Pékin, 1900. La révolte des Boxers prend de l'ampleur et
les autorités chinoises sont divisées : le général Jung-Lu presse l'impératrice
Tzu-Hsi d'arrêter les fanatiques, tandis que le prince Tuan lui conseille de
les aider à chasser les étrangers. Face à la menace de conflit, les délégations
étrangères regroupées au sein du Quartier des légations, organisent leur
défense. Le major Matt Lewis arrive à Pékin à la tête d'un détachement chargé
de protéger l'ambassade américaine. Il y rencontre la baronne Natacha Ivanoff
et l'ambassadeur britannique, Sir Arthur Robertson. Le 20 juin, le siège du
quartier des ambassades commence. Il durera 55 jours…
Les 55 Jours de Pékin est une superbe fresque historique qui constituera le chant du cygne de Nicholas Ray au cinéma. Un adieu qui aurait d'ailleurs pu intervenir quelques années plus tôt tant tous les précédents films seront sources de conflit pour Ray (exclu du montage du Brigand bien-aimé (1957), viré avant la fin du tournage de La Forêt interdite (1958), interdit de tourner les séquences musicales de Traquenard (1958)) bientôt blacklisté à Hollywood. Exilé en Europe et envisageant de se reconvertir dans l'enseignement du cinéma, Ray trouvera le salut avec la rencontre du producteur Samuel Bronston qui se lance à l'époque dans une série de superproductions historiques (Le Cid (1961), La Chute de l'Empire Romain (1964)). Bronston se spécialise ainsi dans les tournages monumentaux délocalisé en Espagne où il se propose de sortir un film chaque été jusqu'à sa faillite et ultime production avec Le Plus Grand Cirque du monde (1964). La première de ses tentatives sera un échec avec John Paul Jones (1959) réalisé par John Farrow et la seconde Le Roi des Rois (1961), inégale évocation de la vie du Christ mais fantastique livre d'image signé Nicholas Ray.
Les 55 Jours de Pékin est une superbe fresque historique qui constituera le chant du cygne de Nicholas Ray au cinéma. Un adieu qui aurait d'ailleurs pu intervenir quelques années plus tôt tant tous les précédents films seront sources de conflit pour Ray (exclu du montage du Brigand bien-aimé (1957), viré avant la fin du tournage de La Forêt interdite (1958), interdit de tourner les séquences musicales de Traquenard (1958)) bientôt blacklisté à Hollywood. Exilé en Europe et envisageant de se reconvertir dans l'enseignement du cinéma, Ray trouvera le salut avec la rencontre du producteur Samuel Bronston qui se lance à l'époque dans une série de superproductions historiques (Le Cid (1961), La Chute de l'Empire Romain (1964)). Bronston se spécialise ainsi dans les tournages monumentaux délocalisé en Espagne où il se propose de sortir un film chaque été jusqu'à sa faillite et ultime production avec Le Plus Grand Cirque du monde (1964). La première de ses tentatives sera un échec avec John Paul Jones (1959) réalisé par John Farrow et la seconde Le Roi des Rois (1961), inégale évocation de la vie du Christ mais fantastique livre d'image signé Nicholas Ray.
Le
projet suivant est supposé être La Chute de l'Empire Romain à nouveau
confié à Nicholas Ray, des décors commencent même à être construit alors que le
sujet n'intéresse pas le réalisateur ni la star envisagée Charlton Heston ne
voulant plus entendre parler de péplum après le sommet de Ben-Hur
(1959). Ray en profitera pour lui soumettre le sujet des 55 Jours de Pékin
(initialement soumis par son scénariste Philip Yordan et son collaborateur
Bernard Gordon) et couper l'herbe sous le pied de son
producteur. Pour garder sa star Bronston se voit donc contraint de finalement
produire Les 55 Jours de Pékin, transformer les décors antiques déjà
construit de La Chute de l'Empire Romain (finalement tourné l'année
suivante par Anthony Mann) et avoir un scénario tenant la route bien qu'écrit
en catastrophe.
Le film dépeint l'une des crises majeures du début du XXe siècle
avec la révolte des Boxeurs qui vit la délégation internationale subir le siège
des révolutionnaires chinois ainsi que des troupes impériales. Le début du film
nous montre ainsi la mainmise des occidentaux sur les institutions chinoises
avec la caméra de Ray traversant Quartier des légations de Pékin où se crée une
cacophonie des hymnes nationaux des pays en place (Japon, France, Angleterre,
Russie, Allemagne et anticipant ironiquement la confusion qui conduira à la
Première Guerre Mondiale) tandis qu'une voix-off nous explique que treize des
principales provinces locales sont dirigées et exploitées par les étrangers.
Ray dépeint de manière limpide l'aspect de poudrière des lieux où le pouvoir
impérial faussement inféodé aux Occidentaux guette l'avancée des Boxeurs pour
reprendre le pouvoir grâce à eux. De l'autre côté les occidentaux sont divisés
entre répondre par une présence militaire accrue pour endiguer la menace ou
faire jouer la diplomatie pour ne pas s'attirer les foudres des locaux.
Chacun
de ces questionnements s'incarne à travers un des personnages principaux, la
diplomatie avec l'ambassadeur britannique Arthur Robertson (David Niven), la
force militaire pour le major Matt Lewis (Charlton Heston), l'ambiguïté du
pouvoir chinois avec L'impératrice douairière Tzu-Hsi (Flora Robson dont le
port et la prestance font oublier la curiosité d'avoir engagé une actrice
anglaise pour jouer une chinoise) et enfin l'individualiste baronne Nathalie
Ivanoff (Ava Gardner) voguant d'un camp à un autre au gré de ses passions et
intérêts. Chacun sera confrontés aux limites de sa posture initiale lorsque le
conflit se déclenchera.
Le plus intéressant sera avec David Niven captivant en
politicien à la vue plus lointaine justifiée mais confronté a dommages
collatéraux de ses choix y compris dans sa vie personnelle. Niven incarne à la
perfection ce flegme anglais rassurant et charismatique tout en amenant cette
humanité qui déleste de toute rigidité politique ce personnage passionnant.
Heston est très attachant également à travers ce personnage incapable de se
départir de son détachement et sa froideur militaire, autant dans son histoire
d'amour avec Ava Gardner que dans ses attitudes empruntées lorsqu'il devra
s'occuper de la fille métisse d'un camarade disparu.
Si l'histoire d'amour est
assez convenue, Ray dépeint avec subtilité ce rapport de filiation naissant, ne
forçant jamais le mélodrame (superbe scène tout en retenue où Heston annonce la
mort de son père à la fillette) et faisant de cette facette une sorte de fil
rouge tout au long du film où la silhouette ou le regard de la petite fille
apparaît comme pour implorer un amour qu'Heston n'est pas encore capable de
donner ou d'exprimer.
Ava Gardner incarne un personnage typique du cinéma de
Ray avec cette Baronne déchue et à l'attitude répréhensible en quête de rachat.
Cela se ressent malheureusement plus dans la prestation de l'actrice
(magnifique scène de mort si typique d'Ava Gardner avec cette réplique superbe
et sobre "Don't you want to live ?" à laquelle elle répond "I
lived" dans un dernier souffle) que dans l'écriture du personnage un peu
cliché dans sa rédemption pas assez fouillée.
Il faut dire qu'à l'époque
l'actrice complètement détachée du monde Hollywoodien n'acceptait plus les
rôles que pour les gros cachets et mena la vie dure à Nicholas Ray en arrivant
fin saoule sur le plateau qu'elle honorait au minimum de sa présence. La
disparition prématurée (et du coup l'écriture rudimentaire) de son personnage
résulte de cette attitude et aura des conséquences plus grave en entraînant
l'éviction de Nicholas Ray avant la fin du tournage complétée par la seconde
équipe (deux réalisateurs différents suivant malgré tout les indications de scènes mise en place par Ray) .
Visuellement le film est une splendeur reconstituant de manière impressionnante
ce Pékin du début du siècle, autant dans l'aspect contemplatif (le fameux
plan-séquence survolant les concessions étrangères) que dans les scènes de
batailles. C’est dans ces dernières que l'on relève quelques incohérences
sacrifiant au spectaculaire (la tour échappée d'un péplum et envoyant des
projectiles explosif) mais offrant leur lot de moments palpitants comme cette scène où Heston et ses hommes abrités derrière un charriot font reculer une horde
d'assaillants, la fuite des civils alors que le chaos se déchaîne et le danger
se rapproche dans la deuxième partie.
Le point de vue adopté est bien sûr
occidental, mais il n'est jamais manichéen (et loin des précédentes versions
caricaturales et racistes traitant des faits, du côté asiatique un des volets
de la saga Il était une fois en Chine aura ces évènement en arrière-plan
et Chang Cheh y aura consacré un film également) la folie guerrière chinoise
étant contrebalancée par les informations sur l'exploitation étrangère abusive.
Un vrai Fort Alamo asiatique qui culmine dans sa dernière partie où les
occidentaux démunis doivent faire appel à leur courage et ingéniosité en
infériorité numérique. Bien que changeant les noms pour plus de liberté
dramatique (le personnage d'Heston ayant été rapidement blessé et immobilisé ne
participa pas à la bataille jusqu'au bout) le film respecte bien le déroulement
des évènements (la fuite déguisée en fermière de l'impératrice) tout en les magnifiant par une approche romanesque passionnante.
Une belle réussite, la dernière de Ray qui subira un accueil critique tiède
mais un certain succès public, sans jamais être (injustement) placé parmi les
grands films du cinéaste.
Sorti en dvd zone 2 français et dans un magnifique bluray chez Filmedia