Dans la chaleur
andalouse de Séville du début du 20e siècle, la belle et frivole Concha Perez
fait tourner la tête de nombreux hommes. Le fougueux révolutionnaire Antonio
Galvan et son vieil ami Don Pascual vont s'affronter pour gagner les faveurs de
la jeune femme, alors que la semaine du carnaval échauffe le sang et les
passions.
La Femme et le Pantin
et le septième et dernier film de la fructueuse collaboration entre le pygmalion
Joseph Von Sternberg et sa muse Marlene Dietrich. Les deux partenaires
semblaient être arrivés au bout de cette association, leur perfectionnisme
commun, l’émancipation progressive de Dietrich et la lassitude de Von Sternberg
menant à cette conclusion. Le film adapte le roman éponyme de Pierre Louÿs et
ajoute le cadre espagnol et le folklore andalou au dépaysement des précédents
films qui nous faisait chacun découvrir de nouveaux pays et cultures. On
passait ainsi du bien nommé Morroco
(1930) à la Chine de Shanghai Express
(1932) en passant par la Russie impériale de L’Impératrice Rouge (1934). Si l’on a parfois aujourd’hui une image
de Marlene Dietrich associée à la femme fatale, cette persona filmique ne se fige qu’après sa collaboration avec Von
Sternberg où elle se montrera moins aventureuse et jouera plus de son aura. Elle
est ainsi intrigante, candide, vulnérable ou séductrice Sternberg ou Rouben
Mamoulian dans Le Cantique des cantiques
(1934).
La Femme et le Pantin
constitue donc une sorte de feu d’artifice où Marlene Dietrich endosse un rôle
insaisissable et multifacette. Concha Perez (Marlene Dietrich) existe à travers
le fantasme masculin magnifié par une scène de carnaval où l’observe Antonio
(Cesar Romero), une silhouette qu’il va poursuivre mais qui lui échappera
toujours. C’est cette distance et la promesse impossible d’un rapprochement qui
agitent les hommes du film, parfaitement résumée dans cette introduction
festive. Ce sera ensuite le voile des douloureux souvenirs de Don Pascual
(Lionel Atwill) qui tissera le mystère de la volupté d’une Concha qui le
manipulera et lui glissera toujours entre les mains. La séduction de Marlene
Dietrich se développe au gré de l’ascension sociale de son personnage. Elle manipule
les hommes sur le registre trivial et amusé lorsqu’elle n’est qu’une
travailleuse d’usine, espiègle et provocante quand elle sera chanteuse de
cabaret ou encore radieuse et hautaine en tant que reine masquée du carnaval d’ouverture.
La présence élégante et l’œil rieur de Concha ne traduit aucun sentiment
sincère mais l’émoi et le fol espoir des prétendant va grandissant au fil des
costumes sophistiqués endossés, de l’ascenseur émotionnel permanent entre rejet
et séduction, bonheur et humiliation.
Plus qu’une femme fatale, Concha est surtout un personnage
libre et inconstant dont l’on n’est jamais aussi proche que lorsqu’on a
fermement décidé de s’en éloigner. Ce sera par les jeux d’un destin capricieux
pour Don Pascuale qui finira toujours par recroiser sa route, mais surtout les
revirements de cœur de Concha s’arrachant, se frétillant telle une anguille
pour échapper à celui qui pensait avoir gagné son cœur. Lionel Atwill est ainsi
délicieusement pathétique face à une Marlene Dietrich à l’humeur aussi
changeante que ses tenues et coiffure dont l’apparat (cette coiffure avec deux
mèches formant un cœur) est un mirage constamment contradictoire quant à ses
sentiments du moment. On devine parfois l’instinct de survie, la mesquinerie ou
la méchanceté pure et simple dans ses actions mais Concha est libre de sa
frivolité, parfaitement résumée dans la chanson qu’elle interprétera au cabaret
face à un auditoire conquis.
Joseph von Sternberg mélange ainsi des éléments des films
précédents avec des aspects plus biographiques de Marlene Dietrich – Théo Esparon
suggère dans les bonus du dvd que la jalousie du personnage de Lionel Atwill
est inspirée de celle bien réelle de son époux Rudolf Sieber vis-à-vis de Josef
Von Sternberg. Cet aspect conclusif et très conscient est des plus captivants
dans La Femme et le Pantin mais c’est également ce qui le rend moins vibrant,
captivant et romanesque que les œuvres précédentes. Von Sternberg sent sa
figure démiurge s’estomper face à l’émancipation de sa créature, et Marlene
Dietrich maîtrise totalement ce qu’elle souhaite laisser entrevoir d’elle à l’écran
– même si quelques-uns dont le Lubitsch d’Ange sauront la sortir de sa zone de
confort. Il était donc temps d’en fini, ce qui est le cas de brillante manière
dans La Femme et le Pantin.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant Films
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