Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Au début du XIXe
siècle, au plus fort de la lutte opposant les Irlandais aux Anglais, Michael
Martin quitte Ballymore pour Dublin, après avoir pillé l’intendant de lord
Devereaux et s’être mis à dos les membres du comité. Poursuivi par les dragons
britanniques, il est sauvé par John Doherty, le chef des partisans irlandais,
et devient très rapidement son second…
Même s’ils représentent son genre de prédilection et lui
vaudront de passer à la postérité cinéphile, les grands mélos hollywoodiens sont
pourtant l’arbre qui cache la forêt chez Douglas Sirk. En tout bon employé de
studio, Sirk aura finalement œuvré dans tous les genres durant sa carrière
hollywoodienne, que cela soit western (Taza
fils de Cochise (1954)), le film historique (le délicieux Scandale à Paris (1946), adaptation de
la vie de Vidocq), ou encore le péplum avec Le Signe du Païen (1954). C’est d’ailleurs par ce biais qu’il rencontre son futur
acteur fétiche Rock Hudson qu’il dirige dans la screwll comedy Qui donc a vu ma belle ? (1952). Il
s’attaque au film d’aventures avec ce Capitaine
Mystère qui, être un des fleurons du genre offre un vrai bon divertissement
auquel il prête tout son savoir-faire avec brio.
Le ton décontracté et trépidant surprend, avec un Rock
Hudson confirmant ses dispositions dans la comédie pure (confirmée plus tard
dans le génial Le Sport favori de l’homme
de Howard Hawks (1964)), plein d’allant en rebelle irlandais un peu plouc,
totalement égaré dans un monde de complots et de faux-semblants. La distance
que Sirk sait parfois faire prendre à ses intrigues mélodramatiques fonctionne
à plein dans ce contexte plus décontracté, et la première partie réveille les
plaisirs qu’ont pu provoquer la lecture des œuvres d’Alexandre Dumas. Le
personnage d’Hudson n’est d’ailleurs pas sans évoquer un D’Artagnan, dans son
côté fonceur et irréfléchi. Cela occasionne quelques moments très drôles et
survoltés, comme lorsque Hudson est "testé", en étant contraint
d’affronter une grosse brute irlandaise dans un hôtel, sans parler des
mémorables disputes avec le personnage de Barbara Rush, dont une où, excédé, il
finit tout simplement par lui flanquer une fessée.
Les qualités plastiques qui font le charme de ces mélos sont
également de la partie, un scope somptueux magnifiant les extérieurs irlandais
( les tournages in situ n’étant pas encore si courante à l’époque), des
cadrages bourrés d’idées et une photo de toute beauté, même si l’approche flamboyante
et irréelle de Russel Metty, son chef opérateur habituel ne participant pas au
film. Finalement, très peu d’action pure (même si une haletante scène d’évasion
en conclusion), mais tellement entraînant et bien mené que l’on ne voit pas le
temps passer, le tout se terminant sur un modèle de scène romantique. Douglas
Sirk fait donc montre ici d’une versatilité efficace même si sans génie.
Une aventure toujours
plus épique de l’USS Enterprise et de son audacieux équipage. L’équipe explore
les confins inexplorés de l'espace, faisant face chacun, comme la Fédération
toute entière, à une nouvelle menace.
Star Trek Beyond
est le troisième volet de la refonte de la célèbre saga spatiale
cinématographique et télévisée. J. J. Abrams avait réussi un efficace et malin
lifting avec Star Trek (2009),
bousculant les acquis à l’aide d’une astucieuse notion d’univers parallèles et
de retour aux origines de l’équipage de l’Enterprise – on aurait aimé autant
d’audace pour son Star Wars – Le Réveil
de la Force (2015), redite paresseuse et sans surprise. Star Trek Into Darkness (2012) s’avérait
plus décevant, handicapé par une tonalité sombre et terre à terre qui oubliait
la notion d’exploration et d’évasion associée à l’univers de Star Trek. De plus, Abrams se perdait en
tentant les variations maladroites sur la trame de la saga originale, la
conclusion reprenant celle de Star Trek 2
: La Colère de Khan (Nicholas Meyer, 1982). Abrams parti signer Star Wars – Le Réveil de la Force, ce
troisième épisode aura laborieusement vu le jour au fil des réécritures et de
la valse des réalisateurs, le scénariste Robert Orci supposé le mettre en scène
étant écarté au profit de Justin Lin.
Le scénario au départ pensé pour
s’inscrire dans la lignée semi-référencée des précédents sera également remanié
entre autres par Simon Pegg. Le résultat accouche d’une aventure plutôt dans
l’esprit d’un épisode standard de la série originale, gonflé à la sauce
blockbuster. Ce n’est pas un mal, grâce à l’abandon tant des gimmicks narratifs
de J. J. Abrams que de cette tendance actuelle (initiée par Marvel) de penser
un film de manière plus large, en envisageant le moindre élément dans le cadre
d’une franchise globale et sur le long terme. Star Trek Beyond assume donc son côté one-shot sans autre ambition que de livrer l’aventure la plus
trépidante possible. Justin Lin, habile faiseur, avait su étonnamment relancer
l’intérêt pour la moribonde série des Fast
and Furious – notamment un épisode 5 (2011) parvenant au plaisir régressif
que n’atteignait jamais, dans le même esprit, Stallone et ses Expendables (2010, 2012 et 2014) – et
offre un spectacle drôle et efficace.
Mondes inconnus, bestiaires foisonnants – parfois sources de
rire à l’image de l’introduction – et Fédération en péril rythment donc le
récit auquel on pourra reprocher un certain manque de profondeur dans le
cheminement des personnages. Mais cela participe à la logique du "tout
pour l’aventure", le canon et les archétypes de l’équipage ont été établis
dans les deux premiers volets et Justin Lin inscrit et résout les
questionnements intimes dans l’action. Le sentiment de vide du Capitaine Kirk
(Chris Pine) au milieu de la monotonie du voyage de l’Enterprise, les doutes de
Spock sur son couple et les responsabilités de sa part vulcain sont bien là,
sans céder à des moments introspectifs forcés.
Le méchant incarné par Idris
Elba se révèle progressivement selon une idée empruntée à un classique SF
contemporain – le formidable Sunshine
(2007) de Danny Boyle. La lourdeur référentielle d’Abrams est oubliée avec un
beau et simple hommage à Leonard Nimoy et à l’équipage originel lors de la
conclusion. Les nouveaux personnages sont très réussis (très attachante Sofia
Boutella) et les anciens ont chacun droit à leur moment. Les scènes d’action
"terriennes" sont parfois un peu confuses mais tout ce qui relève du
space opera est du plus réjouissant, notamment une bataille finale au rythme du
Sabotage) des Beastie Boys,
magistralement utilisé. Star Trek Beyond
remplit donc, sans l’ambition mais également la prétention des volets
précédents son quota de divertissement.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Paramount
Aristide enseigne dans
une drôle d'école "l'art de la fauche", élevant de jeunes malheureux
au rang de pickpockets professionnels. Yves et Arlette, tous deux à la rue et
sans famille, y postulent en même temps. Mais si l'un présente de réelles aptitudes,
l'autre éprouve les plus grandes difficultés à dépasser son honnêteté. C'est
pourquoi Arlette se tourne vers le mariage blanc et jette son dévolu sur Pierre
de Rougemont rencontré à l'ambassade...
Danielle Darrieux et Henri Decoin se rencontrent en 1934 à
Berlin, lui venu tourner superviser la version française de L’Or dans la rue de Curtis Bernhardt dans
lequel elle joue. Henri Decoin est immédiatement séduit par la présence et l’énergie
de Danielle Darrieux alors âgée de seize ans et ils se marient un an plus tard.
Cette union débouchera évidemment sur une collaboration artistique et Decoin
fait tourner Darrieux dans des comédies comme J'aime toutes les femmes (1935), Le Domino vert (1935) ou Mademoiselle
ma mère (1937). Entretemps, Danielle Darrieux devient la plus grande star
féminine française d’avant-guerre notamment grâce au succès mondial de Mayerling d’Anatole Litvak (1936). Ce
rôle lui ouvre les portes d’Hollywood où elle tournera La Coqueluche de Paris d’Henry Koster (1938). Henri Decoin est du
voyage et s’occupe en arpentant les plateaux de la Universal, se nourrissant de
l’énergie des lieux, observant le travail des équipes et les innovations
techniques en cours. Le résultat de cette expérience se ressentira dans Battement de cœur et Premier Rendez-vous (1941), brillantes
tentatives de screwball comedy à la françaises.
Le scénario de Jean Villeme et Max Kolpé se nourrit d’un
contexte typiquement français, que ce soit dans l’actualité (la délinquance et
les maltraitances dans les maisons de correction font l’objet de plusieurs
faits divers de l’époque) ou un cadre social qui rejoint les préoccupations des
films du Réalisme Poétique d’alors (Le Quai des Brumes de Marcel Carné (1938) et Le Jour se lève de Marcel Carné (1939), La Bête humaine de Jean Renoir (1938) et les convictions de gauche
d’Henri Decoin. Le réalisateur tire pourtant progressivement ce cadre vers une
relecture iconoclaste de Cendrillon.
La veine sociale est d’ailleurs introduite avec humour lorsque nous découvrons
l’école de pickpocket dirigée par le truculent Aristide (Saturnin Fabre). On s’amuse
donc des leçons de ce drôle de professeur, mais aussi de ses méthodes pour
recruter de nouveaux élèves. S’il parvient en profitant du dénuement à
provoquer les bas-instinct d’Yves (Julien Carette) en laissant traîner un
billet de cinquante francs, c’est moins évident pour Arlette (Danielle
Darrieux) qui se contentera de chiper une pomme. Orpheline fuyant les mauvais
traitements d’une tante, la jeune fille a fini en maison de redressement qu’elle
a également fuit. La délinquance semble donc une fatalité pour ces mal nés
condamnés à être hors-la-loi pour subsister. Un cercle sans fin fige les
pauvres dans cet environnement misérable, mais également les nantis lorsque
Arlette n’entrevoit le clinquant d’un bal diplomatique que pour servir la
jalousie d’un ambassadeur femme (André Luguet) souhaitant démasquer sa grâce
aux « talents » d’Arlette.
Le lien entre l’égale duperie des bas-fonds et des hautes
sphères fonctionne grâce au personnage d’Arlette. Danielle Darrieux est capable
de déployer la gouaille et les attitudes d’une fille des rues (le sifflement, l’argot
balancé avec le plus grand naturel), d’imposer une présence comique par un
phrasé percutant et une gestuelle vive (sur le modèle de son idole Katharine
Hepburn) et dans le même temps d’incarner la candeur la plus tendre. La scène
où Aristide la montre en exemple aux élèves pour expliquer l’attitude à adopter
si l’on se fait prendre est presque une profession de foi pour Decoin qui lui
fait jouer par le mime toutes les expressions possibles en un temps records :
peur, surprise, colère…
Introduite dans la haute société par incident, c’est l’artifice
respectable et séduisant d’Arlette qui charme le diplomate Rougemont (Claude
Dauphin) et puis l’apparat de la classe sociale qui l’en détourne quand elle
sera démasquée. C’est donc le croisement de séduction faisant illusion chez les
nantis et le caractère frondeur hérité de sa basse extraction qui constituent
la nature profonde de notre Cendrillon. Elle n’attendra pas son prince charmant
mais ira le chercher en lui faisant ravaler ses préjugés.
Henri Decoin filme ainsi amoureusement Danielle Darrieux,
capturant à la fois sa présence lumineuse mis aussi son inlassable énergie. Le
regard se fait langoureux dans la merveilleuse séquence où Rougemont rentre
prématurément chez lui et trouve Arlette alanguie en maillot de bain, chantant
et exhibant ses jambes. Le sex-appeal de la pin-up, la grâce de la jeune fille
et l’élégance de la Dame (entretemps le personnage pique-assiette de Roland
(Jean Tissier) lui a donné des cours de distinction) s’illustrent alors dans un
moment magique. Danielle Darrieux qu’on associe trop facilement par raccourci
aux rôles de grandes bourgeoises est parfaite, et si elle excellera toujours
dans les emplois comiques enlevés (Occupe-toi d’Amélie (1949) de Claude Autant-Lara), la fougue juvénile déployée ici
marque une vraie différence avec la maîtrise à venir. Decoin se montre brillant
et à contre-courant, fort de ce voyage américain enrichissant. Les répliquent
fusent sans se complaire dans la recherche du bon mot typique du cinéma
français de l’époque, l’humour naît des idées formelles surprenantes et du
montage percutant. Le panoramique qui révèle la présence de l’ambassadeur à
côté d’Arlette dans la salle de cinéma est un effet cartoonesque digne de Preston
Sturges, le brio à saisir dans le mouvement le vol de la montre lors de la
scène de bal ne démériterait pas chez Howard Hawks.
Le film marque la fin d’une époque d’un point de vue
collectif en sortant durant la « Drôle de Guerre » » (et l’image
sociale caustique de la France sera reprochée en ces heures patriotiques) mais
également intime puisque ce sera le dernier film en couple de Danielle Darrieux
et Henri Decoin. Premier Rendez-Vous
à venir et doté des mêmes qualités sera mieux accueilli car venant désormais
divertir un peuple français traumatisé par l’Occupation. Ces deux films forment
le pendant lumineux de la filmographie de Decoin, beaucoup plus sombre
après-guerre - La Vérité sur Bébé Donge
(1952) en tête.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Gaumont