L'inspecteur Maugin fait la chasse aux
petits trafiquants de drogue. Au cours d'une descente de police, il
rencontre Noria, la petite amie d'un dealer, et tombe amoureux d'elle.
Elle devient sa maîtresse et est désormais en danger de mort.
Après le succès de
À nos amours
(1983), Maurice Pialat éprouve le désir de réaliser un "film d'homme".
Ces réussites au box-office vont lui permettre d'avoir un budget plus
conséquent ainsi que de bénéficier d'un casting prestigieux, ici avec le
couple que forment Gérard Depardieu (déjà dirigé dans
Loulou (1980)) et une
Sophie Marceau en train d'amorcer une carrière plus adulte. En dépit de
ce confort, la préparation du film sera aussi chaotique que son
tournage futur (brusquerie de Pialat envers Sophie Marceau, brouille
avec Richard Anconina) dans une confusion typique de Pialat.
Police
devait être au départ l'adaptation d'une série noire américaine mais le
réalisateur souhaite se détacher de la rigueur et des codes du polar
pour un résultat plus spontané. Il dépêche donc son amie Catherine
Breillat au scénario (ce qui est paradoxal pour un film voulut
"d'homme") qui partant de la base du roman va construire une trame
originale inscrite dans un contexte français mais aussi plus conforme à
ses propres préoccupations.
Peu intéressée par le genre policier, elle
effectuera néanmoins un rigoureux travail de recherche en accompagnant
un ami avocat sur différentes affaires menées au commissariat.
L'ensemble de
Police reprend des
pans entier de réelles situation auxquelles elle a assisté et notamment
le personnage trouble de Noria incarnée dans le film par Sophie
Marceau.
Police est ainsi une
œuvre assez schizophrène, partagée entre une vraie trame de polar au
traitement documentaire assez inédit jusque-là, le côté sur le vif et
improvisé cher à Pialat et une dimension romanesque surprenante apportée
par Catherine Breillat qui l'éloigne du projet initial.
La
première partie du film est un modèle du genre par sa rigueur et son
réalisme. L'Inspecteur Mangin (Gérard Depardieu), à coup de roublardise,
d'intimidation et d'interrogatoire musclé remonte la piste d'un trafic
de drogue dont un des pontes est acoquinée à la mystérieuse Noria
(Sophie Marceau). Tout dans ce segment du récit respire l'authenticité,
notamment le sentiment d'attente au sein de ce commissariat autant dû
aux lourdeurs administratives qu'à la volonté des policiers de faire
mariner les suspects qu'ils cuisinent.
Là aussi les interrogatoires
oscillent entre prise au piège du suspect voyant les preuves accablantes
se cumuler et le mettre au pied du mur avec des explosions de violence
qui font vaciller sa volonté. Sophie Marceau en fera les frais, poussée à
bout par Pialat lors de sa scène d'interrogatoire où Gérard Depardieu
lui assènent de vraies gifles. Une méthode assez radicale qui rend en
tout cas le malaise visible à l'écran avec une séquence d'une intensité
incroyable. Le monde de la rue est traité avec le même souci de véracité
avec ces paumés ordinaires (Sandrine Bonnaire dans un petit rôle de
prostituée) et cette première couche du grand banditisme ici évoquée
avec des immigrants tunisiens.
Les limites semblent donc bien
établies mais le personnage d'avocat de truands joué par Richard
Anconina et son amitié avec Depardieu annoncent pourtant des frontières
plus ténues en la loi et l'illégalité. Après la rigueur qui a précédé
Pialat ose ainsi une seconde partie à la trame bien plus lâche où
l'exploration des fêlures de ses personnages l'intéresse bien plus que
le réalisme de sa trame policière. Tous les personnages reposent sur une
dualité qui les rendent insaisissable et finalement humain, dépassant
leur simple fonction de voyous ou policier. Mangin capable du machisme
le plus balourd peut s'avérer un être vulnérable dont la sensibilité à
fleur de peau explose lors d'une incroyable scène d'amour en voiture
avec Sophie Marceau (dans son meilleur rôle et de loin). Cette dernière a
sur le papier et par ses actes tous les atours de la femme fatale, mais
la froideur de ses calculs et mensonges s'effondrent lorsqu'elle
succombera à son tour sincèrement au charme rude de Depardieu.
Tous deux
sont des paumés qui transcendent leurs archétypes par leur amour,
Pialat osant les rebondissements les plus improbables en préférant
nourrir la dimension romanesque du récit plutôt que son réalisme (la
scène d'amour en plein commissariat). Donc même si
Police est le modèle de nombre de polars "documentaires" à venir (
L627 (1992) de Bertrand Tavernier, le référencé
Polisse
(2011) de Maïwenn) les successeurs s'avéreront bien plus rigoureux et
le film de Pialat décevra si l'on est vraiment venu chercher cet aspect.
A l'inverse le mélodrame et le sentiment d'inéluctable emporte au final
puisque même si les barrières sont floues, le rapprochement est
impossible sous peine de basculer (Anconina, Depardieu comme Marceau
étant chacun au bord du précipice). La conclusion ne résout rien et
dresse un futur sombre entre solitude et mort en sursis (Noria sans
doute rattrapée pour ses agissements) et fait du film un bref moment
d'abandon où ce couple se sera autorisé à s'aimer, au-delà des lois du
milieu.
Sorti en dvd zone 2 français chez Gaumont
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