Fang Gang, fils du
serviteur dévoué Fang Cheng, est élevé, à la mort de son père, par son maître
Qi Ru-feng qui le considère comme son propre fils. Alors qu'il doit lui
succéder, Fang Gang éveille la jalousie de la fille de son maître qui le
provoque en duel et lui tranche un bras par traîtrise. Fang Gang se réfugie
chez une fermière, laissant de côté les arts martiaux jusqu'à ce qu'il apprenne
que son maître est menacé.
La refonte du wu xia pian (film de sabre chinois) passera
par deux écoles au sein de la Shaw Brothers en ce milieu des années 60. Il y
eut tout d’abord la révolution de L’Hirondelle d’or de King Hu (1966) qui prolonge la tradition de l’Opéra de Pékin (par l’héroïne
travestie en homme notamment) et une modernité dans la rigueur de la
reconstitution, dans la mobilité de la mise en scène ainsi que la recherche des
chorégraphies martiales. L’autre approche vient de Chang Cheh qui cherche à
reproduire dans le wu xia pian la brutalité et l’efficacité du chambarra
japonais. Son premier essai dans le genre sera donc Le trio magnifique (1966) remake du classique Trois samouraïs hors-la-loi d’Hideo Gosha (1964). Un seul bras les tua tous relève de la
même inspiration puisque cherchant décalquer le principe d’un combattant dont le
handicap décuple les capacités martiales, fameux avec la saga Zatoichi au Japon
et son héros aveugle. Chang Cheh en tire un avatar local en s’inspirant du
roman The Mythical Crane Hero de Jing
Yong où parmi les personnages secondaires figure un sabreur manchot. Le
réalisateur refaçonne donc totalement cette figure à travers un récit original
conçu avec le scénariste Ni Kuang.
On trouve là dans une belle épure l’archétype du héros à la fois torturé par l’esprit et mutilé dans son corps, emblématique chez Chang Cheh.
Fang Gang (Jimmy Wang Yu) est l’apprenti du maître d’arts martiaux Qi Ru-feng (Tien Feng) qui l’a élevé car son
père est mort en lui sauvant la vie. Fang Gang malgré ses aptitudes de combat
et l’affection de son maître ne se sent pas à sa place. Il doit son rang à l’héroïsme
d’un autre, et se voit disputer sa légitimité par ses condisciples d’une classe
sociale supérieure. Provoqué lâchement par eux, il va y perdre accidentellement
son bras gauche. La déconstruction puis la renaissance du personnage passe par
cette amputation, afin de tracer sa propre voie tant au niveau intime (trouver l’amour
et mener une autre existence que le tumulte auquel le destinait les arts
martiaux) et dans son identité de combattant puisque cet handicap va lui
permettre de concevoir une technique qui lui a inventée. Cette mue s’avérera
une bénédiction face à un redoutable adversaire ayant conçu une botte secrète
spécifique à parer l’enseignement de son maître.
Un des aspects plaisant du film réside dans son aspect
profondément introspectif. Ce que les suites Le Bras
de la Vengeance (1969) et La Rage du
Tigre (1971) gagneront en dimension ludique et spectaculaire, elles le
perdront dans l’émotion dégagée par ce premier volet. Jimmy Wang Yu y est pour
beaucoup, vulnérable et timoré en pleine possession de ses moyens physiques et
progressivement déterminé et invincible avec ce membre en moins. La résolution
des complexes passe par un ouvrage d’arts martiaux également amputé de la
moitié de ses pages, l’addition des manques de la source, de celui venu s’y
abreuver ainsi que de son arme (le sabre de son père dont il manque la moitié
de la lame) concevant quelque chose d’inédit.
Chang Cheh ne recherche pas le mélange de contemplatif et de
mouvement de King Hu dans son approche formelle. Sans être pour autant bâclés
(le savoir-faire de la Shaw Brother est là dans la beauté des décors studios)
les différents environnements sont fonctionnels (hormis la magnifique scène
enneigée fatale à Fang Gang) et le réalisateur concentre sa maestria sur les
scènes de combats. Les rituels de mise à mort exercent une fascination sadique
pour lui, répétant ad nauseam la parade, l’effet de surprise du vaincu, le
rictus de satisfaction du vainqueur, et les hurlements du perdant éventré d’un
brutal coup de poignard. L’effet est à la fois hypnotique et révoltant envers
la vilénie des méchants, renforçant ainsi la jubilation primaire lorsque Fang Gang
contre enfin la botte secrète et suscite la stupéfaction chez l’adversaire.
C’est cette émotion brute, ces bas-instincts ravivés que recherche Chang Cheh
même s’il se contient encore ici et sert la dramaturgie du récit. Les envolées
d’hémoglobines seront autrement plus outrées dans ses films à venir. Le film
constituera donc une vraie révolution et fera un triomphe au box-office, devenant
le premier film de l'histoire cinématographique hongkongaise à engranger un
million de dollar HK. Il sonne un temps le glas des héroïnes fortes pour
laisser place aux héros virils et écorchés, Le
Retour de l’Hirondelle d’or (1968) signé Chang Cheh marquant cette bascule
en laissant Chang Pei-Pei au second plan. Bien plus tard, The Blade de Tsui Hark (1995) constituera un retour aux sources
déférent et révolutionnaire à cette œuvre séminale du cinéma martial hongkongais.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Wild Side
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