L'abbaye de
Saint-Jean-la-Rivière menace de fermer ses portes. Ce qui serait une véritable
catastrophe pour ses pensionnaires, tous de vieux comédiens sans ressource.
Saint-Clair, acteur autrefois adulé et grand séducteur de femmes, vient
justement d'y arriver et y retrouve Marny, grand rival dont il avait jadis
séduit la femme.
La Fin du jour est un projet voulu comme plus personnel et
typiquement français après la furtive expérience américaine qui l’a vu réaliser
Toute la ville danse (1938) pour la MGM. Les circonstances l’y feront
retourner plus tôt qu’il ne pense mais en attendant il signe donc le script de La Fin du jour avec Charles Spaak,
envisagé avant l’échappée américaine. Ils s’inspirent du vrai hospice pour
comédien de Pont-aux-Dames pour ce qui sera un portrait à la fois tendre et cru
du comédien, dont les travers s’avèrent aussi exacerbé que touchant ou
pathétique dans ce déclin de la vieillesse.
Les têtes d’affiches sont supposées être trois monstres
sacrés avec Raimu, Louis Jouvet et Michel Simon. Le premier se désistera à
quelques semaines du tournage pour être remplacé par Victor Francen. Chacun d’eux
représentera une facette différentes du comédien de théâtre : le séducteur
ayant connu les feux de la rampe avec Sain-Clair (Louis Jouvet), le talent
reconnu mais qui à l’inverse n’a jamais connu le succès et s’en désole (pour
Marny (Victor Francen) et le cabot rigolard mais cachant dissimulant des
fêlures plus profondes à travers Cabrissade (Michel Simon). Derrière ces
mastodontes on trouve toute une joyeuse communauté composée d’ailleurs de vrai
comédiens vieillissant qui ont vécus et vivent encore les expériences de leur
personnages.
Le déclin des protagonistes se ressent à divers degrés. Dès
les premières minutes le contexte d’exercice du métier avec cette scène
provinciale qu’on devine clairsemée, le désintérêt des techniciens plus pressés
d’avoir leur train que de suivre la prestation de Saint-Clair, et même l’artifice
de la jeunesse fanée de celui-ci (le costume et les postiches qu’il enlève et
révèle son visage vieillissant) témoigne de la déchéance du théâtre et donc de
ses acteurs (l’évocation du cinéma voisin qui fait recette). Chaque membre du
trio se délecte ou se morfond donc dans ce qu’a été sa vie de comédien, que ce
soit le viveur Saint-Clair, le torturé et amer Marny (auquel s’ajoute le deuil
de sa femme qui s’ajoute à son « emploi ») ou la gouaille de
Cabrissade, avec comme fil rouge pour tous un indéniable égoïsme.
C’est un prétexte à un beau numéro d’acteur et à nombres de
situations truculentes mais, en toile de fond se dessine témoigne aussi d’une
disparition non seulement aux yeux du public mais de la société avec la
fermeture imminente de l’hospice. Sans scène où briller, sans regard pour les
admirer, tous ne sont plus que des vieillards qui s’agitent en vain. La beauté
et la tendresse vient alors des petites mains continuant à s’aimer malgré cet
oubli, comme ce couple au crépuscule de l’âge qui décide de se marier pour être
transférer dans le même hospice. Duvivier semble poser un regard bienveillant, notamment à
travers un rebondissement qui résout la problématique de l’hospice menacé. La
noirceur du réalisateur agit donc sur l’humain en tirant les excentricités
amusées des personnages vers une folie qui leur sera fatale. La conclusion
douce-amère est typique du réalisateur, tout en atténuant pas l’amour sincère
des comédiens qu’il révèle tout au long de ce film qui était son œuvre favorite
(avec Poil de carotte (1931) au sein de sa filmographie.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Pathé
Un trés grand Duvivier ! Heureux qu'il soit enfin apprécié à sa juste valeur et redécouvert, ce n'était pas le cas dans les années 80.
RépondreSupprimerC'est clair qu'il était très méconnu, avant la belle réédition vidéo récente je n'en avait même jamais entendu parler.
Supprimer