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samedi 18 janvier 2014

Hayao Miyazaki et Joe Hisaishi

On a pas souvent  causé de musique de films sur le blog (hormis ce concert de John Barry) mais avec la sortie du Vent se lève, l'ultime film d'Hayao Miyazaki la semaine prochaine, c'est l'occasion de revenir sur une des plus fameuses association réalisateur/compositeur à l'égal de de Sergio Leone/Ennio Morricone ou Alfred Hitchcock/Bernard Herrmann. 
Dans les premières heures de sa collaboration avec Miyazaki, Joe Hisaishi montre un talent mélodique déjà étincelant. Nausicaa déploie un souffle épique grandiose avec des sonorités d’un Hisaishi à la croisée des chemins. Le compositeur navigue ainsi entre envolées symphoniques et tonalités plus moderne où on distingue des synthétiseurs, boites à rythme et boucle électroniques qui souligne l’étrangeté de l’univers et des créatures rencontrées. 

Dans une parfaite cohérence thématique, les cordes servent l’action pure et l’émotion immédiate quand les instruments modernes expriment l’onirisme, l’étrangeté  et l’hypnose contemplative du cadre du récit (où s’ajoute également des éléments orientaux et arabisant). On sait que Hisaishi fut auparavant très influencé par la vague new wave électro à succès de l’époque (et plus particulièrement Yellow Magic Orchestra le groupe de Sakamoto Ryûichi) et cette première composition majeure montre donc la transition qu’il effectue de la modernité à un classicisme (la reprise du Haendel popularisé par le Barry Lyndon de Kubrick)  plus prononcé et maîtrisé.

Le Château dans le ciel est dans cette lignée mais avec un Hisaishi y affirmant un style bien plus personnel. A l’époque, il n’a pas les moyens de disposer d’un grand orchestre et mêle ainsi à nouveau instruments modernes et classiques. Moins marqués que sur Nausicaa, les deux approches s’entrecroisent merveilleusement avec notamment un synthétiseur tourbillonnant transcendant  l’action (la piste Un Présage de Destruction et sa boucle répétitive trépidante) ou appuyant la touche loufoque de certain personnage ou innocente des jeune héros.

Les instruments à cordes donnent une ampleur merveilleuse aux différents thèmes tous plus mémorables les uns que les autres (le main theme sur le générique crayonnés du film marque d’emblée) tandis que le piano (instrument ô combien important chez Hisaishi) gagne en présence avec nombre de mélopée pleine de spleen mélancolique apportant des respiration bienvenue. Au moment de la sortie américaine tardive du film en 2003 Hisaishi remania son score en l’enrichissant (le public américain ne supportant pas les longues plages de silence dans les films d’animation) pour le rendre totalement symphonique. Etrangement cela fonctionne moins bien que sur la partition originale (celle proposée ici) qui compte parmi ses grandes réussites.
Avec Mon Voisin Totoro, Hisaishi se livre à un exercice bien différent de ces précédentes collaborations avec Miyazaki. Fini les ambiances sombres et épique, tout ici tend à dépeindre les émotions de l’enfance. Les expérimentations de Laputa et Nausicaa trouvent leur aboutissement avec cette fois les instruments les plus divers (xylophones, tambour, boite à rythmes) créant une atmosphère bucolique et candide exprimant la curiosité et l’allant de l’héroïne. A cette empathie sonore se mêlent de grandes envolées orchestrales (toujours vampirisées par des sons incongrus et les chœurs enfantins, Hisaishi ne séparant désormais plus les deux approches) prenant de la hauteur bienveillante  à la tendresse palpable.

Une bande originale annonciatrice de celle du Voyage de Chihiro où Hisaishi retrouvera ce regard enfantin dans une approche plus sophistiquée à laquelle il ajoutera des éléments du folklore musical japonais.  Un album merveilleux où Hisaishi tend finalement beaucoup vers Disney. Et comment ne pas signaler cette chanson entêtante désormais connue de tous les jeunes japonais, l’enchanteur Tonari no Totoro entonné par Inoue Azumi ?

Comme l’on s’en souvient à l’époque, Princesse Mononoké était supposé être le dernier film d’Hayao Miyazaki, son œuvre testament avant une retraite bien mérité. Cette apothéose était au cœur de la richesse thématique, de l’ambition et l’aboutissement visuelle du film.  C’est également la démarche de Joe Hisaishi dont la bande originale flamboyante est un sommet de sa collaboration avec Miyazaki. On salue souvent Princesse Mononoké comme la version aboutie de l’ébauche qu’a pu constituer Nausicaa. Hisaishi retrouve ainsi la luxuriance de son score de Nausicaa où pour illustrer les images des esprits de la forêt la musique s’orne des sonorités les plus étranges et onirique. Limité par le budget à pour le film de 1985 Hisaishi a pu goûter depuis aux luxe d’un orchestre symphonique ce qui donnera une belle ampleur et un souffle romantique envoutant à la bande originale de Porco Rosso.

En mariant ses nouvelles possibilités symphoniques à son excentricité d’antan, Hisaishi effectue la même bascule que Miyazaki qui revenait avec Mononoké à des récits plus ancré dans la culture japonaise. Hisaishi s’offre donc un disque gorgé de de thèmes majestueux (La piste La légende d’Ashitaka en forme d’ouverture grandiose) auxquels il donne des variations magiques tel ces chœurs féminins sur Le Chant des femmes de Tatara accompagnés de percussions discrètes le tout étant toujours parcouru cet esprit animiste qui imprègne le film. Ce mélange annonce en tout point la musique qu’il signera pour Le Voyage de Chihiro où il poussera plus loin encore ces expérimentations entre folklore japonais et tradition symphonique européenne.


Ce qui frappe également, c’est la tonalité profondément triste voire dépressive qui domine notamment une fin de disque ténébreuse  qui accompagne les visions de fin du monde du film (l’oppressante piste Le Monde Infernal) dans sa dernière partie. Cela traduit parfaitement l’idée de l’intrigue d’un monde à bout de souffle, en déclin et à reconstruire.  Une renaissance qui se traduira par la résurrection du Dieu Cerf, l’épiphanie visuelle de Miyazaki atteignant le sublime grâce à la musique de Hissais sur Adagio de la vie et de la mort et sa magistrale envolée épique et émotionnelle.  C’est cependant lorsqu’il s’agit de caractériser ses personnages que Hisaishi se sublime. Les adieux entre Ashitaka et San dévoilent une entêtante et belle mélopée au piano, tout comme plus tôt le thème Dame Eboshi  avait su imposer la droiture, la bonté et la tradition véhiculée par le personnage.


Joe Hisaishi signe là une de ses œuvres les plus accomplis, un sommet qui signait des adieux époustouflant avec un de ses réalisateurs fétiches. Heureusement il n’en fut finalement rien et les compères allaient chacun atteindre un niveau pic créatif pour Le Voyage de Chihiro.

Tous les disques évoqués sont disponible chez Wasabi Records. Ghibli ayant bloqué pas mal de titres diffusés sur youtube un peut dur de trouver à chaque fois les pistes correspondante mais j'espère que ça a été intéressant tout de même !

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