Charlotte, 13 ans, vit
en province avec son père, son frère et Léone, la bonne. Pour elle l'été
s'annonce sans intérêt. Un jour, son chemin croise celui de Clara, une jeune
pianiste prodige. Cette rencontre va bouleverser sa vie.
Après la lourde logistique du tournage de Mortelle randonnée (1983), Claude Miller
souhaite enchaîner avec un projet plus modeste pour son film suivant. Son
épouse et collaboratrice Anne Miller l’oriente alors vers la littérature de Carson
McCullers dont un élément l’a frappée lors d’une lecture récente. Il s’agit de
la description d’un personnage qui, suite à l’invitation de forme d’une star
hollywoodienne à laquelle elle avait écrit, se monte la tête et s’affaire en
préparatifs pour un futur voyage. Miller intrigué invite donc ses scénaristes
Luc Béraud et Bernard Stora à repérer un ouvrage de Carson McCullers
susceptible d’être adapté. Ils jetteront leur dévolu sur Frankie Addams qui répond à toutes les attentes de Miller mis se
heurteront à une impasse lorsqu’ils chercheront à rencontrer les ayants-droits
de Carston McCullers, décédée depuis 1967. Le réalisateur ne démord pas et du
coup le film sera un savant mélange d’un premier scénario écrit par Luc Beraud
et Bernard Stora, d’un second dû à Claude et Anne Miller qui y inclus nombre d’éléments
autobiographique, et enfin de nombreux dialogues et situations piochés dans Frankie Addams.
L’Effrontée
constitue le chaînon manquant entre Diabolo Menthe (1977) et La Boum (1980) dans
l’adolescence frnçaise filmée. Diabolo
Menthe confrontait les préoccupations adolescentes et féministe naissantes à un monde
disparu (l’intrigue se déroulant au début des années 60) et pas conditionné pour en
tenir compte. La Boum à l’inverse
était un film bien de son temps où ces maux adolescents prenaient tout l’espace
d’une époque qui avait appris (les travaux de Françoise Dolto entre autre) à s’en
préoccuper. L’Effrontée est
différent, moins soucieux de son environnement (en terme sociétal du moins) et
creusant cet âge ingrat par l’observation d’une mélancolie, d’un manque que l’on
ne sait expliquer. C’est le cas de la jeune Charlotte (Charlotte Gainsbourg), à
fleur de peau et exaspérée de tout lors de l’été de ses 13 ans. L’ennui
provincial ordinaire, le train-train familial, les amis de son âge
creux, rien ne trouve grâce aux yeux de notre héroïne aussi agaçante qu’attachante
dans ses épisodiques colères. On devine en filigrane que l’absence de mère
(morte lorsqu’elle était enfant) occasionne un manque affectif et de modèle
féminin, tout comme l’amitié avec la petite voisine Lulu (Julie Glenn) illustre
le manque de complice de son âge.
Dès lors Charlotte se projette et fantasme dans ce qui
symbolise l’ailleurs idéal pour ses aspirations juvéniles. Ce sera d’abord la
vie de rêve du petit prodige du piano Clara (Clothilde Baudon) dont le talent,
la présence lumineuse et l’allant contrastent avec les attitudes timorées de
Charlotte. Enfin le semblant d’intérêt de Jean (Jean-Philippe Écoffey), jeune
ouvrier local et marin à ses heures, la fait se sentir femme avant l’heure.
Dans les deux cas elle se heurtera à l’illusion, ou à des expériences pour
lesquelles elle n’est pas prête. Charlotte Gainsbourg est une immense
révélation, présence frêle, timbre chevrotant, dans un mélange de doutes
certains et de détermination sans but.
La jeune fille sait ce qu’elle ne veut
plus, mais pas encore ce à quoi elle aspire et c’est ce contraste qui mène à
son inconséquence constante. La mise en scène de Claude Miller, loin de la
sophistication de Mortelle Randonnée,
se mets entièrement au service des états d’âmes de son héroïne. Elle observe les autres avec envie, curiosité et souhaite susciter le même intérêt, une impossibilité que Miller place dans ce constant jeu regardant/non regardée de sa réalisation, de ses valeurs de plan - le regard justement fuyant de Clara entourée de fans après le concert. C'est à travers ce même regard de Charlotte que Miller fait exister tous les seconds rôles, de la
bienveillante et franche du collier Bernadette Lafont au jeune homme séduisant
mais inquiétant joué par Jean-Philippe Ecoffey (qui pour le coup regarde Charlotte mais pas avec les sentiments qui conviennent).
Miller capture sous les cris la
vraie affection qui lie les membres de cette famille (très bel scène d’au
revoir du grand frère (Simon de La Brosse) partant en vacances), et même à
capter certains maux dans le non-dit comme la solitude du père (Raoul Billerey)
que Charlotte observe durant son petit déjeuner. L’émotion ténue, fragile et
toujours juste fonctionne de bout en bout pour un très beau film. La sortie
sera un triomphe commercial et critique (Prix Louis Delluc, César du meilleur
espoir et du meilleur second rôle pour Charlotte Gainsbourg et Bernadette Lafont)
cependant entaché par le réveil des héritiers de Carson McCullers qui
réclameront leur dû – tout se réglera en coulisse sans procès en échange d’une
certaine somme. Claude Miller souffrira d’ailleurs d’une presse calomnieuse l’accusant
de plagiat, argument stupide puisque adaptation officieuse ou pas c’est bien
son travail de réalisateur pour mettre en image cette histoire et diriger ces
acteurs qui sont la source de cette réussite. En tout cas la même équipe se
retrouvera trois ans plus tard pour La
Petite voleuse en forme de revanche à ce succès aigre-doux.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez TF1 Vidéo
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