Un éditeur au bord de la faillite décide de
mettre fin à ses jours. Avant de passer à l'acte, il s'offre une nuit
torride avec une prostituée. Cette rencontre va bouleverser son
existence.
Love Hotel avec ses
sursauts d'érotisme apparait comme une sorte de retour aux sources pour
Shinji Somai. Il débuta en effet au sein de la Nikkatsu au début des
années 70 alors que le studio entamait par nécessité son virage vers le
Roman Porno, et y fut notamment l'assistant de Chûsei Sone. Shinji Somai
quitte la Nikkatsu en 1975, le temps de travailler avec Kazuhiko
Hasegawa sur The Man Who Stole the Sun (1979) ou encore Shūji Terayama pour Cache-cache pastoral
(1975). Fort de ces expériences il fera ses débuts en tant que
réalisateur au début des 80's, remportant notamment un immense succès
commercial avec Sailor Suit and Machine Gun
(1981). Le parallèle est d'ailleurs assez amusant puisque alors qu'il
revient signer un Roman Porno dans le giron de la Nikkatsu il réalise la
même année le magistral Typhoon Club (les
deux films sortent en aout 1985 au Japon), un des films qui lui vaudra
d'être qualifié de grand portraitiste de l'adolescence.
Le
scénario est écrit par Takashi Ishii, auteur bénéficiant d'une aura sulfureuse
pour sa carrière de mangaka et plus tard lors de son passage à la
réalisation. Cependant hormis une ouverture bien corsée, Shinji Somai
s'éloigne du cahier des charges du Roman Porno pour dresser le
portrait intimiste de deux solitudes. Muraki (Minori Terada) assiste
impuissant au viol de sa femme par des yakuzas à qui il avait emprunté
une forte somme d'argent. Désespéré et voulant se suicider, il commande
une prostituée dans un love hotel et va sévèrement malmener Nami (Noriko
Hayami) la jeune femme qui se présentera à lui. Ce comportement odieux
représente l'ultime étape d'avilissement pour Muraki qui reprendra sa
vie en main par la suite, mais aussi pour Nami qui décide d'avoir une
carrière plus respectable. Deux ans plus tard le hasard les réunis à
nouveau alors que Muraki est devenu taxi et Nami travaille dans une
boutique de mode. Pourtant le souvenir de cette affreuse nuit plane
encore sur eux, Muraki étant en quête de rachat suite à son attitude et
Nami voyant ce passé lui coller à la peau, à la fois par la liaison
entretenue avec son patron mais aussi le chantage qu'elle subit par ceux
connaissant son ancienne "carrière".
Muraki et Nami qui ont
donc touché le fond ensemble vont tenter de se reconstruire par des
chemins sinueux. Shinji Somai capture une solitude urbaine où la "honte"
d'eux-mêmes des personnages passe par des déambulations nocturnes ou en
journée dans des lieux vides, où ils ne peuvent être scrutés et jugés. Le
refuge se trouve dans les lieux clos, professionnels (le taxi de Muraki
ou la boutique de Nami) ou intimes dans leurs appartements respectifs où
l'infamie passée finit toujours par les rattraper, de leur fait ou
malgré eux. L'ancienne épouse de Muraki continue ainsi de le solliciter
pour raviver un quotidien disparu, ou le temps d'étreintes sans passion.
Nami retrouve également son patron chez elle ou dans des chambres d'hôtel
furtives, toujours instrument du désir d'un autre plus qu'actrice du
sien.
Les deux interprétations sont excellentes dans des registres très
différents. Minori Terada exprime sa volonté de rédemption dans une
attitude sobre, effacée et attentionnée aux antipodes de la brutalité à
laquelle il a jadis cédé et qu'il se reproche. A l'inverse Noriko Hayami
passe par une exubérance, une séduction agressive et une lascivité
sexuelle outrancière où elle cède à l'image, au seul emploi dont elle
s'estime digne. Son espoir de vrais sentiments, elle ne l'exprimera que
dans le combiné d'une ligne de téléphone vide, à travers une joie forcée
qui révèle d'autant plus son désespoir dans une des plus belles scènes
du film.
Pour retrouver la sérénité peut-être faut-il reprendre
tout à zéro là où tout a vrillé, dans cette même sinistre chambre de
Love Hotel - seul endroit où la photo de Noboru Shinoda délaisse la neutralité urbaine pour les couleurs vives avec les éclairages kitschs par lesquels passent justement les émotions à vif positives comme négatives. A l'image de la chambre dont la décoration à changée depuis
la dernière visite, tout peut à travers cette prise de conscience se
dérouler différemment. La scène quasi SM d'ouverture laisse place à une
étreinte charnelle et tendre entre deux êtres qui se souhaitent désormais
le meilleur, ensemble. Preuve de cette bascule en plus de la gestuelle
plus douce, Nami demande à Muraki de l'appeler par ce prénom qui est le
sien alors qu'elle avait adopté le pseudo Yumi lors de leur première
rencontre. La conclusion douce-amère nous rappelle cependant que cet
épanouissement est éphémère et que le couple verra toujours ce passé
douloureux à travers l'autre, ce qui rend la séparation inéluctable.
Vraiment un très beau film où Somai fait montre d'une sensibilité à
fleur de peau qui sait tout autant observer les fêlures du monde des
adultes.
Sorti en bluray japonais
Hors du Temps d'Olivier Assayas - 2024
Il y a 2 heures
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