Quatre gangsters
braquent un fourgon blindé transportant plus d'un million de dollars. Joe
Rolfe, un chauffeur-livreur, qui a déjà eu des ennuis avec la justice est
accusé d'être impliqué dans ce braquage et est interrogé avec brutalité par la
police locale. Relâché faute de preuves, Rolfe remonte la piste des criminels
jusqu'au Mexique afin de se disculper définitivement.
Kansas City
Confidential est un bijou de film noir et un des sommets de Phil Karlson,
maître du genre où il va pleinement s’épanouir à travers plusieurs réussites
durant les années 50. Plusieurs films tiennent dans l’intrigue, le premier
étant le film de casse dans la lignée alors populaire d’œuvre comme Quand la ville dort de John Huston
(1950), Armored Car Robbery de
Richard Fleischer (1950) ou L’Ultime
Razzia de Stanley Kubrick. Le scénario en suit d’ailleurs toutes les étapes
mais en accéléré : repérage des lieux, recrutement des acolytes, braquage
et fuite. L’originalité réside dans l’agencement et le traitement de ces
passages obligés.
Nous avons donc un mastermind plein d’assurance (Preston
Foster) qui va concevoir le plan et choisir des complices aux abois pour l’aider.
L’accent est mis sur l’ascendant psychologique qu’il a sur eux, sachant s’imposer
physiquement à l’apeuré Peter Harris (Jack Elam fébrile), flatter les
bas-instincts de Moreno (Lee Van Cleef sournois) et insister sur la situation
critique de Kane (Neville Brand intimant) pour les soumettre à sa volonté. Le
procédé original (et maintes fois copiés depuis) du braquage ajoute en
singularité puisque hormis le chef, les braqueurs sont étrangers les uns aux
autres les visages dissimulés par des masques (solution parfaite pur éviter
toute trahison).
La quasi abstraction de cette entame vient brutalement se
frotter au réel lors du braquage en pleine rue, avec comme dommage collatéral l’accusation
à tort de Joe Rolfe (John Payne) livreur de fleur dont les malfrats ont
utilisés le même modèle de fourgon. Vaguement entraperçu comme un figurant au
départ, Joe Rolfe représente moins l’innocent hitchckockien que la figure du
prolo, de l’anonyme rattrapé par le destin mais prêt à surmonter le
déterminisme cruel pour laver son honneur (figure souvent présente dans le film
noir réaliste des années 50. Rolfe remonte ainsi la piste des braqueurs dans
une progression hard-boiled absolument haletante où Karlson multiplie les
moments de tension et les confrontations musclées. L’interprétation intense
(John Payne superbement impliqué), la mise en scène alerte de Karlson et un
rythme soutenu en font une merveille du genre qui va encore basculer dans sa
troisième partie.
Rolfe retrouve les complices dans un bouge mexicains où le
chef est supposé leur distribuer le butin. Le scénario joue à merveille de l’équilibre
entre la connaissance du spectateur et celle des protagonistes de l’identité
des uns et des autres. Les frontières morales classiques sont d’ailleurs
rendues floues par la nature révélée du boss (un ancien policier) et ses motifs
alors que Rolfe coupable trop idéal (il a fait de la prison) aura été le
premier inquiété et malmené au départ. Cette dernière partie, tout prenante qu’elle
soit cède cependant à quelques conventions qui jurent avec la férocité qui a précédée,
notamment une romance assez convenue et
la conclusion emboite aussi le tout avec un peu trop d’évidence. La
tension ambiante et les ruptures de ton et d’ambiances font cependant la force
du film jusqu’au bout et on devine aisément ce qu’est venu y piocher un
Tarantino et d’autres (l’organisation anonyme du braquage est notamment reprise
dans L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison (1968)).
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Rimini