Après avoir été trahie par l'homme qu'elle aimait, Matsu, surnommée Sasori (Meiko Kaji), va tout faire pour s'évader de prison et assouvir sa vengeance.
La Femme Scorpion
est sans doute un des films les plus emblématiques du Pinku Eiga et de ces
paradoxes. On rappelle donc que ce sous-genre naquit à la fin des années 60
lorsque les studios japonais en détresse et au bord de la faillite à cause de
la concurrence de la télévision trouvèrent une solution radicale pour se
relancer. L’idée était de de montrer ce que ce que le petit écran ne pouvait se
permettre à savoir un érotisme bien plus prononcé. Cette tendance envahit tous
les genres, du film historique au sein de la Toei au mélodrame ou la comédie
polissonne à la Nikkatsu et sous la contrainte ces films purent parfois
s’avérer diablement audacieux.
La Femme
Scorpion en est un bel exemple avec un pur film d’exploitation cédant à
tous les aspects putassier propre à séduire le public masculin initialement visé
en en faisant un WIP (Women in Prison) déshabillant allégrement ses prisonnières,
faisant subir les derniers outrages à son héroïne et en pimentant même le tout
d’une scène saphique totalement gratuite (et à la chute assez comique). Sous le
racolage apparent pourtant se cache un sacré brûlot féministe fustigeant la
société japonaise.
Le film s’ouvre sur l’évasion de la prisonnière 701 Nami
(Meiko Kaji) avec une codétenue, les deux étant malheureusement rattrapée de
justesse par leurs geôliers non sans avoir vendu chèrement leur peau. Autant
dans sa façon de tenir tête aux poursuivants lors de l’évasion que par son
attitude farouche et glaciale lorsqu’elle est jetée au cachot après sa capture,
la hargne de Nami interpelle. Capable d’exaspérer par sa résistance les
gardiens qui la torturent ou d’intimider alors qu’elle est pourtant ligotée une
codétenue sadique par un regard noir, Nami semble être un roc inébranlable. Sa
haine vient de bien plus loin que ceux qui la tourmentent dans cette prison et
remonte à quelques années plus tôt lorsqu’elle fut manipulée par l’homme qu’elle
aimait Sugimi (Isao Natsuyagi), un policier corrompu qui la livra en pâture à
des yakuzas pour s’enrichir.
Ito se montre d’une inventivité flamboyante pour
souligner ce passé dramatique à coup de cadrage surprenant (la contre-plongée
rendant le sol transparent et adoptant le point de vue terrifiée de Nami
assaillie par des yakuzas libidineux), d’une esthétique pop qui renforce le
malaise (tout le drame initial se déroulant dans un décor unique se
transformant au gré des variations d’éclairages et en coulissant pour illustrer
comment ce traumatisme s’inscrit dans la mémoire de l’héroïne) et surtout par
une force évocatrice marquante. Ainsi le sang de Nami déflorée pour la première
fois forme le drapeau du Japon sur le drap blanc, le machisme et la domination
masculine étant montrés en étendard par la représentation même de ce symbole
national bafoué.
Le scénario (adapté du le manga de Tooru Shinohara) étale
tous les clichés associés au film de prison (gardiens sadique, rivalité entre
bande rivales…) mais même dans ses angles les plus racoleurs ne perd jamais de
vue ses velléités féministes rageuses. Toutes les divisions et les
affrontements entre prisonnières se font donc souvent par les manigances d’un
élément masculin extérieur semant la discorde, que ce soit Sugimi payant une
détenue pour assassiner Nami qui reste un témoin gênant ou alors le directeur
braquant les prisonnières contre notre héroïne en les soumettant à des tâches
harassantes à cause d’elle.
La toute puissance masculine altère ainsi une
possible solidarité féminine et dévoile les tares d’un sexe faible incapable
d’exister loin du regard des hommes. Ito exprime cette idée en faisant de
toutes les femmes néfastes des personnages expansif et bavard ayant recours à
une logorrhée trompeuse et signe de faiblesse.
A l’inverse, Nami et ses rares
alliées sont des êtres taiseux qui se jaugent et s’estiment en un regard et
dont les actions définissent la volonté de fer plus que les mots. Malmenée par
une prisonnière profitant qu’elle soit attachée pour lui jeter son repas à la
figure, Nami va par le geste radicalement calmer les ardeurs de l’intéressée.
Plus tard lorsqu’on infiltrera une gardienne pour se lier d’amitié et lui soutirer
des informations, un simple « Tu parles trop » lancé par Meiko Kaji
suffira à faire comprendre qu’elle a démasquée la taupe.
Shunya Ito va verser
dans un excès visuel croissant pour rendre cette thématique par l’image,
rendant les ennemies les plus malfaisants carrément monstrueuse (le face à face
dans les douches) où transformant son décor en véritable espace mental propre à
libérer toutes ses frustrations (le passage de l’extérieur au studio durant la
scène de travaux forcés tournant à la rébellion et le ciel prenant des teintes
écarlates accentuant la touche baroque).
L’allure frêle mais le regard farouche, Meiko Kaji impose un
personnage au tempérament indomptable dont elle fait une véritable icône. C’est
une femme martyr refusant constamment le destinée de soumission que la société
veut lui imposer, cette nature rebelle et vengeresse s’incarnant
parfaitement lors du final où elle arbore cette tenue d’archange noir bien
décidé à faire payer tous les hommes l’ayant trahie. Un vrai classique qui sera
une des sources d’inspirations de Quentin Tarantino pour ses Kill Bill
(reprenant d’ailleurs la chanson Urami-Bushi
chantée par Meiko Kaji) et qui connaîtra pas mal de suites dont seuls les 2e
et 3e épisodes réunissant encore Shunya Ito et Meiko Kaji devant et
derrière la caméra valent le détour.
Sorti en dvd zone 2 français chez Pathé dans un coffret réunissant tous les épisodes de la saga
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire