Tokyo, 1923. Goda,
directeur d’une pension de la ville, est un homme seul et introverti qui trouve
son propre plaisir dans l’espionnage de ses pensionnaires à travers des fentes
de son plafond. Parmi eux, la belle Lady Minako, femme riche à l’érotisme brûlant,
s’adonne à des pratiques diverses, allant de la masturbation avec des sabots à
des relations acrobatiques avec des prêtres libidineux. Un jour, alors que la
belle s’ébat avec un homme déguisé en clown, elle l’étrangle, se sachant
observée…
L’univers singulier de Noboru Tanaka rencontre ici celui du
célèbre romancier japonais Edogawa Ranpo. On sera ici plus dans la veine
psychologique que purement policière d’Edogawa Ranpo, tout en gardant son sens
de l’étrange et du mystère. Une approche qui sied parfaitement au sens du
bizarre de Noboru Tanaka et qui offrira un pinku eiga des plus déroutant. Tanaka, à l’image de son anxiogène La Véritable histoire d’Abe Sada explore
une nouvelle fois le désir féminin de manière coupable et libérée à la fois. Dans
le Tokyo des années 20, Minako (Junko Miyashita) est une riche jeune femme à l’imaginaire
riche en fantasme. Pour les satisfaire elle se réfugie dans une pension où elle
peut s’abandonner aux pratiques les plus troubles, aux situations les plus
déroutantes -les autres pensionnaires n'étant pas en reste entre un prêtre défroqué ou une peintre à l'art très particulier. Comme souvent avec Tanaka l’érotisme prend des détours inattendus
par la grâce de la mise en scène.
La scène d’ouverture donne le ton avec cette
chambre baignée dans une photo diaphane Minako habillée à l’européenne y cédant
aux assauts d’un homme déguisé en clown. Comme dans La Véritable histoire d’Abe Sada (qui constitue avec Bondage (1977) et La Maison des perversités une trilogie où l’on retrouve Junko
Miyashita) le désir féminin, même s’il doit se cacher pour s’exprimer
pleinement est libéré et ce jusqu’à la folie. Noboru Tanaka se situe ainsi à
contre-courant des Pinku Eiga de la Nikkatsu plaçant la femme en victime
soumise des hommes ou faisant de cette émancipation féminine un véritable
chemin de croix (les films sadomasochiste de Masaru Konuma et Naomi Tani, Harcelée (1976). Le fait que le film se déroule à L'ère Taishō
(1912 – 1926), une des périodes les plus libres du Japon (entre la confusion de
l’ère Meiji qui précède et de celle militariste de l’ère l'ère Shōwa qui lui succèdera) ne doit ainsi
rien au hasard quant aux mœurs assumées des protagonistes et plus
particulièrement des femmes.
Junko Miyashita excelle à exprimer l’abandon le plus lascif,
le désir le dévorant. Ce sont les hommes qui se soumettront à ses volontés,
volontairement réduit au rôle de spectateur face à ses excès. Cela donnera une
des idées les plus folles du film (et typique du sens du grotesque d’Edogawa
Ranpo) avec le chauffeur de Minako dissimulé dans un fauteuil et vivant au plus
près les expériences de sa patronne – idée déjà exploitée dans Horrors of Malformed Men (1969) autre
adaptation d’Edogawa Ranpo. Ce voyeurisme s’exprimera à plein avec Goda, le tenancier
de la pension (Renji Ishibashi) observant depuis les combles les écarts de ses
locataires par un trou au plafond. Ce sera une source de plaisir supplémentaire
pour Minako qui remarquera le voyeur, instaurant un jeu curieux entre
exhibitionnisme et voyeurisme façon Fenêtre
sur cour (et préfigurant les écarts du Body
Double (1983) de Brian De Palma).
Le lien entre espionnée et espion restera
implicite jusqu’à ce que la mort s’invite,
Minako étouffant un de ses amants lors d’une étreinte. L’amour retrouve une
dimension morbide chère à Noboru Tanaka, Minako initiant Goda à l’expression de
son désir transcendé en infligeant la mort. Le film part ainsi dans des
directions surprenante, l’odyssée érotique mortelle nous invitant dans une
sorte de rêve éveillé macabre où le réel (et la morale) ne reprend ces droit
que dans la conclusion ambiguë. Le séisme de 1923 de Kantō est ainsi autant une
sorte de punition divine face à tant de dépravation que l’expérience ultime du
plaisir avec une mort imminente en plein acte. Noboru Tanaka est décidément un
des auteurs les plus fascinants du Pinku Eiga.
Sorti en dvd zone 2 français chez Zootrope
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