Jérôme, trente-cinq
ans, attaché d'ambassade, se rend près d'Annecy pour vendre la propriété
familiale. Il y retrouve une ancienne amie, Aurora, romancière qui lui présente
son hôtesse, Mme Walter, dont la fille Laura est une jeune lycéenne de seize
ans. Après son départ Laura clame qu'elle est amoureuse de Jérôme, mais ce
dernier va se laisser séduire par son amie Claire, dont il admire les genoux.
Le Genou de Claire
est le cinquième volet du cycle des Six
contes moraux d’Éric Rohmer. Comme les autres volets celui-ci est une variante
du postulat d’un homme rangé ou s’apprêtant à l’être confronté à une tentation
amoureuse menaçant l’équilibre de sa situation. Le Genou de Claire se caractérise par la distance que place ici
Jérôme (Jean-Claude Brialy) face au réel émoi amoureux qu’il ressent.
Momentanément de retour dans la région et villégiature de son enfance, Jérôme,
attaché d’ambassade en Suède, y recroise le chemin d’Aurora (Aurora Cornu)
ancienne amie perdue de vue. Cette distance de ses sentiments, Jérôme la crée d’abord
par l’intermède e l’imagination d’Aurora qui est romancière. La famille qui
héberge Aurora comprend la jeune Laura (Béatrice Romand), lycéenne supposément
amoureuse de Jérôme. Pour le plaisir de l’observation et nourrir son
inspiration, Aurora encourage donc le rapprochement tandis que Jérôme
faussement réticent se prend au jeu.
Le mélange de maturité et de candeur de la jeune fille, la
séduction ayant encore un pied dans l’enfance, donne une tonalité ambiguë à la
relation mais où se devine toujours cette distance « jouée ». Jérôme
s’amuse de son rôle de mentor/séducteur dans des situations artificiellement
amenée (car souvent provoquée par Aurora), où le rapprochement est plus une
expérience qu’un désir (un baiser qui n’ira pas plus loin) et dont la sincérité
est empêchée par l’ironie de l’adulte comme par l’inconséquence naturelle de l’adolescente
(qui s’amourache d’un garçon de son âge joué par un tout jeune Fabrice
Luchini). Éric Rohmer façonne formellement un écrin romantique (magnifique
paysage du lac et montagne d’Annecy) dont les situations (la ballade en
montagne) forment un contrepoint à une relation amoureuse qui ne se révèle
jamais vraiment, au point que la méfiance possible de la mère n’est jamais
évoquée (et est même source d’un dialogue ironique où elle exprime son absence
de crainte).
A mi-parcours la comédie va pourtant se rejouer avec l’apparition
de Claire (Laurence de Monaghan), « sœur » de Laura. La jeune fille
impose une présence à la fois plus sensuelle et désirable tout en entretenant
une forme de mystère et de « distance » qui trouble Jérôme, n’intellectualisant
plus une possible attirance mais en ressentant une bien réelle. La bascule se
fait quand il avoue ce désir à Aurora plutôt qu’elle lui suggère comme dans la
première partie. L’attrait physique forcé et aussitôt éteint avec le baiser à
Laura devient ici tangible à travers l’observation lointaine de Claire. Rohmer
la met magnifiquement en valeur dans des moments où se conjuguent toujours la
séduction qu’elle dégage et des activités plus triviales la ramenant à son âge
(la cueillette, la partie de volley-ball). Tout cela se concentre alors sur son
genou que rêve de toucher Jérôme. C’est une partie du corps promesse de volupté
adulte pour peu qu’on laisse remonter sa main le long des cuisses, ou figeant
encore dans l’enfance puisque c’est celle qu’on s’écorche le plus facilement en
culottes courtes.
Claire dégage cette ambiguïté aux yeux de Jérôme qui au
moment fatidique, n’aura pas l’audace de rendre cette caresse du genou plus
insistante. Après être tombé malgré lui dans tous les travers du jeune amoureux
maladroit, Jérôme donne par « procuration » sa première déconvenue
amoureuse à Claire et retrouve par là même son recul initial. Ceux qui se
refusent aux élans amoureux sont rattrapés (la célibataire endurcie Aurora) par
la réalité, ceux qui s’en amusent par la réalité (Jérôme) tandis qu’à l’image
de la scène finale (qui annonce les atmosphères de Contes d’été (1996)) la langueur de l’éphémère reste la plus belle
des parenthèses enchantées. L’arrivée en barque où Jérôme passe sous le pont
aura signalé l’entrée dans ce monde où une jambe nue nous trouble au plus
profond, et le contact physique (et du coup l’approche trop dangereuse du rêve
confronté au réel) nous en sort.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Potemkine
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