Dans la petite ville
de Vigevano, capitale lombarde de la chaussure, Antonio Monbelli gagne sa vie
comme instituteur. Mais il doit faire face aux plaintes quotidiennes de sa
femme qui aspire à un train de vie meilleur. Un jour, celle-ci trouve un emploi
d'ouvrière dans une petite usine de la ville. Pour Monbelli, c'est à la fois un
affront, une honte et le début d'une remise en question.
Troisième film d’Elio Petri, Il Maestro di Vigevano s’inscrit au sein de sa filmographie dans un
cycle sur le travail où il suit Les Jours
comptés (1962) et précède le célèbre La Classe ouvrière va au paradis (1971). Chacune de ses œuvres voit un employé
s’interroger et remettre en question la raison d’être et la routine d’un
travail auquel il a consacré sa vie. En rajeunissant progressivement les héros,
le propos devient plus vindicatif, commençant avec le désenchantement du vieil
homme de Les Jours comptés (inspiré
du propre père d’Elio Petri), se poursuivant avec les hésitation du
quarantenaire de Il Maestro di Vigevano
et se concluant dans le chaos avec la rage au ventre du trentenaire Gian Maria
Volonté dans La Classe ouvrière va au
paradis.
Il Maestro di Vigevano
(adapté d'un roman de Lucio Mastronardi) est un film intéressant mais malgré tout le moins bon des trois car Elio Petri
a du mal à intégrer la persona filmique si forte de son interprète Alberto
Sordi au sein de ses préoccupations sociales et son ton désenchanté. Sordi
incarne ici Antonio Monbelli, instituteur au sein de la petite ville de
Vigevano, présentée dans une introduction ironique comme la capitale lombarde
de la chaussure. L’ambition et les tentations du boom économique italien planent
ainsi autour de ce qualificatif, s’opposant à la fierté bourgeoise que ressent
Monbelli dans son statut d’enseignant mais dont les revenus modestes désespèrent
sa femme Ada (Claire Bloom). Le contexte de soumission et d’humiliation au sein
de l’école à travers les hilarantes scènes face au directeur nous font vite
comprendre que ce poste n’a de prestigieux que le nom face aux notables de la
ville. C’est cette seule satisfaction qui accroche Monbelli à un métier pour
lequel il n’a pas la vocation au vu de son attitude pathétique face aux élèves.
Sordi sort un grand numéro comique dont il a le secret, forçant l’autorité et
la servilité dans sa classe dès que l’imposant et auto satisfait directeur s’y
impose.
L’autre voie, celle où le pousse sa femme serait d’endosser
ce boom économique en se lançant dans l’industrie de chaussure. Les entraves
sociales de notre héros sautent progressivement face au risque de perdre sa
femme, qu’il laisse malgré lui travailler à l’usine (le temps d’acquérir cette
hargne qui vous incite à être votre propre patron) avant qu’elle mène sa propre
affaire. La dichotomie des désirs de Monbelli entre le statut et le confort
causera sa perte et Elio Petri renvoie les deux dos à dos. Les bourgeois ont
cette condescendance détestable envers les ouvriers (terrible et très drôle
scène où les instituteurs tentent à la rentrée de s’échanger les élèves de
bonnes familles et d’ouvrier de leur classe), ceux d’entre ayant réussis le
leur rendant bien par leur attitude vulgaire et tape à l’œil – voir la première
du sortie du couple exhibant vêtements élégants et bijoux voyants à l’assemblée.
Ceux sont les deux facettes d’une même pièce où le mépris social d’antan
rejoint le capitalisme cynique.
Le problème du film est de ne pas réussir à suffisamment
bien marier le drame et la comédie, ce qui témoigne du rendez-vous manqué entre
Elio Petri et Alberto Sordi. Chez Petri le contexte délétère n’empêche pas une
dimension morale, une rédemption que poursuit le héros ou qui le rattrape dans L’Assassin (1961), La Propriété, c'est plus le vol (1973) ou Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçons (1970). On ne le
ressent jamais vraiment ici avec la prestation de Sordiqui, dans ses meilleurs
rôles, sait dégager sous l’apparat pleutre ou vantard une humanité qui le rend
bouleversant au sein de films comme Une vie difficile (1961), Mafioso (1962)
ou Détenu en attente de jugement
(1971).
Les idées formelles parviennent par intermittence à créer ce sentiment,
notamment une incroyable scène de cauchemar mais dans l’ensemble le récit tire
en longueur sans savoir choisir son ton ou son angle. On ne ressent aucune
différence positive ou négative entre le Monbelli du début et celui de la scène
finale malgré les épreuves traversées. Un œuvre intéressante donc pour l’amateur
d’Elio Petri mais loin de ses plus grandes réussites.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Studiocanal
Bonjour Justin. Je vous trouve un peu sévère avec ce film que j'aime beaucoup. Certes, Sordi accapare le film mais celui-ci reste grinçant. Et Claire Bloom est si belle...
RépondreSupprimerOui sans doute un peu sévère mais j'avais vraiment une grosse attente sur la rencontre entre Elio Petri et Alberto Sordi et là tout en restant regardable c'est un rendez-vous manqué, quelque chose ne fonctionne pas je trouve. Tous deux ont fait bien mieux par ailleurs.
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