On a pas souvent causé de musique de films sur le blog (hormis ce concert de John Barry) mais avec la sortie du Vent se lève, l'ultime film d'Hayao Miyazaki la semaine prochaine, c'est l'occasion de revenir sur une des plus fameuses association réalisateur/compositeur à l'égal de de Sergio Leone/Ennio Morricone ou Alfred Hitchcock/Bernard Herrmann.
Dans les premières heures de sa collaboration avec Miyazaki,
Joe Hisaishi montre un talent mélodique déjà étincelant. Nausicaa déploie un souffle épique grandiose avec des sonorités
d’un Hisaishi à la croisée des chemins. Le compositeur navigue ainsi entre
envolées symphoniques et tonalités plus moderne où on distingue des
synthétiseurs, boites à rythme et boucle électroniques qui souligne l’étrangeté
de l’univers et des créatures rencontrées.
Dans une parfaite cohérence
thématique, les cordes servent l’action pure et l’émotion immédiate quand les
instruments modernes expriment l’onirisme, l’étrangeté et l’hypnose contemplative du cadre du récit
(où s’ajoute également des éléments orientaux et arabisant). On sait que
Hisaishi fut auparavant très influencé par la vague new wave électro à succès
de l’époque (et plus particulièrement Yellow Magic Orchestra le groupe de
Sakamoto Ryûichi) et cette première composition majeure montre donc la
transition qu’il effectue de la modernité à un classicisme (la reprise du
Haendel popularisé par le Barry Lyndon de Kubrick) plus prononcé et maîtrisé.
Le Château dans le ciel est dans cette lignée mais avec un Hisaishi y affirmant un style bien
plus personnel. A l’époque, il n’a pas les moyens de disposer d’un grand
orchestre et mêle ainsi à nouveau instruments modernes et classiques. Moins
marqués que sur Nausicaa, les deux
approches s’entrecroisent merveilleusement avec notamment un synthétiseur
tourbillonnant transcendant l’action (la
piste Un Présage de Destruction et sa
boucle répétitive trépidante) ou appuyant la touche loufoque de certain
personnage ou innocente des jeune héros.
Les instruments à cordes donnent une
ampleur merveilleuse aux différents thèmes tous plus mémorables les uns que les
autres (le main theme sur le
générique crayonnés du film marque d’emblée) tandis que le piano (instrument ô
combien important chez Hisaishi) gagne en présence avec nombre de mélopée
pleine de spleen mélancolique apportant des respiration bienvenue. Au moment de
la sortie américaine tardive du film en 2003 Hisaishi remania son score en
l’enrichissant (le public américain ne supportant pas les longues plages de
silence dans les films d’animation) pour le rendre totalement symphonique.
Etrangement cela fonctionne moins bien que sur la partition originale (celle
proposée ici) qui compte parmi ses grandes réussites.
Avec Mon Voisin Totoro,
Hisaishi se livre à un exercice bien différent de ces précédentes
collaborations avec Miyazaki. Fini les ambiances sombres et épique, tout ici
tend à dépeindre les émotions de l’enfance. Les expérimentations de Laputa et Nausicaa trouvent leur aboutissement avec cette fois les
instruments les plus divers (xylophones, tambour, boite à rythmes) créant une
atmosphère bucolique et candide exprimant la curiosité et l’allant de
l’héroïne. A cette empathie sonore se mêlent de grandes envolées orchestrales
(toujours vampirisées par des sons incongrus et les chœurs enfantins, Hisaishi
ne séparant désormais plus les deux approches) prenant de la hauteur
bienveillante à la tendresse palpable.
Une bande originale annonciatrice de celle du Voyage de Chihiro où Hisaishi
retrouvera ce regard enfantin dans une approche plus sophistiquée à laquelle il
ajoutera des éléments du folklore musical japonais. Un album merveilleux où Hisaishi tend
finalement beaucoup vers Disney. Et comment ne pas signaler cette chanson
entêtante désormais connue de tous les jeunes japonais, l’enchanteur Tonari no
Totoro entonné par Inoue Azumi ?
En mariant ses nouvelles possibilités symphoniques à son excentricité d’antan, Hisaishi effectue la même bascule que Miyazaki qui revenait avec Mononoké à des récits plus ancré dans la culture japonaise. Hisaishi s’offre donc un disque gorgé de de thèmes majestueux (La piste La légende d’Ashitaka en forme d’ouverture grandiose) auxquels il donne des variations magiques tel ces chœurs féminins sur Le Chant des femmes de Tatara accompagnés de percussions discrètes le tout étant toujours parcouru cet esprit animiste qui imprègne le film. Ce mélange annonce en tout point la musique qu’il signera pour Le Voyage de Chihiro où il poussera plus loin encore ces expérimentations entre folklore japonais et tradition symphonique européenne.
Ce qui frappe également, c’est la tonalité profondément
triste voire dépressive qui domine notamment une fin de disque ténébreuse qui accompagne les visions de fin du monde du
film (l’oppressante piste Le Monde
Infernal) dans sa dernière partie. Cela traduit parfaitement l’idée de
l’intrigue d’un monde à bout de souffle, en déclin et à reconstruire. Une renaissance qui se traduira par la
résurrection du Dieu Cerf, l’épiphanie visuelle de Miyazaki atteignant le
sublime grâce à la musique de Hissais sur Adagio
de la vie et de la mort et sa magistrale envolée épique et
émotionnelle. C’est cependant lorsqu’il
s’agit de caractériser ses personnages que Hisaishi se sublime. Les adieux
entre Ashitaka et San dévoilent une entêtante et belle mélopée au piano, tout
comme plus tôt le thème Dame Eboshi avait su imposer la droiture, la bonté et la
tradition véhiculée par le personnage.
Joe Hisaishi signe là une de ses œuvres les plus accomplis,
un sommet qui signait des adieux époustouflant avec un de ses réalisateurs
fétiches. Heureusement il n’en fut finalement rien et les compères allaient
chacun atteindre un niveau pic créatif pour Le
Voyage de Chihiro.
Tous les disques évoqués sont disponible chez Wasabi Records. Ghibli ayant bloqué pas mal de titres diffusés sur youtube un peut dur de trouver à chaque fois les pistes correspondante mais j'espère que ça a été intéressant tout de même !
Tous les disques évoqués sont disponible chez Wasabi Records. Ghibli ayant bloqué pas mal de titres diffusés sur youtube un peut dur de trouver à chaque fois les pistes correspondante mais j'espère que ça a été intéressant tout de même !
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