche).
L’efficacité
narrative de Chu Yuan se mélange idéalement aux récits à rebondissement de l’auteur
avec une ouverture magistrale qui pose les enjeux avec concision. Trois chefs
de clans sont mystérieusement assassinés en étant empoisonnés par l’Eau
magique, substance uniquement trouvable dans un palais isolés uniquement
composés de femmes et dotées de pouvoir surnaturels. Les soupçons se portent
immédiatement sur le seul homme capable d’une telle audace, notre héros Chu Liu-xiang qui a donc un mois pour
démasquer le vrai coupable.
Ti Lung tout en prestance et décontraction est pour beaucoup
dans l’attrait du film. Le combat est réellement le dernier recours quand pour
le reste il use largement plus de sa malice, l’influence de James Bond se
ressentant notamment lors d’une scène de casino assez typique quand pour le reste
son phrasé amical, son goût pour le déguisement seront des atouts précieux. .
Dans cette logique privilégiant la réflexion sur l’action, les combats sont
finalement autant des joutes verbales que physiques où Chu Liu-xiang jaugera
constamment ses adversaires, dupant les plus limités (la ravissante mais
nunuche Ching Li coutumière de ce type de rôle) et faisant preuve d’astuce pour
soutirer des informations.
Les rares démonstrations de force lui servent plutôt
à se mettre un ennemi potentiel dans la poche tel ce moment où le redoutable
Point-Rouge (Ling Yun) payé pour le tuer lui devient redevable après qu’il ait
écarté une araignée venimeuse de son épaule en plein combat. Cette légèreté apparente du héros contraste avec une vraie
ambiance mystérieuse où les fameux décors studios de la Shaw Brothers
privilégient les scènes nocturnes
baignant dans le surnaturel plus inquiétant à l’enquête menée par Chu
Liu-xiang.
Les apparitions spectrales du tueur masqué jouent bien de cet aspect
avec un ennemi insaisissable ayant toujours une longueur d’avance et semant la
mort parmi les témoins interrogé par Chu Liu-xiang. On traversera ainsi nombres
de demeures abandonnées, cimetières et autre crique isolées d’où le danger peut
surgir à tout moment et comme souvent la solution ne sera pas aussi
surnaturelle que l’on pense.
Bien que simplifiée, l’intrigue du roman est donc rondement
menée et captive avec cette histoire d’héritier d’un guerrier japonais
assassiné et dont les enfants furent recueillis par des chinois. Chu Liu-xiang
devra retrouver ces mystérieux descendants en quête de vengeance jusqu’à une
sacrée surprise lorsqu’il découvrira leur identité. La dernière partie du film
nous emmène dans le fameux Palais de l’Eau Magique où le décor immaculé et rococo
sert encore une atmosphère différente.
La résolution reposera sur une trame
empruntant beaucoup (c’est presque un petit remake en soi) à Intimate Confession of a Chinese Courtesan (1972)
autre grand classique de Chu Yuan dont on retrouvera là la thématique
vengeresse, le triangle amoureux et la sulfureuse dimension saphique. Betty Pei
Ti en souveraine indestructible et amoureuse y trouve également un rôle quasi
identique.
Le réalisateur conclut donc l’aventure sur une note passionnelle et
sanglante typique de son style auquel s’ajoute un Chu Liu-xiang impuissant face au drame en
marche. Palpitant et virtuose, Le Complot des Clans est une grande réussite qui
par son succès relancera de plus belle le fructueux filon des adaptations de Gu
Long et installera Chu Liu-xiang en tant que héros récurrent. Une suite bien
moins réussie fut d’ailleurs produite l’année suivante avec la même équipe L’île de la Bête (1978). Grand admirateur
de Chu Yuan, Tsui Hark fera bien plus tard un mémorable remake du Complot des
Clans avec le survolté Swordsman 2 (1992).
Sorti en dvd zone chez Wild Side dans la collection Shaw Brothers
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