Nobuhiko Obayashi fut profondément marqué dans sa tendre
enfance par l’expérience de la guerre, observant notamment de près les ravages
d’Hiroshima car vivant dans la région. La guerre hante donc nombre de ses
films, à commencer par l’inaugural House
(1977) dont l’esprit maléfique est celui d’une femme n’ayant jamais vu son
amour revenir du front. On retrouvera ce thème dans son avant-dernier film Hanagatami (2017) que préfigure
grandement ce magnifique Bound for the
Fields, the Mountains, and the Seacoast.
L’histoire se déroule en 1937, dans une petite ville située
au sein des îles de la mer intérieure du Japon. C’est précisément l’année où se
déclare la guerre sino-japonaise et qui voit le pays basculer dans une folie
militariste et nationaliste. Le cadre de l’île constitue ainsi un microcosme de
ce contexte par le prisme d’un récit essentiellement à hauteur d’enfant. Le
jeune et facétieux Sudo (Yasufumi Hayashi) va vivre une relation amour/haine
avec le nouvel élève Sakae (Jun'ichirô Katagiri), intimidant car plus grand et
plus âgé. L’astuce de Sudo s’oppose à l’agressivité de Sakae, notamment lorsque
le premier va tomber amoureux de Oshi (Isako Washio) la sœur plus âgée du
second. La violence des enfants va s’élever à l’échelle de l’école dans une
sorte de Guerre des boutons à la
japonaise, en métaphore de l’esprit guerrier fanatique des adultes puisqu’en
arrière-plan les militaires rôdent et cherchent à enrôler les jeunes gens de l’île.
L’enjeu amoureux et affectueux du conflit tisse cependant la
frontière entre les enfants guidés par des émotions pures qu’ils expriment
encore maladroitement, et les adultes obéissant sans recul à une idéologie
belliqueuse. La tonalité juvénile lorgne clairement sur Ozu par le côté potache
des situations, de l’inventivité et du rythme des gags. Mais le personnage d’Oshi
ramène la dimension féministe et romanesque chère à Obayashi, l’adolescente
vivant une romance avec batelier pacifiste mais menacé par la conscription. Le
rythme languissant accompagne donc ces deux facettes de l’innocence, enfantine et
pas complètement entrée dans l’adolescence (Sudo/Sakae) et l’adolescence sur le
point d’entrer dans l’âge adulte avec Oshi. La corruption de leurs aînés menace
cet équilibre par ce contexte militaire, mais aussi par la démission des parents.
Toute l’opposition de caractère de Sudo et Sakaé s’explique par cela, Sudo
élevé par un père médecin et progressiste se montrant plus mesuré quand Sakaé
fils de concubine livré à lui-même n’a trouvé que la force pour s’affirmer.
Obayashi lie donc ce monde de l’enfance à celui des adultes
par la noirceur de ce dernier dont la violence va rattraper nos jeunes héros.
La pression d’être « un homme » pousse ainsi le batelier à endosser l’uniforme,
les enfants par leur batailles en culottes courtes offre un mimétisme aux
adultes et Oshi s’apprête à perdre douloureusement son innocence en étant vendu
par ses parents endettés à une maison close. Ces trois enjeux se rejoignent
pour célébrer l’insoumission juvénile dans la dernière partie où les enfants s’unissent
enfant dans un stratagème destiné à sauver Oshi du destin de geisha. Obayashi
par un jeu de répétition rejoue la scène de poursuite de la guerre enfantine
qui a précédée pour faire reprendre le même parcours au personnage dans leur
sauvetage des malheureuse adolescentes. On a tout un côté « club des cinq »
candide dans la campagne japonaise où le réalisateur multiplie les idées
formelles ludiques.
Sorti en dvd zone 2 japonais dans sa version couleur, cela semble compliqué par contre pour voir celle en noir et blanc
la version en noir et blanc est disponible sur YouTube en VOSTA, Obayashi archive (uploader name) a une belle petite collection.
RépondreSupprimerTout à fait c'est disponible depuis je mets le lien https://www.youtube.com/watch?v=wwCQq_R2LwM
SupprimerPlusieurs Obayashi rares dispo sur cette chaîne, parmi ceux évoqués sur le blog notamment l'excellent "His mortorbike, her island" vivement recommandé.
Merci du rappel pas évident de voir du Obayashi sans passer par ces voies en France !