Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
A New York. Un auteur de romans policiers et sa femme enquêtent sur les agissements de leurs curieux voisins .....
A Night to remember
est une délicieuse comédie policière qui nous embarque dans un suspense
astucieux où la vraie tension s'équilibre idéalement aux éclats de
rire. Adapté du roman The Frightened Stiff
de Kelley Roos, le film voit les époux Nancy (Loretta Young) et Jeff
Troy (Brian Aherne) confronté à un mystère alors qu'il s'installe dans
leur nouvel appartement. Dès l'ouverture la légèreté et le babillement
du couple est un contrepoint à l'environnement oppressant. L'immeuble
inquiétant et les allures sinistres d'un voisinage digne de Rosemary's Baby
vient jeter un voile d'inquiétude sur nos joyeux époux.
La photo de
Joseph Walker jette tout en jeu d'ombres menaçants fait lorgner
l'ensemble vers l'épouvante, la vraie terreur ne s'installant pas
complètement car les amorce de séquences terrifiantes se voient
désamorcées par l'humour (l'apparition de la tortue) in extremis à
chaque fois. Néanmoins le scénario habile pose un intrigant mystère, que
ce soit par les réactions terrifiées des voisins dès qu'ils découvrent
l'appartement occupé par nos héros ou le noir secret qui semble les
forcer à cohabiter contre leur gré dans ce bâtiment depuis des années.
La
force du film est de ne jamais diluer ce suspense tout en y allant
franchement dans la grosse comédie loufoque. Le couple vedette y est
pour beaucoup avec une Loretta Young piquante et toujours prêt à
taquiner son époux, un Brian Aherne qui a plus expérimenté le crime dans
ses romans que dans la réalité. L'acteur est épatant pour délester son
personnage de toute virilité ou vertus héroïque. Les situations
l'émasculant sont multiples, de par sa propre couardise (ses
tergiversations à aller titiller un molosse dans un bar, ses airs
tremblants dès qu'il s'agit d'explorer les entrailles ténébreuses de
l'immeuble) ou par des situations tordantes comme le running gag de
cette porte qu'il est le seul à ne pas réussir à ouvrir ou sa fâcheuse
tendance à l'évanouissement (là aussi source d'un moment savoureux quand
il croira son épouse morte).
Ce mâle fragile et son épouse frêle ajoute
donc au suspense tant ils semblent peu armés face au danger mais le
scénario fait d'eux des fins limiers qui vont habilement remonter la
piste de l'énigme. Sans trop en dire, la suite prendra la forme d'un
haletant et imprévisible whodunit
conjuguant donc toujours cette drôlerie à une efficace trame policière.
Le film est tout de même parfois un peu trop bavard mais on prend un
tel plaisir en compagnie de ces personnages (en second rôle Sidney Toler
compose un inspecteur sarcastique du meilleur gout) que la pilule passe
aisément, d'autant que le final est assez virtuose. Sans l'intrusion de
l'humour, ce climax aurait pu être sacrément glaçant grâce à la mise en
scène inspirée de Richard Wallace. Cet équilibre ténu évite de faire
basculer le récit dans la parodie tout en le rendant constamment
palpitant. Une jolie réussite.
Sorti en dvd zone 1 chez Sony et doté de sous-titres anglais
Martin est venu à Caracas pour y vendre les légumes qu'il
cultive sur une île déserte où il s'est retiré en solitaire, préférant la vie
sauvage au stress urbain. Dans sa chambre d'hôtel, surgit en trombe Nelly qui
vient de rompre ses fiançailles avec Vittorio. Elle s'incruste au point que
Martin l'héberge sur son île contre son gré...
Troisième film de Jean-Paul Rappeneau, Le Sauvage constitue un vrai virage dans la carrière du
réalisateur. C’est en effet la première fois que Rappeneau développe une
intrigue dans un cadre contemporain, chose qui n’arrivera par la suite que dans
le mal-aimé mais excellent Tout feu tout flamme (1981). Cet environnement moderne change du coup la dynamique des films
précédents où le rythme échevelé typique du réalisateur se mettait
progressivement en place le temps de poser le contexte (l’Occupation dans La Vie de château (1966) et la France post-
révolutionnaire sur Les Mariés de l’An II
(1971)) et une élégante reconstitution. Les 40 premières minutes éreintantes du
Sauvage contredisent ces habitudes,
la vitesse et l’hystérie guidant la fuite en avant d’une Catherine Deneuve
échappée d’un mariage avec un italien trop possessif et qui pour se faire
dévaste tout sur son passage. Bagarre, poursuite et destruction massive seront
provoqués par ce séduisant agent du chaos partout avant de se voir sauver la
mise par Yves Montand.
Ce dernier après l’avoir secourue croit s'en être débarrassé
et va avoir l'immense surprise de la trouver qui l'attend sur l'île déserte où
il s'est retiré. Le meilleur du film arrive alors avec une Deneuve plus
enquiquineuse que jamais qui va encore provoquer moult disputes et catastrophes
avant que les deux personnages se rapproche progressivement. Le virage de
l'hystérie à une veine plus romantique est magnifiquement géré par Rappeneau (les
deux personnages couchent ensemble après que Montand ait lancé un ananas sur la
tête de Deneuve) avec un scénario qui réserve son lot de surprise notamment sur
le passé de Montand et les raisons de son exil.
Deneuve est définitivement la
plus belle incarnation de « l’emmerdeuse » chère à Rappeneau, campant
un personnage voisin de celui qu'elle jouait déjà dans La vie de Château. C’est une miss catastrophe insouciante qu'on a
envie d'embrasser et de gifler à la fois, exaspérante et totalement craquante
le réalisateur ayant su le mieux la rendre naturelle, hors du registre froid et
éthéré où on l’enferme injustement.
Montand en vieux bougon retiré de tout est très bon
également, faisant preuve d’un timing comique et arborant un superbe look de
baroudeur. Avec le rythme se ralentissant il orne son personnage d'un spleen
touchant sur la dernière partie plus mélancolique. La réalisation précise et
alerte de Rappeneau fait des miracles notamment au montage puisque l'île sur
laquelle se déroule l'histoire à en fait été tourné sur trois décors différents,
de la banlieue de Saint Cloud en passant par les Bahamas et les Antilles et
l'illusion est parfaite.
Le film
constitue encore aujourd’hui un modèle de comédie d’aventures (rappellons que
Rappeneau a coécrit L’Homme de Rio (1964)) pour lequel les américains ont longtemps
envisagèrent un temps un remake. Si ce dernier ne vit jamais le jour, le film
circula longtemps à Hollywood, rendant suspectes les similitudes avec des
productions ultérieures comme À la
poursuite du diamant vert (1984) de Robert Zemeckis ou 6 Jours 7 Nuits (1998) d’Ivan Reitman.
La chanteuse Ellen Aim
(Diane Lane) est enlevée par un gang de motards, les Bombers, mené par
l'impitoyable Raven Shaddocks (Willem Dafoe). Le sort d'Ellen repose alors sur
des héros improbables : un soldat de fortune Tom Cody (Michael Paré) et son
acolyte, la bagarreuse McCoy (Amy Madigan). Ils sont rejoints par Billy Fish
(Rick Moranis), le manager d'Ellen, et le trio ainsi formé s'engouffre dans un
univers de courses poursuites et de tueurs sans merci.
De l’inaugural Le
Bagarreur (1973) à un Extrême
Préjudice (1987) sous haute influence Peckinpah, la carrière de Walter Hill - qui ne sera par la suite qu’un solide faiseur hollywoodien - constitue un
ensemble captivant. Le réalisateur se pose en digne héritier des réalisateurs
américain « dur à cuire » à la Don Siegel ou Sam Peckinpah justement
et en reprendra le flambeau dans une approche singulière. Durant ces premières
années, Le Gang des frères James
(1980) - et plus tard Geronimo (1993)
et Wild Bill (1995) - sera un des rares
films où Walter Hill s’attaquera ouvertement à un mythe/genre typiquement
américain avec le western. Toutes les autres œuvres de Hill s’essaieront au
genre dans une logique post-moderne, à des degrés plus ou moins prononcés.
Cette approche jouera, selon les films sur un principe d’épure ou de surenchère. Pour l’épure, Le Bagarreur pousse dans ses derniers retranchements la figure du héros taciturne avec un
Charles Bronson plus minéral que jamais, laissant ses poings s’exprimer pour
lui. Driver (1978) en reste au
squelette de polar melvillien façon Le Samouraï (1967 et déjà sacrément minimaliste) où les personnages ne sont
même plus nommés et réduit à leur fonction (le flic, la fille et le pilote).
Cette
retenue est contrebalancée par des œuvres à l’inverse plus outrancières comme 48 heures (1982) où les curseurs de l’humour,
l’action et la violence sont exacerbés pour façonner le sous-genre du polar qu’est
le buddy movie. Ce gout pour la surenchère
explosera dans les velléités pop de Walter Hill qui s’exprimeront pour la
première fois dans Les Guerriers de la
nuit (1979) qui transpose un postulat classique de western dans un
environnement contemporain pourtant dénué de tout réalisme de par l’allure
folklorique de ses protagonistes, des gangs multiethniques caractérisés par leurs costumes. Hill n’aura cependant pas pu pousser l’expérimentation aussi
loin qu’il le souhaitait dans son esthétique comics – ce qu’il fera dans un
remontage dvd récent et assez raté – et ressortira frustré de l’expérience en dépit
de l’aura culte du film. L’immense succès de 48 heures va pourtant lui donner l’opportunité de renouer avec
cette veine too much et de creuser avec plus de folie ce sillon.
Streets of Fire
possède une trame qui une nouvelle fois reprend un argument de westerndans un cadre urbain, tout en y conjuguant d’autres
influences comme L’Iliade (l’enlèvement
d’une jeune femme provoquant une opposition entre deux factions) et L’Odyssée (Ulysse/Tom Cody de retour de
guerre découvrant son aimée au prise avec d’autres prétendant). Contrairement
aux Guerriers de la nuit dont les
aventures et protagonistes extraordinaires évoluaient dans un environnement
réaliste, Streets of Fire façonne un
pur univers de cinéma. Le croisement entre le film d’action et la comédie
musicale aura déterminé cette approche, Hill étant admiratif de l’univers
alternatif façonné par Jacques Demy dans Les
Parapluies de Cherbourg (1964). Le scénario qu’il coécrit avec Larry Gross,
fort de cette approche de fable romantique amené par la comédie musicale se
délestera d’ailleurs grandement de sa violence initiale. L’esthétique du film
est typique de son époque et s’inscrit dans un tourbillon d’influence aisément
identifiable. Le visuel tout en néons bariolés conçu par John Vallone reprend
grandement les idées du Coup de Cœur (1982)
de Coppola, tout posant baignant l’ensemble dans un espace urbain industriel et
dévasté qui lorgne sur le New York 1997
(1981) de John Carpenter.
Le rétro côtoie le moderne également dans les tenues
vestimentaires et la bande son du film. Grease
(1978) et la série Happy Days auront
remis les années 50 au gout du jour, ce que l’on retrouve ici avec ces méchants
blousons noirs à moto façon L'Équipée
sauvage (1953) et les meilleures passages musicaux tel que le rock’n’roll
enfiévré des Blasters le temps d’un One
Bad Stud dans la taverne mal famée Torchie's. Walter Hill pensait au départ
utiliser des standards des 50’s mais Universal lui imposera d’intégrer des
compositions originales et plus orientées FM, Flashdance (1983) et sa lucrative bande-originale étant encore dans
tous les esprits. Ce compromis transformera encore grandement le film,
accentuant les expérimentations clippesques de Walter Hill et l’imagerie 80’s en
dépit de la volonté de rendre l’ensemble intemporel.
Diane Lane arbore ainsi un
look au croisement de Joan Jett et Pat Benatar, la grandiloquence FM de ses
séquences musicales (toutes doublées) évoquant plutôt la seconde. Ry Cooder
(déjà partenaire de Hill sur le formidable score de Sans Retour) signe une bande son immersive entre sonorités
traditionnelles et synthétiques, le producteur Jimmy Iovine chapeautant les
chansons. Si tout cela est affaire de goût (les allergiques à la musique des
années 80 en saigneront des oreilles quoi qu’il advienne), les compositions
sont redoutablement efficace - Iovine ayant fait jouer son carnet d’adresse
avec Tom Petty and The Heartbreakers ou Stevie Nicks à l’écriture - et s'intégre
bien à l’ensemble. On regrettera néanmoins que Bruce Springsteen faute de temps
n’ai pu participer alors que le titre du film vient d’un des morceaux phares de
son album Darkness of the edge of town.
L’aspect plastique du film parvient à lui forger une réelle
identité, que l’on y adhère ou pas et c’est plutôt au niveau du script que le
bât blesse. Walter Hill en misant tout sur la facette sensorielle en a oublié de
caractériser sérieusement ses personnages qui ne dépassent pas le stade d’archétype
malgré la beauté et le charisme de ses interprètes. Le couple Tom/Ellen a trop
peu d’interaction pour que leur antagonisme puis leur réconciliation émeuve car
tout à sa vitesse, le film ne laisse jamais les moments introspectifs s’installer.
Willem Dafoe retrouve la présence SM androgyne de The Loveless (1982) de Kathryn Bigelow (et reprise en partie dans Police Fédérale Los Angeles (1985) mais
de même est finalement trop peu présent pour exister au-delà de la caricature
de méchant de bd.
La prestation de baroudeur désinvolte de Michael Paré fut
décriée mais c’est finalement lui qui s’en sort le mieux, taiseux et
charismatique tout en dégageant une certaine mélancolie. Les rares moments
romantiques réussis sont ceux où Hill joue habilement de la photogénie de son
couple, l’imagerie réussissant à véhiculer l’émotion que les acteurs n’ont pas
eu l’espace d’exprimer. Le récit se trouve malheureusement sans liant
consistant, réduisant Streets of Fire
à un bel objet pop, ce qui aura néanmoins suffit à en faire un film culte avec
le temps.
Achille, employé, très
polyvalent, au siège d'un grand journal, rêve de devenir journaliste à part
entière. Un matin, parce qu'il a raté son tramway, il fait une rencontre
fortuite et écrit un article bidon sur un « boxeur au cœur tendre ». Il aspire
parallèlement à séduire Elena, une très jolie gymnaste. Afin d'atteindre
définitivement son Graal, il monte une « grande arnaque » millimétrée, avec
l'aide d'un ami affairiste, Gigi, pour avoir l'absolue exclusivité d'un scoop :
kidnapper des chiens de concours et les remplacer par des bâtards. L'affaire
prend vite une tournure loufoque, à l'image de son protagoniste...
Le Dingo est une œuvre
singulière du cinéma italien des années 50. La sinistrose du néoréalisme a à ce
moment cédée au « néoréalisme rose » où l’on retrouve des thèmes
sociaux et environnements réalistes dans une veine plus légère et amusée dans
des classiques comme Pain, amour et fantaisie (1953) de Luigi Comencini. Ce
mouvement précède quant à lui la « comédia all’italiana », versant
moderne et féroce initié avec Le Pigeon
(1958) qui lancera l’âge d’or de la comédie italienne. Le Dingo se situe totalement à contre-courant de ces deux
tendances, exploitant une veine burlesque rarement vue dans la comédie
italienne.
On doit cette singularité aux initiateurs atypiques du
projet. Carlo Lizzani est plutôt associé à un cinéma sérieux et engagé, ayant
été notamment co-scénariste de Riz Amer
(1949), et avoir été l'assistant de Roberto Rossellini sur le tournage de Allemagne année zéro (1948). Ses
premières réalisations s’inscrivent dans cette veine politique, notamment La Chronique des pauvres amants (1954),
chronique sur la montée du fascisme du point de vue d’une petite rue de
Florence. Le film obtient le Grand Prix du Jury à Cannes, la Palme d’or lui
étant promise s’échappant à cause des pressions du gouvernement italien. Un peu
à la manière de Vittorio De Sica (qui connaîtra la même déconvenue cannoise avec
son Umberto D (1952)), Lizzani doit
donc se réinventer par la comédie, le gouvernement italien se crispant face à l’imagerie
misérabiliste donnée du pays dans les œuvres néoréalistes.
On propose donc à
Lizzani de travailler avec des comiques montants dont Dario Fo, vedette du cabaret
italien dont les sketches se caractérisent par le sens de l’absurde. On
retrouve donc cela dans Le Dingo où
Dario Fo façonne un personnage comique loufoque à la Charlot/ Monsieur Hulot,
lunaire et physiquement immédiatement identifiable. Le film amuse le temps d’épisodes
isolés mettant en valeur le côté gaffeur de son héros apprenti journaliste sportif
allant couvrir une course d’athlétisme en s’incrustant dans la course.
La trame est par contre terriblement laborieuse avec une
pseudo critique du journalisme où Dario Fo monte une combine autour d’un
concours de chien qu’il va parasiter pour un de ses articles. Le côté social
cher au réalisateur fonctionne relativement à travers les deux personnages
féminins qui contredisent astucieusement les attentes, la blonde glamour
pimpante et superficielle (Franca Rame) dissimulant une figure plus chaleureuse
qu’il n’y parait tandis que la brune modeste et introvertie (Giorgia Moll) cèdera
à l’attrait matériel.
L’intérêt se noie malheureusement dans une construction
trop décousue, la vraie personnalité comique qu’incarne Dario Fo ne parvenant
pas à s’épanouir et à vraiment provoquer le rire malgré les bonnes intentions
et l’approche réellement originale. L’échec du film signera d’ailleurs le glas
de sa carrière au cinéma (même s’il aura quelques rôles épars par la suite), le
voyant privilégier les planches et même l’écriture puisqu’il sera récompensé du
Prix Nobel de la littérature en 1997.
Miss Dove est une institutrice sévère
et respectée qui a su inspirer ses élèves. Un jour, durant ses cours,
elle ressent une vive douleur dans le dos. Thomas, un de ses anciens
élèves aujourd'hui médecin la fait admettre à l'hôpital. Les visites
ininterrompues de ses anciens étudiants la forcent à se replonger dans
son passé...
Good Morning, Miss Dove
témoigne du virage de la carrière de Jennifer Jones au milieu des
années 50 qui bascule progressivement des rôles fiévreux/excentriques
qui ont fait sa gloire (Duel au soleil, La Renarde, Ruby Gentry...) pour un registre plus sobre et tout aussi brillant initié à travers des réussites comme Un amour désespéré (1952), Station Terminus (1953) ou La Colline de l'adieu (1955). Cela restait néanmoins des rôles de jeunes premières romantique quand Good Morning, Miss Dove
la voit incarner une plus mûre et bienveillante institutrice
provinciale. Le film adapte le roman éponyme de Frances Gray Patton,
initialement paru sous forme de trois nouvelles (The Terrible Miss Dove, Miss Dove and Judgment Day et Miss Dove and the Maternal Instinct) dans The Ladies Home Journal.
Ces origines se devinent dans la construction en épisodes du film où la
vieille et emblématique institutrice de la petite ville de Liberty Hill
tombée malade voit ressurgir le souvenir de ses différentes expériences
passées avec ses élèves.
La scène d'ouverture dessine la
véritable figure qu'est Miss Dove au sein de cette communauté lors de
son trajet matinal vers l'école et où les environnements traversés, les
personnalités rencontrées, se plient à l'autorité que symbolise sa seule
présence. Les policiers immobilisent les rues, les parents pressent
leurs enfants en apercevant sa frêle et stricte silhouette passer devant
leur maison. En montrant une Miss Dove rendu vulnérable par la maladie,
le récit fait passer ce respect mêlé de crainte à une vraie affection
de la population pour elle. La scène où portée elle est conduite à
l'hôpital reprend le procédé de l'ouverture mais en y exprimant cette
fois une forme d'angoisse collective liée au sort de Miss Dove et on
devinera que le moindre figurant ou personnage secondaire croisé a
forcément été l'un de ses anciens élèves.
Les souvenirs affluent donc
pour notre héroïne sur sa longue carrière et dépeignent par le prisme de
ses élèves un panorama historique et social de l'Amérique : le
melting-pot avec cet élève étranger qu'elle aide à s'intégrer, la Grande
Dépression, la Seconde Guerre Mondiale, les filles-mères. A l'image de
son personnage principal, tous ces épisodes sont abordés avec sobriété
et bienveillance, loin du côté mélodramatique appuyé que l'on pourrait
trouver dans les grands mélos des 50's.
Jennifer Jones est excellente,
faussement rigide et toujours attentive, menant un véritable sacerdoce
auquel elle a sacrifié sa vie intime. Le maquillage la vieillissant
n'est pas trop grossier et on retrouve la détermination qui caractérise
ses interprétation dans un registre tout en sobriété. Les seconds rôles
sont à l'avenant notamment un très bon Robert Stack en ex élève devenue
médecin.
Un gros problème néanmoins, la grande platitude de la
mise en scène d'Henry Koster qui ne dépasse jamais le stade de
l'illustration mollassonne notamment la manière basique au possible
d'introduire les flashbacks. La dernière partie perd même quasiment tout
intérêt par son débordement de bons sentiments, surlignant à gros trait
ce que la narration avait sur amener subtilement : l'affection de la
ville pour Miss Dove. Sympathique mais un peu trop suranné donc.
Jalouse de l'amour
qu'Henri porte à Julie, Dominique se venge en la frappant avant de se jeter
d'une falaise. Julie devient alors la suspecte principale. Pour la faire sortir
de prison, Henri commence alors à semer de fausses preuves pour pousser la police
à le suspecter.
La Menace est le
deuxième film de la grande série de polar qui marqua le début de carrière d’Alain
Corneau, venant après l’inaugural et salué Police
Python 357 (1976) et avant Série
Noire (1979) et Le Choix des armes
(1981). Corneau dans chacune e ses œuvres redéfinissait avec déférence mais de
manière personnelle la dimension de fatalité du polar, la tirant vers le piège
implacable dans Police Python 357, la
tragédie pourLe Choix des armes ou
le pur sordide dans Série Noire. La Menace prolonge donc une première
fois le sillon de Police Python 357
tout en s’en démarquant.
Le poids d’un destin s’avère à la fois concret et flottant à
travers la mise en scène de Corneau filmant le couple Yves Montand/Carole Laure
en amorce, sous un regard extérieur, qu’il soit celui haineux de l’amante
rejetée Dominique (Marie Dubois) où celui plus indistinct de la fatalité qui
pèse sur eux. Ces deux regards peuvent être clairement identifiables ou
incertains, Corneau jouant tour à tour sur le thriller le plus concret et une
dimension plus métaphysique avec des mouvements de caméras circulaires qui
emprisonnent les personnages dans d’impressionnants décors naturels. Le
scénario piège nos héros dans une suite de hasards improbables jouant une sorte
d’effet miroir déformant avec Police
Python 357.
Le Yves Montand réellement coupable dans le film précédent
adopte ainsi une attitude de de secret et dissimulation identique dans La Menace où il est innocent mais où
tous les éléments se liguent contre lui. Son attitude sera un défi au destin
avec un stratagème alambiqué dont le côté réfléchi rend le personnage plus
froid et moins romanesque que dans Police
Python. L’émotion fonctionne donc par l’alchimie entre Montand et Carole
Laure, sobre et passionnée dans les premiers instants du film puis
douloureusement contenue lorsqu’ils mystifieront leurs accusateurs. La première
partie pose ainsi la situation (formidable Marie Dubois en amante rejetée et désespérée)
et le piège dans une veine sobre, glaciale et étouffante.
La seconde partie prolonge la tragédie en marche mais cette
fois la laisse exploser par la seule image, dans les grands espaces canadiens
et par l’adrénaline d’une scène d’action impressionnante. Corneau fait ainsi
cohabiter un imaginaire policier français blafard et intimiste avant de laisser
exploser une inspiration américaine fonctionnant par ces grands espaces
convoquant le western et le road movie. Les cascades de Remy Julienne sont
époustouflantes (Montand se rappelant au bon souvenir du Salaire de la peur en donnant de sa personne au volant de son
semi-remorque), les morceaux de bravoure ne constituant pas un simple aparté
spectaculaire mais un vrai prolongement du drame par sa conclusion tragique. Le
final noir et mélancolique dresse donc une concrétisation du polar selon Alain
Corneau, à la fois dans la tradition et un vrai renouveau qui allait s’exprimer
pleinement avec le classique Série Noire.
Fabrizio, digne
représentant de la haute bourgeoisie de Parme, vient de rompre avec Clelia.
Influencé par l’un de ses amis, l’instituteur Cesare, il se laisse tenter par
les idées marxistes. Agostino, un jeune homme qui s’est enfui de chez ses
parents, recherche l’amitié de Fabrizio. Mais ce dernier ne peut l’héberger,
car sa tante, Gina, vient lui rendre visite. Créature névrosée entourée
d’amants, Gina parvient à le séduire...
Second film de Bernardo Bertolucci après l’inaugural La commare secca (1962), Prima della rivoluzione est pourtant
souvent considéré comme sa vraie première œuvre car réellement imprégnée de ses
thèmes personnels. En ce début des années 60, Bernardo Bertolucci comme nombre
de jeunes gens d’alors est imprégné d’une conscience politique forte se
manifestant par son appartenance au Parti Communiste. Les clivages d’alors n’appellent
pas à la demi-mesure et provoquent forcément des tiraillements chez certains
militants moins « légitime » par leurs origines. Bertolucci, fils du
poète Attilio Bertolucci, est ainsi issu de la bourgeoisie intellectuelle
italienne et en dépit de ses convictions sincères semble se trouver en porte à
faux face au rigorisme du Parti. Il exprimera donc ses doutes et son rapport
complexe au communisme dans le très autobiographique Prima della rivoluzione, œuvre à la fois romanesque et
intellectuelle librement inspirée de La
Chartreuse de Parme de Stendhal.
Fabrizio (Francesco Barilli) est un jeune de la haute
bourgeoisie de Parme et qui semble se rebeller contre cet héritage par une
adhérence exaltée au marxisme. Dès les premiers instants, le fond et la forme
adopté par Bertolucci semble pourtant interroger cet engagement ne fonctionnant
que par le discours. Il pilonne ainsi de slogans stérile le jeune fugueur
Agostino (Allen Midgette) plutôt que de réellement l’aider matériellement et
causant ainsi sa perte. La voix-off maniérée et les attitudes outrées de
Fabrizio dans la scène d’ouverture témoignent ainsi de son penchant à l’introspection
jamais très loin du narcissisme comme il se séparera de sa fiancée Clelia (Cristina
Pariset). Sa seule vraie transgression ne sera donc pas politique mais morale
lorsqu’il entamera une liaison scandaleuse avec sa tante Gina (Adriana Asti) en visite – les futures thématiques
incestueuses de La Luna (1979) s’amorçant
ici.
Le film est d’une dualité constante, voulue mais parfois aussi
maladroitement involontaire, entre dimension charnelle et intellectuelle.
Lorsque ce parti pris est réussi, le frisson du romantisme flamboyant et des
scènes charnelles audacieuses fonctionne pleinement. La mise en scène de
Bertolucci épouse l’abandon au sens de ses personnages avec brio tout en la
ramenant vite à travers le regard de Fabrizio à une facette « réfléchie »
(Fabrizio observant Gina se rhabiller après l’amour). La sophistication
visuelle amènera toujours une certaine distance témoignant de cette
superficialité de Fabrizio dont les penchants narcissiques se complètent
parfaitement au caractère torturé de Gina pour constituer un vrai couple
autodestructeur. Même dans les moments les plus charmants (Gina séduisant
Fabrizio en portant de multiples paires de lunettes, les retrouvailles sur la
grande place sur fond de variété italienne), ce sentiment subsiste et ne semble
faire de la romance qu’une expérience, un rite de passage.
Dans Le Conformiste
(1970), le héros adhérait au fascisme pour se fondre dans le moule et fuir un
traumatisme initial. Fabrizio cherche lui à se démarquer par ses thèses
marxistes son engagement repose tout autant sur un édifice fragile. Pire, sa
jeunesse ne nourrit même pas cette vocation politique d’une vraie expérience
personnelle et notre héros se contente ainsi de débiter les grandes citations,
mais sans l’assurance de son mentor Cesare (Morando Morandini). Le propos est
donc passionnant mais Bertolucci se perd par moment, l’esthétique alternant
entre somptueux (la photo magnifique d’Aldo Scavarda notamment lors de la
séquence en campagne à l’imagerie impressionniste) et un côté chichiteux qui
amène finalement par l’image ce même côté réfléchi et superficiel reproché au
personnage principal.
La forte influence de la Nouvelle Vague (et plus
précisément À bout de souffle auquel
on pense souvent) et les dialogues lourdement référencés reprenant certains
débats issus des pages des Cahiers du Cinéma démarquaient certes le film de la
production italienne d’alors mais témoigne ainsi d’un certain manque de
personnalité. Bertolucci avoue d’ailleurs dans l’entretien issus du livret du
dvd cherchait à affirmer à quel point il se sentait plus un cinéaste français
qu’italien à l’époque. La réflexion prime donc peu à peu sur le romanesque en
dépit de la prestation magnifique d’Adriana Asti, provoquant un certain ennui
dans la seconde partie quand la première tenait d’un équilibre idéal. L’émotion
du pourtant terrible renoncement final n’est ainsi pas totalement satisfaisante
car diluée par les effets trop appuyé du réalisateur. En dépit de ses
maladresses, un essai passionnant qui saura parler à la jeunesse française de
Mai 68 se reconnaissant dans les déchirements de Fabrizio.
La première douloureuse expérience
amoureuse d'une jeune fille qui jette son dévolu sur un écrivain
quadragénaire et marie. Sortant d'une école tenue par des religieuses,
Kate vit à Dublin avec une amie, et devient la maitresse d’Eugène
Gaillard. Mais celui-ci se lasse de Kate qui n'est pour lui qu'une
gamine...
Le mouvement du Free Cinema ne s'intéressa pas qu'aux états d'âmes des "angry Young men" mais aussi à l'émancipation des jeunes filles avec ce beau Girl with green eyes. Le film est l'adaptation du roman The Lonely Girl
de Edna O'Brien (qui en signe également le scénario), deuxième volet de
sa trilogie consacrée aux Filles de la campagne. Edna O'Brien
bousculait les mœurs archaïques de la société irlandaise avec cette
série d'ouvrage qui dépeignait l'émancipation de Baba et Kate, deux
jeunes filles quittant leur campagne irlandaise pour vivre s'installer à
Dublin. La modernité du sujet et la liberté de ton des romans
provoquèrent un scandale en Irlande notamment par les descriptions sans
fard des aventures sexuelles de ses héroïnes. Le film de Desmond Davis
est produit deux ans après la parution du roman sous le patronage d'un
des maître du Free Cinema, Tony Richardson (Un goût de miel (1961) et La Solitude du coureur de fond (1962) sur lesquels Desmond Davis fut directeur photo).
Kate
(Rita Tushingham) et Baba (Lynn Redgrave) sont donc deux jeunes filles
ayant à la fois échappé à une existence austère de la vie rurale
irlandaise mais aussi de leur éducation en couvent pour venir
s'installer à Londres. La délurée Baba suit une formation de dactylo
tandis que la plus rêveuse Kate travaille dans une épicerie, le tout au
rythme des bals populaire et des sorties insouciantes avec des jeunes
hommes tout aussi insouciant. Tout bascule pour Kate avec la rencontre
d’Eugene Gaillard (Peter Finch), un homme plus âgé et fascinant qui
réveille tous les fantasmes romanesques de la jeune fille. Edna O'Brien
qui s'éveilla au monde extérieur par la lecture et se rebella contre ses
parents s'identifie donc clairement à Kate, notamment par la
description de son attrait pour la lecture puisque l'on voit le
personnage lire Tendre est la nuit
de F. Scott Fitzgerald et citer James Joyce.
Après une première
rencontre en campagne, c'est d'ailleurs en recroisant Eugene dans une
librairie qu'elle tombera définitivement sous le charme et le poursuivra
de ses assiduités. La fougue et l'innocence de Kate vont pourtant se
confronter au caractère taciturne d’Eugene, sous le charme mais après un
divorce ne préférant pas s'impliquer dans une romance. Leur
apprivoisement mutuel offre certains des plus beaux moments du film,
Desmond Davis multipliant les belles idées formelles comme l'invitation
écrite de Kate s'incrustant à l'image, le montage faisant rebondir la
continuité d'un dialogue d'un lieu à l'autre (effet typique du cinéma
moderniste des 60's) ou cette magnifique entrevue au crépuscule face à
la mer. Les hésitations de Kate avant sa "première fois" offre de jolis
moments aussi, l'expérience ironique et bienveillante de Eugene se
complétant à merveille de la maladresse juvénile de Kate.
Le plus
grand obstacle à cette romance sera pourtant les entraves de cette
société irlandaise où Edna O'Brien renvoie dos à dos les milieux
populaires comme nantis. Pour les premiers, la médisance causera les
premiers troubles à travers les regards inquisiteurs (une lettre anonyme
dénonçant la liaison scandaleuse) et une brutalité archaïque pouvant se
réveiller à tout moment, le père de Kate venant avec virulence arracher
sa fille à la dépravation de la ville. Kate se confrontera ensuite au
snobisme ordinaire et au dédain des amis bourgeois d'Eugene, sa jeunesse
et son manque de conversation la renvoyant avec un naturel cruel aux
tâches subalternes lors d'une scène anodine.
Tout cela avait été
subtilement amorcé en amont tut au long du récit, la fougue de Kate
ayant été progressivement éteinte par Eugene plus mentor paternaliste
que complice voyant en elle une amante soumise. Kate devra donc
apprendre à faire son chemin seule, s'aguerrir par le savoir et
l'expérience, par un ailleurs symbolisé par le départ final à Londres
lieu de tous les possibles à l'aube du Swinging London. Une belle
réussite qui en appellera une plus grande encore deux ans plus tard lors
de la seconde collaboration entre Desmond Davis et Edna O'Brien (cette
fois sur un scénario original) avec le magnifique I was happy here (1966). Desmond Davis réunira par ailleurs de nouveau le duo Lynn Redgrave/ Rita Tushingham dans Smashing Time (1967) pure comédie pop 60's.
Sorti en dvd zone 1 chez MGM et doté de sus-titres français