Miso, la trentaine, a
deux plaisirs dans la vie : fumer ses clopes, et boire un verre de whisky de
temps en temps. Elle a un petit ami, mais faute d’argent, ils ne vivent pas
ensemble. Quand son loyer et le prix de ses cigarettes augmentent coup sur
coup, Miso, plutôt que de renoncer à l’un de ses plaisirs, choisit de quitter
son appartement pour ne plus avoir de loyer à payer. Elle va alors entamer une
tournée de ses amis de fac pour être hébergée provisoirement chez les uns ou
chez les autres...
Le récent Burning
de Lee Chang-Dong avait montré dans une approche métaphysique le désœuvrement des
jeunes adultes coréen et leur dépit face à leur accomplissement
personnel frustrés. Microhabitat, premier
long-métrage de la réalisatrice JEON Go-woon, creuse le même sillon dans une
approche différente. Si dans Burning
la frustration du héros le poussait selon l’interprétation au crime ou à la
paranoïa, Microhabitat dépeint avec
Miso (Esom) une héroïne aux antipodes de cette course à la réussite. Le bonheur
consiste pour elle en des plaisirs simples comme fumer ses clopes et boire un
bon verre de whisky. Ces deux agréments suffisent à supporter son dénuement matériel
permanent et l’impossibilité de vivre avec son petit ami tout aussi fauché. La
réalisatrice eut l’idée du scénario en constatant que la crise économique que
traversait la Corée se répercutait désormais également dans les échappatoires
futiles au quotidien morose que sont justement les cigarettes et l’alcool dont
les prix augmentaient. Lorsque son loyer grimpera également, Miso préfère renoncer
à son logis plutôt que ses plaisirs et va voguer entre des logis éphémère chez
des amis.
Ce renoncement symbolise en fait le choix d’un bonheur
ponctuel plutôt qu’une frustration permanente. On pourrait y voir un refus des
responsabilités de l’âge adulte, mais il s’agit surtout de tourner le dos au
conformisme vers lequel nous guide la société. Une grande partie de l’intrigue
voit Miso séjourner brièvement chez des anciens camarades de fac et membres d’un
groupe musical commun. Chaque ami(e) représente un maux du monde moderne, que
ce soit la dépression pour un divorcé pleurnicheur, l’usure pour cette femme au
foyer dépassée, l’infantilisation d’un vieux garçon ou l’indifférence pour une
grande bourgeoise hautaine. Chaque personnage est introduit par un rappel de
leur ancien instrument pour montrer le fossé entre passé léger et la sinistrose
du présent. Miso incarne un rappel de cette insouciance révolue qu’il regarde
avec nostalgie mais refuse dans leurs attitudes. La réalisatrice l’illustre
dans une notion spatiale (le divorcé enfermé dans sa chambre d’ami), le traduit
par l’usure physique de la femme au foyer, et le capture dans le surréalisme
comique (la bienveillance trop prononcée de parents en quête désespérée d’une
belle-fille) ou la facticité d’une demeure bourgeoise (reflet de l’égoïsme de
sa locataire).
En s’accrochant au matériel, à leur statut et à leur
mal-être, les personnages effectuent un repli sur soi absent chez la pourtant
démunie de tout Miso. Le personnage est attachant par son constant par son
souci de l’autre et son flegme face aux déconvenues diverses. La relation avec
son petit ami évite d’en faire une figure abstraite fonctionnelle, le miroir
placide qu’elle offre aux autres soulignant leurs failles. La réalisatrice n’associe
pas cet individualisme et renoncement à une classe sociale (l’hilarant zoom avant
sur la femme de ménage quand Miso propose à son amie de l’aider dans les tâches
quotidiennes), mais à la société coréenne au sens large qui se perd cherchant
(et parfois échouant) à rentrer dans les normes qui la régissent. Quelques
révélations sur le passé familial de Miso expliquent ce qui l’amène à
relativiser et s’attacher à des bonheurs simples, quand tous les autres (son
petit ami compris) finiront par se trahir pour ressembler aux autres.
L’humour désamorce pas mal la mélancolie de l’ensemble malgré
la noirceur de certaines situations comme cette visite d’appartement insalubre
ou ce renoncement à une coucherie car se déshabiller donne froid en hiver. Le
spleen domine néanmoins la conclusion, le fossé entre Miso et son entourage se
traduisant par une évaporation de sa silhouette à l’image. Elle reste un
souvenir pour ses anciens amis, et une ombre fugace pour ce monde autocentré
(très belle idée que cette chevelure prématurément blanchie pour la distinguer
des autres). Heureusement, une clope et un petit verre de whisky suffisent pour
oublier tout cela un temps.
Sorti en bluray français chez Spectrum Films
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire