Richard Sherman, un publiciste, vient de déposer à la gare sa femme et ses enfants. Il prévoit de rester seul pour les vacances d'été dans son appartement new-yorkais. Après sept ans de mariage, il fantasme allègrement sur les filles qu'il rêve de séduire. Sa solitude va vite être troublée par sa charmante voisine blonde du dessus. Il ne tarde pas à l'inviter chez lui pour prendre un verre.
Seven Years Itch
est un des films les plus célèbre de Billy Wilder et sans doute celui qui
contribua à faire définitivement de Marilyn Monroe une icône. Grande
admiratrice de Wilder et consciente de ce que leur collaboration pourrait lui
apporter, la star fit donc des pieds et des mains pour travailler avec lui,
acceptant au passage un rôle dans La
Joyeuse Parade, comédie musicale qui ne l’emballait guère afin de satisfaire
le studio.
Le film est un hilarant récit de démon de midi où un homme
mûr et rangé voit la tentation frapper à sa porte un été où il est resté seul à
New York après avoir envoyé femmes et enfant en vacances. La scène d’ouverture
avec sa vision ethnologique amusée montrant ce même rituel chez les premiers
habitants indiens de l’île de Manhattan montre ainsi comme un phénomène
naturel au sein de la gent masculine.
Les hirondelles migrent en automnes, les taupes hibernent en hiver et les
hommes cherchent à s’amuser et tromper leurs femmes en été.
Tous ? Non, le
raisonnable Richard Sherman (Tom Ewell) cherche à tout prix à ne pas être de ces
inconscients et mener une existence sage sans femme, tabac et alcool durant cet
été qu’il consacrera à son travail. De bonnes résolutions trop appuyées pour
être sincères, Wilder multipliant les longues scènes de monologues où Richard
se rassérène pour rester sage mais s’il peut contrôler son corps, c’est
nettement plus compliqué avec son imagination dévorante, et d’autant plus si
elle est stimulée par une voisine au charme volcanique installée là pour l’été.
Sept ans de réflexion
sous son sujet trivial représente une date important pour la comédie
américaine. Billy Wilder a toujours reconnu ce qu’il devait à ses deux mentors
que furent Ernst Lubitsch et Preston Sturges. Ces derniers avaient dès les années
40 annoncés une des thématiques du film de Wilder, la confrontation dans un
cadre de comédie du réel et du fantasme. Cette idée court dans toute la
filmographie de Preston Sturges et atteint sa plénitude dans Infidèlement votre (1948) où un mari
jaloux joués par Rex Harrison imagine trois manières différentes de tuer son
épouse adultère durant un concert classique qu’il dirige.
Le ton de chacun des
meurtres fantasmés oscille entre drame forcé, humour noir et comédie de
boulevard au fil des compositeurs classiques entendus (Puccini, Wagner et Tchaïkovski)
où le héros se donne le beau rôle mais aura bien du mal à concrétiser l’assurance
qu’il a dans le rêve lorsqu’il cherchera à assassiner sa femme dans la réalité.
Lubitsch étale lui un dispositif aussi impressionnant que limpide dans son
célèbre To Be or Not To Be (1942) où
la bêtise de l’idéologie nazie se révèle par effet de miroir dans la pièce
satirique qu’en joue une troupe de théâtre puis avec les même codes, situations
et jeux de mots dans la réalité lorsque les vrais nazis entre en scène dans une
trame d’espionnage rondement menée.
Wilder reprend à son compte ce questionnement dans Sept ans de réflexion mais se l’approprie
avec des codes nouveaux. L’influence de Sturges est bien là (une pièce de
musique classique ici Concerto pour piano nº 2 de Rachmaninov forçant jusqu’au
ridicule le romantisme dans le fantasme de Richard), tout comme celle de Lubitsch
(le jeu des sept erreurs que l’on s’amusera toujours à faire dans le mimétisme
détourné entre réel et fantasme) mais Wilder réussit à amener une proposition
plus moderne et percutante. Cela se fera par la figure de la parodie où les
rêves de Richard se dessinent à l’aune de sa propre culture et des succès
cinématographique du moment : une baiser baveux sur la plage détournant Tant qu’il aura des hommes (1953) où il
remplace Deborah Kerr en embrassé assailli, Le
Portrait de Dorian Gray (1945) d’Albert Lewin où rongé par la culpabilité
notre héros voit son vrai visage de créature dépravée se révéler à lui dans un
miroir…
La publicité est également convoquée dans ce détournement avec les
hilarants moments où Marilyn Monroe délaisse la réclame de dentifrice qu’elle
est en train de déclamer pour fustiger ce pervers de Richard en direct à la
télévision, des millions d’américains pouvant scruter notre héros penaud. Si
Wilder n’a certes pas inventé la notion de parodie au cinéma, sa manière de l’utiliser
est grandement novatrice et annonce avec 20 ans d’avance tous les détournements
cultissimes des ZAZ (Hamburger film
sandwich (1977), Y a-t-il un pilote
dans l'avion ? (1980), Top Secret
(1984)).
La pièce originale de George Axelrod rendait l’adultère
effectif mais au grand désespoir de Billy Wilder la morale doit rester sauve
dans le film afin de ne pas enfreindre le Code Hays. Qu’à cela ne tienne, le
réalisateur nous fera regretter qu’il n’ait pas eu lieu puisque sous les
artifices Sept ans de réflexion est
une œuvre immensément attachante pour ses personnages. Tom Ewell (reprenant le
rôle qu’il tenait déjà dans la pièce) est l’incarnation même de l’américain
moyen, personnage ordinaire et commun que l’on ne remarque pas si ce n’est dans
ses rêves délirant. La seule idée qu’il pourrait en séduire une autre le met en
nage tant pour lui c’est une situation improbable et effectivement lorsqu’il
tentera sa chance dans la réalité il se couvrira de ridicule (la tentative de
baiser avortée sur fond de Rachmaninov). Face à lui, le fantasme absolu, le
sex-symbol ultime Marilyn Monroe dont les formes ravageuses n’ont d’égales que
la candeur de son attitude.
Tout à la fois inconsciente et pas dupe de l’effet
qu’elle produit sur les hommes, elle est
proche et inaccessible, chimère sexuée et girl next door dans un équilibre qu’elle
était la seule à pouvoir atteindre. Les scènes mettant cette sexualité
agressive en avant n’ont cours que dans le fantasme finalement, ses apparitions
dans le réel même en la mettant son physique en valeur maintenant toujours une
vrai élégance et respect (y compris la légendaire séquence de la bouche d’aération
soulevant sa robe finalement très sobre) car le personnage qu’elle incarne
dépasse cette notion de simple tentation.
La confrontation entre rêve et réel
ne manque pas d’exploiter le cliché de la blonde écervelée (les conversations
faussement sophistiquée et spirituelles du monde des rêves étant remplacées par
les remarques très triviales de Marilyn dans la réalité) mais entre moues amusées,
rire éclatant et regard tendre, impossible de résister. Certainement pas à
cause de ce simple attrait physique mais parce c’est elle qui a tout compris,
remettant Tom Ewell en valeur par cette tirade qui résume parfaitement le film :
Your imagination! You think every girl's a
dope. You think a girl goes to a party and there's some guy in a fancy striped
vest strutting around giving you that I'm-so-handsome-you-can't-resist-me look.
From this she's supposed to fall flat on her face. Well, she doesn't fall on
her face. But there's another guy in the room, over in the corner. Maybe he's
nervous and shy and perspiring a little. First, you look past him. But then you
sense that he's gentle and kind and worried. That he'll be tender with you,
nice and sweet. That's what's really exciting.
L’américain moyen et complexé est replacé à sa juste place,
la supposé blonde écervelée et fille facile s’avère une amoureuse compréhensive
et lucide et bien évidemment ces deux-là doivent finir ensemble, toute la
progression du film tendant à cette issue. La façon précipitée et impromptue
avec laquelle la morale reprend sa place (la très poussive confrontation avec « l’amant »
et l’argument de la pagaie à rapporter) ne laissera dupe personne, le film s’est
conclu réellement un peu plus tôt avec la déclaration d’amour sous-jacente de
Marilyn et la concrétisation de la tension érotique ayant couru tout au long de
l’intrigue.
Billy Wilder mettra un point final magistral à ce questionnement du
fantasme/parodie dans Certains l’aiment
chaud (1959) pour une approche plus frontale et provocatrice dans Embrasse-moi idiot (1964). Entretemps,
des contemporains lui auront génialement emboités le pas comme Frank Tashlin
avec son diptyque La Blonde et moi/La Blonde Explosive (1956,1957, plus
drôles et délirant que le Wilder mais bien moins attachant) et il aura ouvert
la voie à d’autres maîtres de la comédie comme Richard Quine (qui approfondira
la question à son tour dans sa trilogie L’Inquiétante dame en noir (1962) Deux têtes folles
(1964) et Comment tuer votre femme (1964) et où l'on retrouve George Axelrod au script)
ou le Stanley Donen de Fantasmes
(1967)…
Sorti en dvd zone 2 français et blu ray chez Fox
Sorti en dvd zone 2 français et blu ray chez Fox
émigré juif de l'empire austro-hongrois à Berlin, Wilder y est d'abord journaliste et écrit des scripts. On peut voir
RépondreSupprimersur YOUTUBE "Menschen am Sonntag", = "Les hommes le Dimanche", film muet de 90 ', réalisé par Siodmak. On pense naturellement que cette population est pré-nazie, mais les photos en noir et blanc font souvent penser à Robert Doisneau, et respirent cette atmosphère de dimanche en été où tout le monde vient se rafraîchir au bord de l'eau : il m'a semblé reconnaître en filigrane deux tableaux gigantesques de Seurat : UN DIMANCHE APRES MIDI A L ILE DE LA GRANDE JATTE (160 x 250 cm à CHICAGO aujourd'hui) et le non moins magnifique UNE BAIGNADE A ASNIERES (2 m x 3 m à la National Gallery de LONDRES).
Dans le cas de Wilder, Siodmak et Seurat : un même
sentiment de tendresse (côté allemand aussi ? Certains garçons ont de
"sales gueules", mais peut-être est-ce moi qui vois se profiler les futurs soldats) pour l'humanité.
Hitler ne sera au pouvoir qu'en 1933 …