Alors qu’il est en
train de soigner sa coupe de cheveux, Alfredo Martelli, un antiquaire romain,
voit débarquer chez lui une escouade de policiers qui l’accusent d’un crime
sans même lui en expliquer la nature. Il est conduit au poste où il fait la
connaissance d’un commissaire de police zélé qui semble persuadé de sa
culpabilité. Alors que Martelli se plonge dans sa mémoire pour tenter de
comprendre de quoi il pourrait être accusé, il apprend que sa maîtresse, à qui
il doit toute sa fortune, a été assassinée la veille au soir, après qu’il lui
ait rendu visite.
Dès ce premier film, Elio Petri affirme la cohérence de sa
filmographie à venir. L’Assassin
semble en effet être en tout point la matrice de l’œuvre maîtresse du
réalisateur, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (1970). Dans ce dernier, Petri dépeignait une Italie
cauchemardesque et corrompue en reflet des Années de Plomb où un Gian Maria
Volonté était presque poussé par le système à se sortir impunément du meurtre
qu’il avait commis. Le postulat est proche avec L’Assassin voyant l’antiquaire Alfredo Martelli accusé à tort du
meurtre de son ancienne maîtresse et bienfaitrice Adagilsa (Micheline Presle)
qu’il est le dernier à avoir vu vivante la veille au soir. Alors qu’il est
arrêté interrogé et amené sur les lieux du crime, la narration en flashback
nous révèlera peu à peu son innocence. Innocence pour ce crime effectivement,
mais une culpabilité certaine pour son comportement répréhensible sur tout le
reste.
On découvre ainsi un homme méprisable qui escroque son
prochain noue des amitiés et amours par pur intérêt et qu’il est prêt à trahir
lorsqu’une meilleur opportunité se présente. Martelli est une illustration de
cette jeunesse du boom économique italien, laissant tout reposer sur le
paraître et voulant tout, tout de suite et à n’importe quel prix. Martelli est
un homme fourbe, opportuniste et séducteur qui a en plus honte de ses origines
modestes (la scène où sa mère lui rend visite en ville). Pourtant tout
détestable qu’il soit, c’est un innocent. Marcello Matroianni par sa prestation
subtile réussit le miracle de rendre cet être attachant. Tout comme le remord
et la rédemption de Gian Maria Volonté sera rendu impossible par un système
vicié dans Enquête sur un citoyen
au-dessus de tout soupçon, la culpabilité de Martelli semble inéluctable
ici par une société pas encore débarrassée du souvenir de la Deuxième Guerre
Mondiale et donc du régime fasciste.
Le Commissaire Palumbo (Salvo Randone) est
en âge d’avoir exercé ses fonctions durant le fascisme et sa manière de mener à
charge son enquête rappellera les procédés arbitraires des régimes totalitaires
(sous couvert de droiture morale) pour désigner un coupable idéal. Si le scénario relève un élément marquant sur
la question (le grand-père de Martelli antifasciste convaincu au plus fort du
régime), c’est surtout par le visuel qu’Elio Petri va exprimer cet héritage
fascisant. L’ensemble du film relève du pur cauchemar kafkaïen où tous les
éléments se liguent par l’absurde contre notre héros (l’épisode du chien ne
devant pas aboyer pour signifier l’innocence de Martelli). L’atmosphère sera
étouffante de bout en bout avec des cadrages serrés enfermant les personnages
même dans les scènes d’extérieurs et n’en sera que plus étouffante dans la
dernière partie en prison où ces choix esthétiques rendent l’ensemble d’autant
plus tentaculaire.
Dans Enquête sur un
citoyen au-dessus de tout soupçon, Gian Maria Volonté ne pouvait chuter
tant il était l’étendard de tout un système complice dans sa corruption. Dans L’Assassin, l’Italie est à la croisée
des chemins entre son passé fasciste, son présent froidement capitaliste et son
futur sanglant fait de mafia et du sang des Années de Plomb. L’issue est donc
forcément moins évidente et inattendue même si le scénario dessine déjà un clivage
de classe (une femme issue de la classe aisée tuée par un parvenu).
Petri
dessine faussement une rédemption possible pour Martelli mais le redoutable
épilogue fera plutôt comprendre qu’il est ressorti pire qu’il n’était de ses
épreuves dans une chute qui annonce celle mémorable du Orange Mécanique (1971) de Stanley Kubrick. Un début de carrière
magistral à peine entaché de petits défauts (le rythme patine un peu une fois
que l’on arrive en prison) et portant en germe toutes les réussites à venir.
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta
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