Akemi est la chef du
gang Tachibana, et porte, comme la tradition l’exige, un imposant tatouage de
dragon dans le dos. Lors d’un duel contre un gang rival, Akemi rend aveugle une
opposante avec son épée. C’est alors qu’un chat noir apparaît pour lécher la blessure
ensanglantée. La malédiction d Akemi a commencé...
Blind Woman Curse
est une œuvre qui participe à l’ascension de Meiko Kaji puisque tourné la même
année que le premier volet de la saga Stray
Cat Rock qui fera d’elle une star au sein de la Nikkatsu. Le film est
également annonciateur des sommets de sa filmographie à venir en la montrant en
sabreuse vengeresse (lors de l’ouverture et la conclusion du film) comme dans
le diptyque Lady Snowblood (1973 et
1974) et la série de La Femme scorpion.
L’un des éléments passionnant rétrospectivement consiste en l’hésitation constante
de l’héroïne de Blind Woman Curse à
embrasser l’imagerie justement rattachée à Meiko Kaji par la suite. Le film
voit un postulat de film de yakuza et de sabre progressivement vampirisée par
la personnalité de son réalisateur Teruo
Ishii. Maître du sous-genre ero guro (érotisme grotesque) dans ses
films historiques déviant se déroulant à l’ère Edo, Ishii écarte l’érotisme
pour se concentrer le grotesque dans l’approche fantastique. La trame de film
de yakuza avance de manière laborieuse et parfois répétitive mais le cœur du
récit se trouve dans l’incursion des éléments surnaturels.
Ils sont annoncés
dès l’ouverture où durant un combat entre clans ennemis où Akemi (Meiko Kaji)
rend accidentellement une femme rendue aveugle par un jet de sang dans les
yeux. La victime après avoir vue ses plaies léchées par un chat noir va s’avérer
une ennemie mortelle et assoiffée de vengeance envers Akemi. Elle devient une Bakeneko
(monstre-chat), fantôme du folklore japonais représentant (dans certaine
interprétations) souvent une femme bafouée devenue une entité monstrueuse et avide
de revanche pour ses anciens tourmenteurs. La malédiction est finalement
essentiellement féminine à travers une quête de vengeance à laquelle s’abandonne
l’aveugle (Hoki Tokuda) et que cherche à fuir Akemi dans un monde de pouvoir
masculin. Plusieurs dialogues soulignent une volonté rendue impossible par le
contexte pour les deux jeunes femmes poussées à la violence par leur entourage.
La notion de clan appelle une violence que cherche à
contenir Akemi envers ses membres, et l’aveugle voit ses démons s’incarner dans
l’incontrôlable danseur bossu. Ce dernier est joué par Tatsumi Hijikata,
créateur de la danse japonaise butō et
dont l’étrangeté fut déjà exploitée par Teruo Ishii dans Horrors of Malformed Men (1969). Sa gestuelle étrange ajoutée au
diverses idées macabres du récit façonne donc une atmosphère inquiétante,
portée par les cadrages déroutants et les éclairages baroques orchestré par
Ishii.
L’excentricité associée au folklore japonais se marie ainsi à un
gothique plus occidental (la figure du chat noir omniprésente) dans un ensemble
homogène où Ishii privilégie l’ambiance à l’excès, si ce n’est furtif (les
scènes de filles de plaisir sous opium). Le duel final confronte alors dans un
somptueux cadre abstrait et stylisé la notion vaine de cette haine. Une belle
réussite.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Bach Films
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