Lors de la Première
Guerre mondiale, Paul Bäumer et ses amis de classe d'un lycée allemand se
décident à s'enrôler volontairement pour répondre aux harangues patriotiques de
leur professeur qui les exhorte à défendre la patrie et à se couvrir de gloire.
Les uns enthousiastes, les autres ne voulant pas se singulariser. Bien vite,
les adolescents se rendent compte qu'il n'y a pas que des bons côtés à la
guerre…
À l'Ouest, rien de
nouveau, magnifique adaptation du roman pacifiste d’Erich Maria Remarque,
marque une date dans l’histoire du cinéma américain et notamment du studio
Universal. En effet durant les années 20 Universal est un studio de seconde
zone centré sur le court-métrage ou les séries B à petit budget. Lorsque Carl
Laemmle Jr. est nommé par le propriétaire du studio (son père Carl Laemmle)
responsable de production, l’orientation change vers des projets plus ambitieux
et novateurs. Broadway de Paul Fejos
(1929) est ainsi une des premières comédies musicales entièrement parlantes et
qui remportera un immense succès. Carl Laemmle Jr. voit encore plus grand et
risqué pour le projet suivant avec donc l’adaptation du best-seller d’Erich
Maria Remarque. Lewis Milestone qui sort d’un Oscar du meilleur film en 1929
pour la comédie muette Frères d’armes
parait le candidat tout désigné par son sens visuel très fort.
Cela est manifeste dès l’impressionnante séquence d’ouverture
où il capture avec emphase l’illusion héroïque de ce que représente la guerre
pour les civils. Les plans d’ensemble saisissent une foule en liesse
accueillant ses soldats triomphants défilant dans la ville, et Milestone fait formellement
de ce spectacle une fenêtre sur l’aventure pour des lycéens qui aperçoivent et
entendent ce tumulte depuis les fenêtres de leur classe. A cela s’ajoute les
exhortations enfiévrées et patriotiques de leur professeur les incitant à s’engager.
Milestone use d’un pur langage de cinéma muet pour saisir les aspirations et
doutes des jeunes gens à ce discours, dessinant ainsi déjà leur personnalité à
venir sur le front. La désillusion opère bien vite même si baignée d’une bonne
humeur de comédie de régiment lorsqu’ils font leur classe à la dure sous la
férule de Himmelstoss (John Wray), leur ancien facteur grisé par sa nouvelle
autorité.
C’est lors de la réalité du front que Milestone déploie
toute sa maestria. Le film s’ouvre sans indication du stade d’avancement de la
guerre au moment où nos héros s’engagent (on ne saura qu’à la fin qu’ils ont
guerroyés trois ans). Dès lors cela installe une forme de monotonie, d’habitude
dans l’alternance de l’enfer des batailles puis des arrêts dans des cités en
ruines interchangeables. Seul moyen de tenir le coup, la camaraderie intense,
celle que l’on y a emmenée et celle qu’on y trouvera. Louis Wolhein incarne
ainsi un mentor truculent et charismatique, Slim Summerville (réalisateur et
acteur brillant dans le registre du burlesque) une attachante caution comique
et toute la troupe de vétérans constitueront de solides socles pour décrypter
les codes de survie. Lewis Milestone fait disparaître toute cette
caractérisation lors des séquences guerrières où les soldats sont réduits à des
silhouettes anonymes fuyant ou semant la mort. Les travellings frénétiques
(dans un usage inédit à l’époque) accompagnent les courses dératées pour
échapper aux bombes, et les contre-plongées saisissent les ombres qui plongent
baïonnettes en avant au sein des tranchées. Ces visions de chaos composent des tableaux apocalyptiques magnifiés par la photo de Arthur Edeson.
La mort ne devient intime que lorsque l’ennemi prend visage
humain et que l’innocent Paul (Lew Ayres) le frappe et observe longuement son
agonie. L’antagoniste est homme, avec une vie, une famille et qui rencontre la
même terreur en situation. Paul prend alors conscience de l’absurdité de son
action, un dialogue entre soldats ayant précédemment exprimés leur absence de
jugements politiques, pantins d’enjeux qui les dépassent au service des
puissants.
Ce dernier souffle endosse plusieurs tonalités tout au long
du récit, toutes témoignant de la vacuité belliciste. La mort de Kemmerich (Ben
Alexander) est un déchirement où l’on voit la jeunesse frappée en pleine cœur,
plus tard le suivit des propriétaires d’une paire de bottes neuve montre la
fatalité aussi hasardeuse qu’impitoyable. Les respirations reposent sur un
éphémère sans visage ni mots (la touchante scène où Milestone se contente de filmer
l’ombre du lit et capter le dialogue impossible entre Paul et une jeune
française). Pourtant le héros s’accroche avec acharnement à la vie, mais pour
quoi, pour qui ? La permission où il se sent détaché de sa vie d’avant,
des élans va-t’en guerre de ceux qui n’ont pas connu l’enfer, signe le glas
inconscient de cette volonté. Tout ce qui reste à Paul, c’est ce monde
intérieur, cette aspiration à une innocence révolue qui lui coutera à son tour
la vie. Milestone répète alors avec une beauté funèbre ce plan prémonitoire où
il observait dans une avancée spectrale le départ des jeunes gens pour le
front.
Le film sera un immense succès récompensé de deux Oscars
(meilleur film et meilleur réalisateur) et censuré à sa sortie au sein de l’Allemagne
nazie. Les ouvrages suivants d’Erich Maria Remarque poursuivront cette veine
engagée et connaîtront de belles adaptations (The Road Back (1937) de James Whale adapté d’Après suite directe d’À
l'Ouest, rien de nouveau, Trois camarades de Frank Borzage (1938) sur la montée du nazisme et bien sûr Le Temps d'aimer et le Temps de mourir
de Douglas Sirk (1958). Quant à Lewis Milestone il brillera encore par la suite
dans le film de guerre, dans un registre de propagande avec l’épique L’Ange des ténèbres (1943) ou dans la
même veine pacifiste pour La Gloire et la peur (1959).
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Universal
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