Fabrizio, digne
représentant de la haute bourgeoisie de Parme, vient de rompre avec Clelia.
Influencé par l’un de ses amis, l’instituteur Cesare, il se laisse tenter par
les idées marxistes. Agostino, un jeune homme qui s’est enfui de chez ses
parents, recherche l’amitié de Fabrizio. Mais ce dernier ne peut l’héberger,
car sa tante, Gina, vient lui rendre visite. Créature névrosée entourée
d’amants, Gina parvient à le séduire...
Second film de Bernardo Bertolucci après l’inaugural La commare secca (1962), Prima della rivoluzione est pourtant
souvent considéré comme sa vraie première œuvre car réellement imprégnée de ses
thèmes personnels. En ce début des années 60, Bernardo Bertolucci comme nombre
de jeunes gens d’alors est imprégné d’une conscience politique forte se
manifestant par son appartenance au Parti Communiste. Les clivages d’alors n’appellent
pas à la demi-mesure et provoquent forcément des tiraillements chez certains
militants moins « légitime » par leurs origines. Bertolucci, fils du
poète Attilio Bertolucci, est ainsi issu de la bourgeoisie intellectuelle
italienne et en dépit de ses convictions sincères semble se trouver en porte à
faux face au rigorisme du Parti. Il exprimera donc ses doutes et son rapport
complexe au communisme dans le très autobiographique Prima della rivoluzione, œuvre à la fois romanesque et
intellectuelle librement inspirée de La
Chartreuse de Parme de Stendhal.
Fabrizio (Francesco Barilli) est un jeune de la haute
bourgeoisie de Parme et qui semble se rebeller contre cet héritage par une
adhérence exaltée au marxisme. Dès les premiers instants, le fond et la forme
adopté par Bertolucci semble pourtant interroger cet engagement ne fonctionnant
que par le discours. Il pilonne ainsi de slogans stérile le jeune fugueur
Agostino (Allen Midgette) plutôt que de réellement l’aider matériellement et
causant ainsi sa perte. La voix-off maniérée et les attitudes outrées de
Fabrizio dans la scène d’ouverture témoignent ainsi de son penchant à l’introspection
jamais très loin du narcissisme comme il se séparera de sa fiancée Clelia (Cristina
Pariset). Sa seule vraie transgression ne sera donc pas politique mais morale
lorsqu’il entamera une liaison scandaleuse avec sa tante Gina (Adriana Asti) en visite – les futures thématiques
incestueuses de La Luna (1979) s’amorçant
ici.
Le film est d’une dualité constante, voulue mais parfois aussi
maladroitement involontaire, entre dimension charnelle et intellectuelle.
Lorsque ce parti pris est réussi, le frisson du romantisme flamboyant et des
scènes charnelles audacieuses fonctionne pleinement. La mise en scène de
Bertolucci épouse l’abandon au sens de ses personnages avec brio tout en la
ramenant vite à travers le regard de Fabrizio à une facette « réfléchie »
(Fabrizio observant Gina se rhabiller après l’amour). La sophistication
visuelle amènera toujours une certaine distance témoignant de cette
superficialité de Fabrizio dont les penchants narcissiques se complètent
parfaitement au caractère torturé de Gina pour constituer un vrai couple
autodestructeur. Même dans les moments les plus charmants (Gina séduisant
Fabrizio en portant de multiples paires de lunettes, les retrouvailles sur la
grande place sur fond de variété italienne), ce sentiment subsiste et ne semble
faire de la romance qu’une expérience, un rite de passage.
Dans Le Conformiste
(1970), le héros adhérait au fascisme pour se fondre dans le moule et fuir un
traumatisme initial. Fabrizio cherche lui à se démarquer par ses thèses
marxistes son engagement repose tout autant sur un édifice fragile. Pire, sa
jeunesse ne nourrit même pas cette vocation politique d’une vraie expérience
personnelle et notre héros se contente ainsi de débiter les grandes citations,
mais sans l’assurance de son mentor Cesare (Morando Morandini). Le propos est
donc passionnant mais Bertolucci se perd par moment, l’esthétique alternant
entre somptueux (la photo magnifique d’Aldo Scavarda notamment lors de la
séquence en campagne à l’imagerie impressionniste) et un côté chichiteux qui
amène finalement par l’image ce même côté réfléchi et superficiel reproché au
personnage principal.
La forte influence de la Nouvelle Vague (et plus
précisément À bout de souffle auquel
on pense souvent) et les dialogues lourdement référencés reprenant certains
débats issus des pages des Cahiers du Cinéma démarquaient certes le film de la
production italienne d’alors mais témoigne ainsi d’un certain manque de
personnalité. Bertolucci avoue d’ailleurs dans l’entretien issus du livret du
dvd cherchait à affirmer à quel point il se sentait plus un cinéaste français
qu’italien à l’époque. La réflexion prime donc peu à peu sur le romanesque en
dépit de la prestation magnifique d’Adriana Asti, provoquant un certain ennui
dans la seconde partie quand la première tenait d’un équilibre idéal. L’émotion
du pourtant terrible renoncement final n’est ainsi pas totalement satisfaisante
car diluée par les effets trop appuyé du réalisateur. En dépit de ses
maladresses, un essai passionnant qui saura parler à la jeunesse française de
Mai 68 se reconnaissant dans les déchirements de Fabrizio.
Sort en dvd zone 2 français chez Tamasa
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