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jeudi 16 avril 2020

Brancaleone s'en va-t-aux croisades - Brancaleone alle Crociate, Mario Monicelli (1970)


En voyage avec une armée de miséreux, à la conquête du Saint Sépulcre, Brancaleone de Norcia perd tous ses compagnons dans la bataille. Désespéré, il invoque la Mort puis prend peur et demande un délai qui lui est accordé. Après avoir sauvé la vie à un nouveau-né, fils d'un roi normand, il se remet en route - avec une nouvelle armée de loqueteux - pour ramener l'enfant à son père. En chemin, il sauve du bûcher une jeune sorcière…

Brancaleone s'en va-t-aux croisades est la suite de L’Armata Brancaleone (1966), immense succès qui se singularisait par son cadre original du Moyen-Age pour une comédie et où Mario Monicelli dirigeait un Vittorio Gassman survolté en chevalier don quichotesqueque. Les producteurs sollicitent immédiatement un Monicelli réticent pour une suite, et qui ne cédera que quatre ans plus tard par la grâce du scénario inspiré du duo Age-Scarpelli. L’angle est cette fois de dépeindre les croisades, notamment à travers une tonalité mortifère qui planera sur tout le récit.

Vittorio Gassman incarne donc à nouveau le chevalier Brancaleone de Norcia, une figure haute en couleur dont le vrai sens de la justice et l’héroïsme sincère se conjuguent à une prestation surdimensionnée de matamore en total décalage avec son environnement. Monicelli opte en effet pour une optique réaliste dans la description de son Moyen-Age, loin des clichés chevaleresques ou d’amour courtois. Les nobles desseins de Brancaleone se heurtent toujours ainsi à la saleté, l’obscurantisme et la barbarie de ce Moyen-Age. L’amateur de Monicelli n’est pas dépaysé puisqu’il transpose ici la structure du groupe mal assorti dont l’entreprise est vouée à l’échec, popularisée avec les cambrioleurs ratés de Le Pigeon (1958), les soldats couards de La Grande Guerre (1959) ou encore les fêtards de Larmes de joie (1960).

Cela se manifeste ici dans cette épopée vers la terre promise tournée en ridicule dès la scène d’ouverture où le groupe vole un bateau et après une courte traversée pense être arrivée à destination. Ils n’ont fait que naviguer que sur un lac et n’ont pas quitté l’Italie (la situation ubuesque se comprenant avec la tentative de traduction du langage d’un « étranger »), et vont finir par être massacrés par des dissidents soutenant un autre pape.

Brancaleone est un être en quête de hauts faits, mais qui se refusent à lui dans ce Moyen-Age décadent. La troupe qui va se constituer à ses côtés est ainsi la négation des valeurs de cette ère avec une sorcière (Stefania Sandrelli), un nain, un fou aux aspirations suicidaires, un étranger, mais qui chacun dans leurs imperfections incarnent une humanité attachante qui s’oppose aux dogmes ambiants, qu’ils soient religieux ou sociaux. Brancaleone se fond dans ses dogmes mais les surmontent tout au long du film par ses actes, sauvant une Stefania Sandrelli promise au bûcher puis l’adoptant quand elle s’avère bien une sorcière et il en ira de même pour d’autres laissés pour compte qui formeront une véritable cour des miracles en route pour la croisade.

Le film trouve ainsi le ton idéal entre la farce et un vrai ton épique grâce à la prestation toute en démesure de Vittorio Gassman. Qu’il mette en déroute un groupe d’assaillant ou qu’il relève un défi religieux en marchant sur des charbons ardents, l’acteur est toujours sur la corde raide entre bouffon et exalté, par ses expressions hilarantes et sa débauche physique impressionnante. Monicelli déploie des morceaux de bravoures plein d’énergie et une imagerie épique qui se baigne d’un onirisme captivant, notamment dans les apparitions de la Mort. Ce Moyen-Age ne mérite pas le cœur vaillant de Brancaleone et la fin glorieuse attendue s’y dérobera toujours à lui. Monicelli sous les rires retrouve ainsi l’émotion dont il est capable lors de la disparition des parias magnifiques, vrais héros du récit que ce soit le nain ou Stefania Sandrelli à la dernière scène poignante.  Une belle réussite qui manie les ruptures de ton avec brio. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez ESC (ce serait bien qu'un éditeur français sorte le premier volet un jour d'ailleurs) 

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