Martin Brady, qui a
abattu l'assassin de son père, a fui le Texas pour le Mexique, où il est devenu
le "pistolero" des frères Castro, dont l'un d'eux, Cipriano, devient
le gouverneur de la province qui jouxte le Rio Grande. Alors qu'il achemine des
armes vers l'autre Castro, le général Marcos, le cheval de Brady fait une
embardée et retombe sur lui. La jambe fracturée, Brady est immobilisé durant
deux mois dans un fort de l'armée fédérale américaine. Là, il lie connaissance
avec la belle Ellen Colton, l'épouse du commandant. Ce dernier voudrait
l'employer à son service afin d'obtenir des renseignements sur la position des
Apaches dans la région et sur les intentions des frères Castro.
Robert Parrish offre à Robert Mitchum un de ses plus beaux
rôles avec ce western atypique. A l’origine on trouve le beau roman de Tom Lea The Wonderful Country que Robert
Parrish découvre avant même son écriture. Alors qu’il monte La Corrida de la
peur (1951) de Robert Rossen et adapté d’une œuvre de Tom Lea, Parrish échange
avec l’auteur qui lui fait le récit de ce qui sera The Wonderful Country. Captivé par cette histoire, Parrish n’aura
de cesse d’en titrer un film une fois le livre paru d’autant qu’il aura réussi
à entamer une carrière de réalisateur entretemps. Cela lui prendra sept ans
avec quelques péripéties comme le désistement de Gregory Peck qui s’était
engagé à jouer et produire le film. Après le refus d’Henry Fonda, Parrish se
rabat sur celui qu’il venait de diriger sur le film d’aventures L’Enfer des tropiques (1957), Robert
Mitchum. La star s’engage à son tour à produire également le film et le projet
peut enfin prendre forme avec un tournage au Mexique dans la région de Durango.
The Wonderful Country
est un western introspectif, un récit d’errance à la fois intérieure et
physique matérialisée par cette frontière que constitue la rivière du Rio
Grande. Coupable d’avoir plus jeune abattu l’assassin de son père, Martin Brady
(Robert Mitchum) dû fuir au Mexique pour vendre ses services au plus offrant à
savoir les frères Castro qui domine le pays. Paria recherché dans son pays et
éternellement vu comme un étranger, un « gringo » au Mexique, Brady
est un être qui se cherche, nulle part à sa place. Contraint de brièvement
traverser le Rio Grande et retourner aux Etats-Unis pour transporter des armes
il se brise la jambe par accident et se retrouve coincé sur place.
Il va ainsi
reprendre gout à la vie, retrouver son humanité et rêver d’une autre existence
mais son passé violent va le rattraper. Cette reconstruction sera d’abord
physique. Dans la scène d’ouverture, Parrish filme Mitchum dont la silhouette
se confond avec celle de ses comparses mexicains sans que l’on distingue ses
origines différentes. Brady s’est laissé happé par cette terre d’adoption au
point d’y abandonner son identité et même de se laisser aller à une certaines
déchéance physique dont il est inconscient. Sa longue convalescence et le
regard des autres lui fera prendre conscience de son état, la guérison passant
aussi par une hygiène et un souci de soi nouveau pour lui.
Dégageant désormais
une aura différente, il devient le citoyen américain qu’il n’aurait jamais pu
être et est sollicité par les autorités pour les aider dans leur lutte face aux
apaches de la frontière mexicaine. Il reste pourtant pour eux un pistolero à la
solde des mexicains et c’est le regard de Ellen Colton (Julie London déjà dans
l’excellent Libre comme le vent (1958)
autre western de Parrish) épouse de l’officier de garnison (Gary Merrill) dont
il est amoureux qui servira réellement de déclencheur moral pour lui. Pour la
première fois, il est vu autrement que par la crainte ou le profit qu’éveille
sa dextérité au pistolet, mais comme un homme. Ayant déjà sacrifiée son couple
à un homme dévoué à son devoir de soldat, Ellen saura déceler et éveiller l’humain
sensible et aimant sous les attitudes bourrues de Martin. Robert Mitchum est
excellent, traînant sa nonchalance teintée de mélancolie avec brio et se
montrant vulnérable comme rarement. Son personnage immobilisé d’entrée est à
contrecourant du héros de western classique car dans l’impossibilité d’exister
par l’action.
Moteur des bas-instincts qu’il essaie de refréner, la violence n’est
que sporadique tout au long du film Parrish exprimant l’agitation qui anime ses
personnages par les acteurs bien sûr mais par le rôle de l’environnement.
Inspiré par les descriptions du roman de Tom Lea mais aussi par ses peintures
et illustrations (Lea originaire d’El Paso étant d’ailleurs plus connu pour son
travail de peintre que pour ses écrits), Parrish donne un tour métaphorique et
crépusculaire à son décor avec cette rivière aux rives symboles de son
hésitation, de sa dualité. Par le soin apporté au décor et à la réalité
historique, Parrish exprime d’emblée l’absence de manichéisme et d’opposition
entre Etats-Unis et Mexique.
Le meilleur et le pire des deux contrées offre un
miroir de ce que le héros est prêt à leur offrir. Il peut ainsi reprendre gout
à la vie, tomber amoureux et nouer de nouvelles amitiés aux USA mais aussi y
abattre un homme à la première provocation. Il peut être le bras armé des
Castro (dont l’un est campé par Pedro Armendriz) mais aussi aimé du peuple (son
ami dans l’armée mexicaine, la famille qui l’accueille dans sa fuite). Il en va
de même pour la romance où le regard aimant de Julie London reste chaste dans la
contrainte morale américaine mais dont le corps s’abandonne passionnément à
Martin dans le tumulte mexicain.
Faute de choisir, Brady est condamné à une damnation et
errance éternelle où se répète inlassablement le cycle de violence et de fuite.
Les évènements agités le pousseront à s’impliquer et choisir son camp pour qu’il
puisse enfin trouver sa place. La dernière partie plus nerveuse laisse à
Parrish l’occasion de montrer sa virtuosité (incroyable course poursuite dans
une plaine avec des travellings fluides ainsi qu’une nervosité et énergie où on
sent son passé de monteur) même si c’est bien en posant les armes que Brady
remportera sa plus belle victoire. Superbe idée aussi de manifester cette
bascule avec le seul élément qu’il aimait vraiment dans ce Mexique, son cheval.
Un beau western, loin des clichés habituels qu’on peut trouver dans la
représentation du Mexique et qui fait montre d’une atmosphère très originale.
Sorti en dvd zone 2 français chez Sidonis
merci pour cet article
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