Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 10 avril 2020

Il Maestro di Vigevano - Elio Petri (1963)


Dans la petite ville de Vigevano, capitale lombarde de la chaussure, Antonio Monbelli gagne sa vie comme instituteur. Mais il doit faire face aux plaintes quotidiennes de sa femme qui aspire à un train de vie meilleur. Un jour, celle-ci trouve un emploi d'ouvrière dans une petite usine de la ville. Pour Monbelli, c'est à la fois un affront, une honte et le début d'une remise en question.

Troisième film d’Elio Petri, Il Maestro di Vigevano s’inscrit au sein de sa filmographie dans un cycle sur le travail où il suit Les Jours comptés (1962) et précède le célèbre La Classe ouvrière va au paradis (1971). Chacune de ses œuvres voit un employé s’interroger et remettre en question la raison d’être et la routine d’un travail auquel il a consacré sa vie. En rajeunissant progressivement les héros, le propos devient plus vindicatif, commençant avec le désenchantement du vieil homme de Les Jours comptés (inspiré du propre père d’Elio Petri), se poursuivant avec les hésitation du quarantenaire de Il Maestro di Vigevano et se concluant dans le chaos avec la rage au ventre du trentenaire Gian Maria Volonté dans La Classe ouvrière va au paradis.

Il Maestro di Vigevano (adapté d'un roman de Lucio Mastronardi) est un film intéressant mais malgré tout le moins bon des trois car Elio Petri a du mal à intégrer la persona filmique si forte de son interprète Alberto Sordi au sein de ses préoccupations sociales et son ton désenchanté. Sordi incarne ici Antonio Monbelli, instituteur au sein de la petite ville de Vigevano, présentée dans une introduction ironique comme la capitale lombarde de la chaussure. L’ambition et les tentations du boom économique italien planent ainsi autour de ce qualificatif, s’opposant à la fierté bourgeoise que ressent Monbelli dans son statut d’enseignant mais dont les revenus modestes désespèrent sa femme Ada (Claire Bloom). Le contexte de soumission et d’humiliation au sein de l’école à travers les hilarantes scènes face au directeur nous font vite comprendre que ce poste n’a de prestigieux que le nom face aux notables de la ville. C’est cette seule satisfaction qui accroche Monbelli à un métier pour lequel il n’a pas la vocation au vu de son attitude pathétique face aux élèves. Sordi sort un grand numéro comique dont il a le secret, forçant l’autorité et la servilité dans sa classe dès que l’imposant et auto satisfait directeur s’y impose.

L’autre voie, celle où le pousse sa femme serait d’endosser ce boom économique en se lançant dans l’industrie de chaussure. Les entraves sociales de notre héros sautent progressivement face au risque de perdre sa femme, qu’il laisse malgré lui travailler à l’usine (le temps d’acquérir cette hargne qui vous incite à être votre propre patron) avant qu’elle mène sa propre affaire. La dichotomie des désirs de Monbelli entre le statut et le confort causera sa perte et Elio Petri renvoie les deux dos à dos. Les bourgeois ont cette condescendance détestable envers les ouvriers (terrible et très drôle scène où les instituteurs tentent à la rentrée de s’échanger les élèves de bonnes familles et d’ouvrier de leur classe), ceux d’entre ayant réussis le leur rendant bien par leur attitude vulgaire et tape à l’œil – voir la première du sortie du couple exhibant vêtements élégants et bijoux voyants à l’assemblée. Ceux sont les deux facettes d’une même pièce où le mépris social d’antan rejoint le capitalisme cynique.

Le problème du film est de ne pas réussir à suffisamment bien marier le drame et la comédie, ce qui témoigne du rendez-vous manqué entre Elio Petri et Alberto Sordi. Chez Petri le contexte délétère n’empêche pas une dimension morale, une rédemption que poursuit le héros ou qui le rattrape dans L’Assassin (1961), La Propriété, c'est plus le vol (1973) ou Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçons (1970). On ne le ressent jamais vraiment ici avec la prestation de Sordiqui, dans ses meilleurs rôles, sait dégager sous l’apparat pleutre ou vantard une humanité qui le rend bouleversant au sein de films comme Une vie difficile (1961), Mafioso (1962) ou Détenu en attente de jugement (1971). 

Les idées formelles parviennent par intermittence à créer ce sentiment, notamment une incroyable scène de cauchemar mais dans l’ensemble le récit tire en longueur sans savoir choisir son ton ou son angle. On ne ressent aucune différence positive ou négative entre le Monbelli du début et celui de la scène finale malgré les épreuves traversées. Un œuvre intéressante donc pour l’amateur d’Elio Petri mais loin de ses plus grandes réussites. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Studiocanal 

2 commentaires:

  1. Bonjour Justin. Je vous trouve un peu sévère avec ce film que j'aime beaucoup. Certes, Sordi accapare le film mais celui-ci reste grinçant. Et Claire Bloom est si belle...

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    1. Oui sans doute un peu sévère mais j'avais vraiment une grosse attente sur la rencontre entre Elio Petri et Alberto Sordi et là tout en restant regardable c'est un rendez-vous manqué, quelque chose ne fonctionne pas je trouve. Tous deux ont fait bien mieux par ailleurs.

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