Deux mineurs de fond, Pitt Markham et Cash Evans, rencontrent lors d'un match de boxe Josie, dite Pola, une ancienne fille de mineur. Markham tombe sous son charme et rêve d'un avenir ambitieux pour leur couple. Les deux hommes montent leur propre compagnie minière... mais avec la fortune, viendront les conflits.
La Fièvre de l’or noir est le troisième film et dernier voyant Marlène Dietrich et John Wayne partager l’affiche (leur couple de cinéma ayant été constitué avec La Maison des sept péchés (1940)) et le second à reformer le triangle amoureux Marlène Dietrich/Randolph Scott/John Wayne après Les Ecumeurs (1942). Ces films participent à la relecture de la persona filmique de Marlène Dietrich devenant progressivement une authentique héroïne américaine. Les sept films de sa collaboration avec Josef Von Sternberg (L'Ange bleu (1930), Cœurs brûlés (1930), Agent X27 (1931) Shanghai Express (1932), L'Impératrice rouge (1934), La Femme et le Pantin (1935)) ainsi que ses premiers rôles hollywoodiens (Le Cantique des cantiques de Rouben Mamoulian (1933), Le Jardin d’Allah de Richard Boleslawski (1936)) avaient souvent associés l’actrice à une sorte de figure mystérieuse, excentrique et apatride dont l’absence de racines participaient au drame intime et sentimental de ces œuvres. Ayant un rapport amour/haine avec son Allemagne natale après la montée du nazisme, Marlène Dietrich renforce le lien à sa terre d’accueil en prenant la nationalité américaine en 1939. Ses rôles à l’écran et son attitude à la ville vont s’en trouver progressivement transformés. L’entrée en guerre des Etats-Unis la voit fortement contribuer à l’effort de guerre avec des actions pour récolter des bons du trésor, chanter pour les troupes américaines sur différents fronts européens. Jouer dans des films de propagande participe à cette démarche, et La Fièvre de l’or noir entre dans ce corpus.
Quelques éléments de la Marlène « aventurière » et ayant un certain vécu douloureux imprègnent le rôle de Pola, fille de mineur prête à tout pour s’en sortir. Elle est de nouveau au centre d’un triangle amoureux (comme dans L’Entraîneuse fatale de Raoul Walsh (1941) et Les Ecumeurs), les sentiments s’entremêlant une nouvelle fois au monde des affaires, gravitant autour de l’or dans Les Ecumeurs et l’industrie du charbon dans La Fièvre de l’or noir. Après avoir introduit avec drôlerie le duo d’amis mineurs Pittsburgh (John Wayne) et Cash (Randolph Scott) ainsi que leur quotidien rugueux, Pola est introduite en contrepoint glamour et socialement supérieur aux deux rustres durant sa première apparition. Le fait qu’elle soit entretenue par un escroc la ramène également à ses anciens rôles de paria, mais la révélation de son passé, de ses origines ainsi que l’émoi qu’elle éprouve durant le sauvetage à la mine vont l’ancrer à la fois en tant que prolétaire ET américaine. Dès lors le rapprochement va être possible avec Pittsburgh et Cash, et c’est la rage de réussir de la jeune femme qui va pousser les deux hommes à provoquer leur réussite afin de s’extraire de leur condition.L’amour et l’amitié unissant le trio va exacerber leur audace et leur culot pour les mener au sommet de la réussite financière. Marlène Dietrich, à la fois victime et tentatrice dans nombre de ses rôles précédents, est cette fois une pure figure de droiture morale et c’est John Wayne qui va endosser la figure de séduction et d’ambition autodestructrice. L’acteur propose là une de ses meilleures interprétations, montrant la facette lumineuse puis sombre de ce mélange d’audace, de confiance et d’individualisme qui vous hisse vers les sommets mais finit par traîner plus bas que terre. Le sourire charmeur, la gouaille et le culot se font qualités attachantes dans la course à la réussite puis peu à peu une façade inhumaine et égoïste que Wayne traduit parfaitement dans son jeu et des dialogues cinglants. La désinvolture qui fera céder Pola à sa séduction est ainsi la même qu’il déploie lorsqu’il ose venir la solliciter le soir même de son mariage d’intérêt. De même, ses mauvais penchants sont désamorcés par son amitié pour Cash, mais la bascule du triangle amoureux en sa défaveur va briser leur amitié et faire perdre à Pittsburgh son garde-fou moral. Il y a certes d’énormes raccourcis dans le cheminement de la réussite matérielle des personnages, mais en maintenant les enjeux à une échelle purement humaine, les rebondissements les plus extravagants s’insèrent parfaitement.L’introduction du film avait amorcé la veine propagandiste du récit, en révélant que le savoir-faire industriel des personnages contribuait désormais à l’effort de guerre avec la fabrique d’armes pour le front. La défense de la patrie sera en effet l’élément qui va surmonter les dissensions, à l’amitié virile ou tendre ravivée s’alternant de nombreuses images stock-shots d’usines dans lesquelles les petites mains montent les mitrailleuses et les avions, où triomphe le génie américain. C’est un peu trop sur des rails, surtout après l’ambiguïté intéressante qui auréolait Pittsburgh, le col bleu devenant tyran à son tour et briseur de grève. Cette union nationale lisse complètement les asperités du récit qui n’atteint pas les hauteurs de An American Romance de King Vidor (1944) duquel il se rapproche en partie. La Fièvre de l’or noir n’en reste pas moins un mélodrame prenant et plutôt réussi dans l’ensemble.Sorti en bluray français chez Elephant Film