vendredi 30 avril 2010
Ball of Fire - Howard Hawks (1941)
Huit professeurs participent à l'élaboration d'une encyclopédie. Afin de mettre à jour sa rubrique sur l'argot, le professeur de linguistique amène chez eux une jeune chanteuse, compagne d'un malfrat recherché par la police. La jeune femme va bouleverser la vie de ces huit paisibles scientifiques.
Blanche Neige et les Sept Nains revisité à la sauce screwball comedy sur un scénario de Billy Wilder et Charles Brackett mis en scène par Howard Hawks, difficile de faire plus alléchant. Une très grande réussite bizarrement peu citée parmi les perles de Hawks sans doute parce que ça ressemble bien plus à ce que donneront les plus mémorables comédies à venir de Wilder. On retrouve donc une intrigue pleine de quiproquos et de faux semblant avec Barbara Stanwyck réfugiée chez les nains/professeurs pour échapper à la police et qui va tomber bien malgré elle sous le charme du professeur coincé incarné par Gary Cooper (dont on néglige trop souvent les talents de comédie à cause de ses rôles de dur à cuire, Wilder, Lubitsch et Hawks dans sa filmo ce n'est pas rien !).
Hawks ne se laisse néanmoins pas déborder par la patte Wilder, il confère au personnage de Barbara Stanwyck une gouaille et une autorité que n'ont en général pas les héroïnes pleine de candeur de Wilder (hormis... Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort quel hasard !) et force largement le trait cartoonesque dans le portrait des professeurs. Le début est donc des plus tordant dans sa description de ses intellectuels verbeux au quotidien étriqué dénué de loisir avec Gary Cooper le plus austère de tous qui en fait des tonnes, totalement déconnecté du monde et voué à sa discipline.
Les moments de tendresse à la Wilder sont des plus craquants comme la séduction progressive entre Stanwyck (au sommet de son sex appeal Assurance sur la mort date de la même année !) et Cooper totalement dépassé, ou encore la scène où il lui fait par erreur une touchante et maladroite déclaration. Barbara Stanwyck est également parfaite de bout en bout, intéressée et superficielle en apparence mais qui finit par craquer à la maladresse de Cooper. On regrettera juste un final un peu expédié et moins maitrisé que le reste, même si bien dans l'esprit cartoon du film. A voir !
Uniquement trouvable en dvd zone 1 chez MGM pour pas trop cher et le film comporte des sous titres français
extrait de la scène de baiser irrésistible
L'Adorable voisine - Bell, Book and Candle, Richard Quine (1958)
Gillian Holroyd est une jeune et belle sorcière qui tient un magasin d'art africain, à Greenwich Village, quartier de la bohème new-yorkaise. L'étrange pouvoir qui lui permet de faire et defaire à sa guise les choses de la vie ne l'empêche pas d'être bien seule en cette veille de Noël. Elle sait que le jour où elle tombera amoureuse, son pouvoir magique disparaitra. C'est alors que le séduisant éditeur Shep Henderson, et locataire du troisième étage, frappe à sa porte, son téléphone étant malencontreusement tombé en panne...
Belle comédie qui apporte un renouvellement bienvenu à la screwball comedy en la confrontant au surnaturel. On a donc une Kim Novak en sorcière lasse de ne fréquenter que ces congénère et souhaiterait une existence plus normale. Tombée sous le charme de James Stewart, elle ne pourra s'empêcher de l'ensorceler pour qu'il tombe dans ses bras, ce dernier devant se marier le lendemain. Tout le film questionne donc l'artificialité ou pas de ces sentiments, tout en décrivant l'inconscient éveil amoureux de Kim Novak et jouant avec humour de son aspect fantastique.
L'excellent Richard Quine offre une réalisation aussi alerte dans la comédie qu'envoûtante dans le fantastique (traité avec humour mais jamais par dessus la jambe) avec une séquence d'ensorcèlement totalement hypnotique avec un jeu de regard entre Novak, Stewart et un chat assez bluffant. Quelques petites longueurs par si par là mais rien de bien méchant, et la conclusion est magnifique d'émotion.Un an avant Vertigo,l'alchimie entre Novak et Stewart était étincelante.
Trouvable en dvd zone 2 français pour pas très cher
jeudi 29 avril 2010
Hors d'atteinte - Out of Sight, Steven Soderbergh (1998)
Jack Foley (George Clooney) n'a pas son pareil pour braquer en douceur les banques. Malheureusement pour lui, il est poursuivi par la guigne. Condamné pour la troisième fois, il écope (comme la loi de l'État de Floride le permet) de 30 ans de prison. Une perspective peu reluisante. Alors qu'il a vent d'un projet d'évasions dans les rangs de prisonniers, il en profite pour se faire la malle, avec l'aide de l'un de ses anciens co-détenus Buddy (Ving Rhames). Une marshall Karen Sisco tente de s'interposer. Les deux hommes l'embarquent avec eux, Jack Foley montant dans le coffre avec elle. Coincé dans ce lieu si exigu, ils font connaissance avant de, rapidement, tomber amoureux l'un de l'autre. un jeu du chat et de la souris commence alors entre les deux héros...
Un film charnière pour tout ses principaux participants : Soderbergh y conclut la longue traversée du désert des 90's qui a suivit sa Palme d'or de 1989 (Sexe mensonges et vidéo) en réussissant enfin l'équilibre entre ses velléités expérimentales et un ton plus grand public, Clooney trouve enfin LE rôle et le film qui vont lancer sa carrière ciné depuis son départ d'Urgences et Jennifer Lopez effectue ce qui reste à ce jour sa meilleure prestation. L'intrigue policière est assez simple et efficace mais est rehaussée par une narration alambiquée faisant le va et viens entre passé et présent, dévoilant les enjeux avec une grande habileté. On suit donc Cloney en cavale préparant un coup tandis que les flashback en prison nous informe des tenants et aboutissant de celui-ci. Malgré un humour et une cool attitude constante la violence du milieu criminel est d'ailleurs loin d'être négligée.
Mais ce qui importe cependant à Soderbergh c'est l'histoire d'amour Clooney/Lopez dont le couple fait preuve d'une alchimie parfaite. Clooney en cambrioleur sexy fait preuve d'un charme, d'une présence et d'un charisme idéal tout en montrant bien la vulnérabilité de son personnage dont les repères sont ébranlés par sa rencontre avec Lopez. Cette dernière, tour à tour fragile, sensuelle et flic dure à cuire (il faut voir la scène où elle rembarre un grand black trop entreprenant) est sensationnelle et aurait vraiment dû faire une tout autre carrière après ce film (le marché du r'n'b en a décidé autrement).
Leurs scènes ensemble offre les plus beaux moments du film baigné de sensualité : la séduction dans le coffre de voiture (un long tunnel de dialogues en huis clos incroyablement bien géré où l'on sent l'improvisation), la scène du dîner avec en montage alterné et flash forward puis la scène d'amour qui suit, superbement romantique. Soderbergh par sa belle gestion de la temporalité annonce les futures expérimentations de L'Anglais (1999,) tandis que la photo de Elliot Davis aux couleurs saturées et ensoleillée à Miami et au bleu métallisé quand l'action se déroule à Detroit rappelle évidemment Traffic. La scènes d'amour avec ses arrêts sur images légèrement saccadés semble vouloir figer dans le temps les instants de libertés de cette histoire d'amour condamnée.
Le score de David Holmes est idéalement funky, cool et sexy tandis que parmi le casting de folie on retrouve quelques futurs réguliers des film produits par Soderbergh et Clooney : Don Cheadle en caïd, Ving Rhames en accolyte sympa, Steve Zahn en gros loser, Dennis Farina, Luiz Guzman et même Nancy Allen dans un petit rôle. Un polar classieux, une des meilleurs films des 90's qui se permet le luxe d'être aussi bon que l'autre adaptation plus médiatisée d'Elmore Leonard sortie la même année, le Jackie Brown de Tarantino (et pour la continuité sympa Michael Keaton reprends son rôle dans les deux). Et puis la dernière scène où Samuel L. Jackson fait un caméo mémorable en prince de l'évasion met définitivement le sourire aux lèvres au générique de fin.
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal
Le Grand Chantage - Sweet Smell of Success, Alexander Mckendrick (1957)
Un des très grand film contre le pouvoir des médias qui voyait Alexander McKendrick signer un chef d'oeuvre dès son premier film américain. Le récit nous plonge dans le monde des vautours des agent de presse traquant la moindre rumeurs ou calomnies afin de les revendre aux chroniqueurs faisant la pluie et le beau temps sur l'opinion publique. On s'intéresse au plus sournois et cynique d'entre eux incarné par Tony Curtis, en grande difficulté depuis qu'il n'est plus en odeur de sainteté avec Burt Lancaster, chroniqueur le plus puissant de la ville. Pour retrouver ses faveurs il lui suffirait de briser l'idylle de la soeur de Lancaster avec un musicien de jazz, mal vue par le grand frère trop tatillon.
Un film d'une violence psychologique difficilement soutenable où aucun personnages n'est à sauver, les coup bas les plus infâmes étant permi pour arriver à ses fins. Burt Lancaster à contre emploi est extraordinaire en chroniqueur glacial et à l'égo surdimensionné. On comprend assez vite la cause de cette personnalité imposante quand on découvre la mainmise et les réseaux qu'il a chez les puissants comme les faibles. Les dialogues sont remarquable de cruauté et cynisme froid et une scène où il humilie littéralement un sénateur sur son comportement suffit à poser le personnage dès sa première apparition. Tony Curtis trouve un de ses meilleurs rôle en fouine à l'affut et prête à tout pour réussir.
Les séquences révoltantes sont légions, en particulier ce moment où Curtis livre en pâture une maîtresse à un chroniqueur afin de s'assurer la publication d'un de ses billets. Mckendrick fait preuve vision terriblement pessimisme, les quelques élans d'humanité étant balayé chez tout les personnages. La fille de bar offerte par Curtis justifie presque au détour d'un dialogue le traitement qu'il lui réserve et la rare lueur d'humanité de celui ci est balayé par l'ambition lorsqu'il accepte de se livrer à un guet apens impensable. Le pire étant le personnage de Susan Harrison, seul personnage pur de l'intrigue obligé finalement de se rabaisser à l'esprit manipulateur de Curtis/Lancaster pour se sortir de leur étreinte. Un pur diamant de noirceur dont le pessimisme jusqu'au boutiste aura apparemment presque enterré la carrière américaine de Mckendrick (qui aura grandement bataillé pour ne pas d'édulcorer la nouvelle de Ernest Lehman) fraîchement arrivé du studio Ealing (où on lui droit quelques chef d'oeuvre du cinéma anglais comme Tueurs de Dames ou Whisky à gogo).
Trouvable facilement en dvd zone 2 MGM
mercredi 28 avril 2010
Le Golf en folie - Caddyshack, Harlod Ramis (1980)
Premier film de Harold Ramis où on ressent encore grandement l'influence de son passif d'amuseur télé mais sans le cadre qu'avait pu lui imposer John Landis sur American College dont il a écrit le scénario. Donc là malgré un fond vraiment intéressant (lutte des classe dans un club de golf, apisration à un meilleur avenir d'un jeune caddie joué par Michael O'Keefe, opposition entre nantis oisif et nouveau riches grande gueule investissant le golf) c'est assez bancal niveau rythme et moyennement palpitant, Un jour sans fin ou Ma femme mes doubles et moi sont encore loin.
Par contre pour ce qui est du gag immédiat, de l'humour bête et méchant ou non sensique c'est un pur régal. Dans un rôle très secondaire de gardien Bill Murray débutant vole quasiment la vedette à tout le monde. Envolée philosophique incompréhensible, dialogues salaces envers les golfeuses du 3e âge qu'il reluque et surtout un terrible duel digne de Bip Bip et Coyotte avec un rongeur dévastant le gazon du golf, c'est un véritable festival de grand n'importe quoi que nous offre Bill Murray.
Le reste du casting n'est pas en reste avec un Chevy Chase en golfeur "zen" et séducteur et un Rodney Dangerfield à hurler en juif flambeur adepte de la réplique assassine. Ramis orchestre quelques gags parodiques d'anthologie tel ce vieux golfeur touché par la grâce qui réussit des coups impossible avec une bande son reprenant la musique des Dix Commandements de Cecil B. Demille ou encore plus bas du front la terreur causé par un étron flottant dans une piscine accompagné du thème des Dents de la Mer .
Bref très inégal mais néanmoins prometteur pour la suite, on rit bien fort de bout en bout et c'est bien là l'essentiel. Ca fait bien plaisir à revoir vu la chute de la carrière de Ramis ces dernières années.
Trouvable facilement en dvd zone 2
lundi 26 avril 2010
The Vampire Lovers - Roy Ward Baker (1970)
Avec Docteur Jekyll and Sister Hyde ou encore Captain Kronos, The Vampire Lovers est un des derniers soubresauts d'une Hammer sur le déclin à l'orée des 70's. Une nouvelle fois c'est au très doué Roy Ward Baker que la firme parvient à maintenir une vraie inventivité et exigence qualitative. Ici le scénario adapté du roman Carmilla de Sheridan Le Fanu dépeint les agissement d'une vampire qui introduit insidieusement les maisonnées de noble pour séduire et vider de leur sang les jeunes filles.
Le grand élément novateur repose donc sur le saphisme ouvertement prononcé donnant une ambiance érotique troublante et plus du tout sous-jacente comparé à d'anciennes production Hammer. Ingrid Pitt incarne une vampire au charme vénéneux et hypnotique, et Baker ne se gêne pas pour dévoiler ses charmes lors de situations bien scabreuse tel cette scène où elle déniaise une jeune fille innocente qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive et se laisse faire, finalement satisfaite.
Un des atouts est de donner une certaine dimension tragique à l'intrigue grâce au sous-texte lesbien, Ingrid Pitt malgré tout son vice semblant réellement tomber amoureuse de ses victimes. Le besoin de se nourrir n'empêche pas les sentiments de s'éveiller (même si le but de la provocation est plus de titiller le public masculin, nudité, corsage pigeonnant et postures indécentes sont légion) et la conclusion va clairement dans ce sens.
Roy Ward Baker délivre un bien bel objet, l'ambiance gothique même si moins prononcé que dans d'autres Hammer est superbement traduite avec un saisissante scène d'ouverture et un final flamboyant où Peter "Van Helsing" Cushing (qu'on voit peu) se charge d'embrocher de son pieu la vampire. Les scènes de cauchemars quasi expérimentales sont particulièrement inventives également.
Sorti tout récemment en dvd zone 2 avec le magazine Mad Movies.
vendredi 23 avril 2010
Ça chauffe au lycée Ridgemont - Fast Times at Ridgemont High, Amy Heckerling (1982)
Le casting regorgeant de grands espoir de l'époque et de futurs superstar est réellement impressionnant : Sean Penn grandiose (et loin des rôle sérieux qui feront sa réputation) en stoner surfer ahuri, Phoebe Cates, Forest Witaker, Judge Reinhold ou Nicholas Cage (encore sous son vrai nom Coppola)... Le film fait figure d'ancêtre des American Pie (mais en novateur pour l'époque) avec ses ados en rut multipliant les galipettes et les situations scabreuses (dont un flagrant délit de masturbation mémorable, ou encore un entraînement à la fellation en plein réfectoire)). D'ailleurs par rapport au teen movie sages d'aujourd'hui on s'étonnera du festival de topless et nudité pour des acteurs qui ont souvent l'âge de leur rôles (Jennifer Jason Leigh donne déjà grandement de sa personne avant La Chair et le sang de Verhoeven où elle était encore mineure aussi, Phoebe Cates se dévoile lors d'une scène de fantasme bien folle).
La réalisatrice Amy Heckerling n'ayant rien fait de bon à part ça (hormis l'autre classique du teenmovie qu'est Clueless avec Alicia Silverstone sinon des horreurs comme Allo Maman ici bébé) on peut largement attribuer la réussite du film à Camerone Crowe qui signait là son premier scénario d'après un de ses livres. On retrouve plusieurs facettes du futur réalisateur de Presque Célèbre : la peinture parfaite d'un grand groupe de personnages, plein de petits récit secondaires qui donnent consistance au récit et bien sûr la candeur juvénile et l'innocence se fondant dans un ensemble très musical et pop.
Le côté 80's donne un charme fou (la vanne sur toutes les filles se faisant le look de Pat Benatar irrésistible !) à ce petit classique teen qui sait être profond sans se prendre au sérieux, bon moment.
Sorti en dvd zone 2 français en 2001 difficilement trouvable désormais mais le zone 1 est doté de sous titres français et facilement disponible sur le net.
jeudi 22 avril 2010
Dr Jekyll and Sister Hyde - Roy Ward Baker (1971)
Sur le déclin au début des 70's la firme Hammer tente de se renouveler à coup de pitch improbable, plus moderne et dans l'air du temps. Parfois c'est bien loupé (Les 7 vampires d'or coproduit avec la Shaw Brothers et mélangeant kung fu et gothique, Dracula 73 revival dans l'air du temps flashy et disco) et d'autres fois donne de belles réussites (Captain Kronos écrit par Brian Clements le créateur de Chapeau Melon et Botte de Cuir qui officie à nouveau ici) comme cette relecture brillante du roman de Stevenson.
Les expériences du Docteur Jekyll ne le transforme donc plus en bestial Mister mais en vénéneuse et perverses Sister Hyde. Le scénario y mêle en le réinventant habilement le mythe de Jack l'éventreur (avec une pincée de Frankenstein pour la quête de cadavre de Jekyll nécéssaire aux transformations) en offrant une ambiance gothique à souhait dans un Londres nocturne et menaçant, dont le brouillard dissimule des dangers innommables. Le fameux récit de schizophrénie se voit teinté d'une bonne dose de trouble sexuel, avec un Jekyll attiré par les hommes, sa personnalité étant progressivement dominé par Sister Hyde qui elle déchaîne les passions dans la gente masculine. Les moments troublants sont légions lors des scènes d'amour même si le film n'ose pas aller totalement au bout de son idée avec une vraie relation sexuelle de Sister Hyde avec un homme.
La magnifique Martine Beswick est absolument vénéneuse en Sister Hyde, look flamboyant en robe rouge, un regard brûlant et son visage anguleux et androgyne permet de conserver la confusion des identités sexuelles. Très belle et inventive réalisation de Roy Ward Baker qui en profite pour nous offrir quelques scène de meurtres bien brutales et sanglantes façon giallo (les élans haineux de Sister Hyde sont dévastateurs), s'inspirant des succès du moment et renouvelant bien le ton Hammer.
Trouvable pas cher en dvd zone 2 français chez Studio Canal
mercredi 21 avril 2010
The Small Back Room - Michael Powell et Emeric Pressburger (1943)
Sammy Rice, un jeune chercheur pourtant brillant, manque singulièrement de confiance en lui. Spécialiste des armes de guerre, il laisse son supérieur, le colonel Waring, tirer parti de son travail alors que lui reste dans l'ombre. Cette mise à l'écart lui pèse et s'ajoute aux complexes que lui donne une amputation du pied. Son infirmité et sa propension à boire rendent ses rapports avec son amie Susan souvent houleux, jusqu'au jour où il est chargé d'une difficile et dangereuse mission de déminage...
Venant juste après la flamboyance et l'explosion de couleur des Chaussons Rouges, le duo opère un revirement surprenant avec ce film qui est presque son exact inverse. Là où le précédent n'était que sentiment exacerbé porté par un récit hypertrophié et fastueux, l'adaptation du roman de Nigel Balchin (qui signe le scénario en personne) les voie emprunter une voix plus intimiste.Le récit dépeint les tourments d'un jeune scientifique joué par David Farrar en pleine crise. Miné par le manque de confiance en soi suite à une infirmité du pied, il se laisse marcher sur les pieds dans le cadre de ses recherches et se réfugie dans l'alcool au grand désespoir de sa petite amie (jouée par Kathleen Byron la nonne meurtrière du Narcisse Noir).
Même si en apparence plus en retenue, la forme s'avère tout aussi spectaculaire, inventive et approprié à son sujet que pouvaient l'être les parti pris des Chaussons rouges. Powell confère à leur film une atmosphère étouffante et opaque, porté par une photo de Christopher Challis assez incroyable dans son jeu sur le clair obscurs, le côté absorbant des noirs et plusieurs idées folles destiné à nous faire partager l'état d'esprit perturbé de David Farrar.Le jeu sur les son notamment, avec un mix très agressif et déstabilisant tel cette séquence de réunion au sommet où des grincement et bruit de travaux viennent constamment interrompre les débats.
De même les séquences en club nocturne ou dans le bar où se saoule Farrar rendent le monde extérieur et l'agitation alentour menaçant, formant un magma sonore informe qui nous enfonce en permanence.
Powell et Pressburger se lâchent tout de même le temps d'une séquence digne de la scène d'hallucination de La Maison du Docteur Edwards (conçue par Dali et le film est sorti 2 ans plus tard Hitchcock aurait il été influencé ?) avec un David Farrar tentant de résister à l'appel d'un bouteille de whisky en évidence et qui hallucine : la bouteille se démultiplie, devient gigantesque, le décor devient totalement abstrait en forme de piège infernal, un grand moment de cinéma. David Farrar, parfois cantonné aux rôles très affirmé dans leur masculinité (le châtelain rustre de La Renarde forcément) est vraiment étonnant en homme handicapé et doutant de lui. Le couple formé avec Kathleen Byron qui le pousse à bout pour qu'il se prenne en main est vraiment touchant et réussi avec des échanges magnifiquement écrits.
La conclusion offre une des meilleurs scènes jamais filmée par Powell/Pressburger, lorsque Farrar décide de se mettre à l'épreuve et d'aller désamorcer un modèle de bombes allemandes qui à causer bien des dégâts depuis le début du film. Une séquence tendue à bloc et stressante à souhait, qui n'a absolument pas à rougir face à des scènes du même type dans le récent Démineurs.
Bref dans une veine moins spectaculaire ça fait autant son effet que leur titre plus ouvertement aguicheurs et reconnus.
Trouvable en zone anglais pour pas trop cher (mais sans sous titres) et dans une belle édition zone 1 de Criterion doté du copie somptueuse (noir et blenc incroyable voyez les captures).
La scène d'hallucination
mardi 20 avril 2010
Red Dust - Gun Gun Hong Chen, Yim Ho (1990)
Entre le milieu des années 30 et 1949, l’histoire de Shen Shao-Hua, une jeune chinoise passionnée par l’écriture qui tombera amoureuse d’un intellectuel chinois collaborant avec l’occupant japon.
Un magnifique drame qui de l'occupation japonaise aux troubles politiques post deuxième guerre mondiale, mêle la fresque historique et le récit intimiste poignant à travers les tourments d'un superbe personnage féminin incarné par Ling Ching Hsia (Son meilleur rôle avec Peking opera Blues) étonnante de fragilité, on est loin des guerrières androgyne de Tsui Hark.
Très belle chronique du quotidien d'un pays occupé où à la manière de Verhoeven dans son Black Book, Yim Ho évite tout manichéisme quelque soit les clans représentés. Le collabo chinois amoureux de Ling Ching Hsia est à ce titre constamment déchiré et montre une vraie humanité même quand il manifeste son égoïsme (lors des deux scènes de retrouvailles avec Ling Chin Hsia) tandis que les chinois font preuve d'une vengeance cruelle et gratuite (une scène où il abusent de leur statut après la reddition l'appartement après la reddition) voire de vrai mesquinerie sadique (Han Chin vilipendé en public par une veuve dont il ne s'est pas occupé). On pense aussi beaucoup au David Lean de Docteur Jivago (notamment que lors de la poignante scène finale identique) où les changements politiques ne généraient que plus de cruauté revancharde chez les nouveaux venus au pouvoir, et aussi pour son héros artiste apolitique rattrapé par les évènements.
Une très belle reconstitution, une réalisation vraiment inspirée (la scène de danse sur le balcon, la scène de rêve de Ling Ching Hsia avant la disparition de Maggie Cheung) portée par une très belle photo immaculée et une superbe musique (pour un film de Hong Kong ça mérite dêtre souligné). Très bon et étonnant Richard Ng qui tout en gardant une dimension comique compose un personnage vraiment émouvant dans son amour unilatéral. Un des très grand film de la grande période du cinéma de Hong Kong, injustement méconnu.
Trouvable en dvd import HK doté de sous titres anglais, espérons qu'un éditeur français se penche dessus un jour.
lundi 19 avril 2010
La Valse dans l'ombre - Waterloo Bridge, Mervyn LeRoy (1940)
A l'aube de la seconde guerre mondiale, alors que les londoniens se prépare à une existence difficile avec le conflit imminent face aux allemands, le vieil officier joué par Robert Taylor se souvient. Plus de 20 ans plus tôt, dans un contexte similaire à l'aube de la première guerre mondiale il vécu une histoire d'amour passionnée avec une danseuse de ballet. Un mélo absolument somptueux et poignant porté par un couple magnifique, surtout Vivien Leigh poignante dans son premier rôle après le triomphe de Autant en emporte le vent.
Le début se déroule comme dans un rêve éveillé, avec la rencontre des héros un soir d'alerte (point de départ qui rappelle un peu le Shanghai Blues de Tsui Hark ça ne serait pas étonnant qu'il l'ait vu) et leur passion naissante. L'urgence de la guerre et la séparation imminente accélère tout et le couple brûle les étapes pour se déclarer immédiatement et envisager le mariage. Le Roy multiplie les moments magiques dans cette première partie, l'arrivée de Taylor au théâtre, le dîner et la valse que le couvre feu n'interrompe pas (d'où le très beau titre français du film).
Virage plus sombre ensuite où, en optant pour le contexte de la première guerre mondiale le film se fait en fait écho des difficultés que subissaient alors les londoniens (le film date de 1940), entre les privations quotidiennes et les bombardements allemands. Le personnage de Vivien Leigh donc, livré à lui même et croyant un temps Taylor mort va devoir s'abaisser à la prostitution. Code Hays oblige, le mot n'est jamais prononcé mais le film est parfaitement explicite là dessus.
Personnage fragile et angoissé, Vivien Leigh ne se pardonnera jamais cette dépravation même une fois le bonheur retrouvé et Le Roy excelle à montrer sa culpabilité par quelques belles idées (décors s'assombrissant autour de Vivien Leigh pour montrer son isolement, vue subjective sur des symbole ou objet aptes à éveiller son mal être intérieur) et surtout une prestation fabuleuse de Vivien Leigh, aussi belle et torturée que dans Autant en emporte le vent. La plastique du film l'élève au dessus du tout venant du mélo hollywoodien, avec un Londres féérique ou oppressant selon les états d'âmes de son héroïne avec un noir et blanc somptueux de Joseph Ruttenberg.
C'est sur le pont de Waterloo que tout commence (la rencontre), tout se dérègle (la déchéance dans la prostitution dans une scène sordide et sobre à la fois) et tout se termine lors d'un final glaçant et inéluctable. C'est sur le pont aussi que le vieux Robert Taylor viendra se rappeler goûter la nostalgie du temps passé avant de repartir pour une autre guerre, seul avec ses souvenirs et sans personne pur l'attendre cette fois.
Trouvable en dvd zone 1 Warner restauré (le noir et blanc est vraiment magnifique voyez les captures) et doté de sous titres français
dimanche 18 avril 2010
Les Dimanches de Ville D'Avray - Serge Bourguignon (1962)
Hardy Kruger ancien pilote de chasse est amnésique suite à un crash fatal (où il pense avoir tué une petite fille) et depuis erre comme une âme en peine dans la bourgade de Ville d'Avray. Un soir il est témoin de l'abandon d'un père qui laisse sa fille dans une institution religieuse. Tombé sous le charme de la petite fille, il va tout les dimanche la chercher pour qu'ils passent la journée ensemble et laisser ainsi une relation étrange s'installer. Un point de départ troublant et risqué qui laisse à penser que la relation sera filiale, voire fraternelle mais Serge Bourguignon aborde frontalement son sujet qui n'est rien de moins que le récit d'une amitié amoureuse entre un adulte et une fillette.
Hardy Kruger homme-enfant amnésique revit son adolescence auprès de la jeune Françoise, enfant précocement mature car mal aimée et livrée à elle même depuis l'enfance. Bourguignon écarte la dimension sexuelle sordide potentielle (sans éliminer la vraie tonalité amoureuse tabou) en s'axant sur le rapprochement de ces deux solitudes et la tendresse mutuelle entre les personnages. Il faut avouer que c'est très perturbant d'observer cette promiscuité, mais Bourguignon fait preuve d'une telle délicatesse et justesse pour dépeindre le monde intérieur et l'amour platonique des héros que toute pensée dérangeante s'estompe progressivement pour apprécier les moments passés. Le monde des adultes, incapable de comprendre ce rapport hors norme autrement que par la morale va s'avérer terriblement oppressant lors d'une conclusion traumatisante.Bourguignon ne choisit pas la facilité, c'est au spectateur de faire le cheminement pour comprendre son message et ne pas s'arrêter à la surface transgressive même s'il tend quelques pistes dans la dernière partie à travers les dialogues entre Nicole Courcelle et André Oumansky, gênés eux aussi au départ mais finissant par comprendre le lien magnifique unissant Pierre et Françoise. Visuellement Bouguignon crée un monde à la féérie hivernale sobre dans un scope splendide voyant les héros (le couple ?) déambuler dans les paysages ruraux de Ville D'Avray. Hardy Kruger dévoile magnifiquement sa fragilité et son trouble intérieur tandis que la jeune Patricia Cozzi fait preuve d'une maturité étonnante tout en gardant son espièglerie enfantine.On est interloqué pendant tout le film par l'ambiguïté que peut revêtir une telle intrigue, Bourguignon osant les dialogues les plus tendres (et donc tendancieux) et les gestes les plus affectueux, mais quand on comprend le regard qu'il a voulu adopter l'appréhension s'estompe.. Les Dimanches de Ville D'Avray pour ces raisons restera d'ailleurs longtemps invisible et oublié en France tandis qu'il jouira d'un culte au Japon et aux USA (où il sorti avant la France devant le frilosité des distributeurs), remportant l'Oscar du meilleur film étranger en 1963. Pour la petite histoire c'est le score (minimaliste et austère) de Maurice Jarre sur ce film qui incita Sam Spiegel à l'engager sur Lawrence D'Arabie. Un film étrange, fascinant et poignant, loin des canons de la Nouvelle Vague ou de la qualité française dominant de l'époque. Belle découverte.Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
vendredi 16 avril 2010
I wanna hold your hand - Robert Zemeckis (1978)
C'est clairement son personnage le mieux écrit et auquel on s'attache le plus à suivre le destin mais les autres ne sont pas en reste. Zemeckis glisse de savoureuse allusion aux tollé que sucite les beatles chez les plus conservateurs, notamment son jeune garçon obligé de négocier avec son père une place de concert contre l'acte de se couper les cheveux. Avec en prime un suspense épique lorsque la tondeuse approche de son crane, le tout devenant un enjeu majeur au proportion énorme.
Zemeckis se lâche complètement (la nostalgie doit joué né en 1952 il a vécu en partie ces moments là) lors des scène d'hystérie des fans des Beatles (quand on se souvient des images d'archives on se demande s'il exagère tant que ça) en multipliant les scènes d'émeutes dantesque de jeunes filles affollées, de course poursuite et de chute en pagaille. Le pur slapstick n'est pas loin dans les instants les plus démesurés et on rit bien. Enorme apothéose lors du final et le She loves you des Beatles en direct, le montage alternant entre les images du film, celle du vrai concert les plans sur les fans en furie offre un montage galvanisant et dynamique où on ressent toute la ferveur que l'évènement a pu constituer à l'époque. Indispensable pour le fan des Beatles, surtout que la bande son est gorgée de chansons de la première époque pop carillonnante. Aujourd'hui film culte, le film se plantera un peu au box office, tout comme le Zemeckis suivant La Grosse Magouille avant que l'enchainement de carton se fasse à partir de A la poursuite du diamant vert.
Trouvable uniquement en dvd zone 1 chez Sony et doté de sous titres français
extrait
jeudi 15 avril 2010
Champagne Charlie - Alberto Cavalcanti (1944)
Incursion dans le milieu des music hall londonien de l'Angleterre victorienne au travers de destin croisés de personnages, notamment l'ascension d'un jeune provincial dans la chanson. Un film qui respire la fougue et la joie de vivre, la reconstitution et l'ambiance de l'époque étant traduit dans une tonalité festive porté par une narration trépidantes.
C'est une sorte d'ode ultime à la boisson avec des personnages qui engloutissent des hectolitre d'alcool tout au long de l'histoire lors de beuveries épiques dont l'apogée se situe lors d'une longue scène anthologique où le héros et son rival se mènent un duel à distance pour celui qui chantera la meilleure chanson alcoolisée : plus de 10 minutes extraordinaires vantant avec poésie et truculences les mérites du porto, du sherry, du rhum pour finir sur le champagne qui donne son surnom au héros et le titre du film. D'autres séquences grandioses comme ce duel au pistolet tourné en dérison avec les médecins et les employés des pompes funèbres venu faire leurs affaires ou cette baston de bar dantesque.
Sous la légèreté et la bonne humeur destinée à évader le public anglais subissant les privation de la guerre, on trouve un message de rébellion et de liberté d'expression fort avec les gens du music hall unis face à la censure et la morale tenace, le ton lorgnant sur certains des meilleurs Renoir ou encore Les Enfants du Paradis. Tommy Trinder est génial en Champagne Charlie, sorte d'anglais cockney ultime, dents de travers, accent à couper et une sacrée allure en costume et haut de forme. Un des meilleurs films du studio Ealing, société de production anglaise spécialiste dans les fables caustiques et ironique. Je reviendrais sûrement sur d'autres films du studio tout aussi bon à l'avenir.
Trouvable en dvd zone 2 UK sans sous titre (bon courage avec les accents Londoniens !) et surtout dans le coffret consacré au Studio Ealing sorti en France chez Studio Canal avec des interventions brillantes et érudidtes de Bertrand Tavernier.
extrait d'une des plus mémorable chansons