Au XVIIIe siècle, à Londres, l'ascension sociale d'une jeune femme de basse extraction, remarquée d'abord par le peintre Gainsborough puis courtisée par un riche dandy.
Une superbe fresque historique et romanesque parfaitement conduite par Leisen et illuminée par la beauté et le charme de Paulette Goddard. L'aspect historique se manifeste par la figure du peintre Gainsborough qui va faire basculer le destin de Kitty (Paulette Goddard), jeune fille des rues dont il repère la grâce sous les haillons et les manières rude spour en faire le portrait. Dès lors les nobles subjugués par le tableau ne manqueront pas de chercher à connaître le charmant modèle ce dont va profiter le noble en disgrâce et un peu escroc Hugh Darcy (Ray Milland) qui va la recueillir afin d'en faire une Lady et la livrer au plus offrant. La facette romanesque apparaît donc dans cette relation un peu sordide puisque Kitty va accepter tous ces tourments afin de gagner le coeur de Darcy dont elle est tombée amoureuse.
Sur une trame voisine, ce
Kitty ose bien plus de chose que le
Ambre de Preminger sorti à la même période. L'ouverture dans les bas-fonds londoniens crasseux est saisissant avec une Paulette Goddard qui s'en donne à coeur joie en jeune souillon écervelée à l'accent gouailleur. Sa transformation progressive et laborieuse en dame du monde est superbement amenée et offre de joyeux moments comique par la maladresse de l'héroïne (Paulette Goddard ayant pris un phrasé criard et aigüe hilarant pour signifier sa basse extraction) dont le destin n'est guère riant malgré le ton enjoué du film. Ray Milland incarne un tel goujat tout au long du récit que le final dans la grande tradition romanesque où le couple se retrouve finalement n'arrive pas à être totalement satisfaisant.
Le scénario (adapté d'un roman de Rosamond Marshall) interroge ainsi autant sur la condition de classe que sur la position des femmes à cette période. Kitty s'avère ainsi être le jouet des hommes, celui qu'elle aime la jetant dans les bras d'autres dans le but d'élever sa position tout en ne changeant jamais son regard sur elle du fait de sa condition modeste. Il faudra à Kitty devenir une vraie Lady et voir la déférence des autres hommes sur sa prestance de Duchesse une fois au sommet pour que Milland comprenne son erreur.
Toute les scènes d'apprentissage du monde (avec une excellente Constance Collier en noble quelque peu dépenaillée et alcoolique) soulignent d'ailleurs d'allieurs ce conditionnement machiste puisque toute l'éducation des femmes se fait sur la dissimulation des sentiments et la séduction au détriment du développement d'un vrai esprit d'initiative à l'image de Milland railleur lorsqu'on tente d'apprendre à écrire à Kitty. Les femmes sont des beaux objets qu'on possède où qu'on délivre aux plus offrant. Le film est donc passionnant en montrant l'ascension de cette fille des rues sans d'ailleurs éluder les aspect peu ragoûtant même s'ils ne sont pas appuyés (mariage avec un gros rustres, puis avec un vieux croulant grossesse non désirée... étonnant quant on voit tout ce qui a été éludé de l'adaptation de
Ambre) où on la voit acquérir une réelle noblesse d'esprit et d'allure dans sa découverte du monde. Malgré les moments distillés pour signifier la repentance et la prise de conscience de Milland on ne peut être complètement satisfait de la voir finir dans ses bras, toute l'ambiguïté du romanesque en somme.
Leisen délivre un objet splendide visuellement où le noir et blanc n'altère pas du tout la vision de ce type de récit qu'on a plus l'habitude de savourer en flamboyant technicolor. Au départ d'une facture modeste, le film s'embellit au fil de l'assurance et de l'élévation toujours plus haute de son héroïne pour une dernière partie enchaînant les moments, décors et costumes fastueux tel une scène de bal magnifique et des superbes vues des appartements de la Duchesse. Paulette Goddard est épatante de bout en bout, autant pauvresse ballotée qu'en Duchesse au port parfait et impose une drôlerie, un charme et une espièglerie contagieuse. C'est d'ailleurs l'occasion d'imaginer quelle superbe Scarlett elle aurait fait puisque le rôle lui échappa d'un souffle au profit de Vivien Leigh. Ray Milland très bon également mais échoue peut être à dévoiler la petite facette d'humanité qui pourrait mieux faire passer son attitude et accepter la conclusion, on est loin d'un Clark Gable dans
Gone with the wind en comparaison pour ce type de rôle. Belle fresque néanmoins pour les amateurs de ce type de récit !
Hélas le film est encore inédit en dvd zone 1 comme zone 2 mais est assez souvent diffusé sur TCM dans le cadre de cycle Mitchell Leisen soyez vigilants pour un enregistrement !
Extrait
Voilà une critique qui donne envie. Dommage qu'il y ait cette dernière précision (film indisponible en dvd) pour gâcher un peu la fête. Mon porte-monnaie en frétillait déjà.
RépondreSupprimerOh que oui ! Ton billet donne très envie...
RépondreSupprimerLe pitch me fait un peu penser à My fair lady : sait-on si l'un a inspiré l'autre ?
La pièce de Shaw "Pygmalion" qui est l'inspiration de My Fair Lady date de bien avant le roman de Rosamond Marshall dont est adapté Kitty peut être que c'est influence indirecte. C'est vrai que c'est le genre de trame qu'on retrouve souvent Shaw a dû influencer pas mal de récit de ce type ! Et désolé de mettre l'eau à la bouche pour un film dur à trouver ^^
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