Richard Chance est un
flic tête brûlée, obsédé par la traque du faussaire Rick Masters. Le jour où
son coéquipier est abattu alors qu'il menait une opération en solo, Chance
décide de monter un coup tordu des plus illégaux en braquant un convoyeur de
fonds... qui s'avère être un agent du FBI infiltré, et qui est abattu
accidentellement. Obstiné, Chance continue à tendre son piège autour de
Masters, malgré le déluge de violence qui s'abat autour de lui.
Si l’on excepte le très malsain Cruising (1980), William Friedkin après l’échec cuisant du Convoi de la peur (1977) avait perdu de sa superbe et plutôt tenté de montrer patte
blanche aux studios avec les plus légers Têtes
vides cherchent coffres pleins (1978) et Le Coup du siècle (1983). To
Live and Die in L.A. marque donc son retour au polar et à la noirceur qui
le caractérise. Le film est un pendant particulièrement tordu de son classique French Connection (1971) dont il partage
de nombreux points tout en les détournant habilement.
Les personnages de Friedkin sont, dans ses meilleurs films
des êtres visant de manière quasi maladive un objectif qu’’ils cherchent
atteindre à tout prix quitte à sombrer dans l’autodestruction. Ce sont les
routiers risque tout du Convoi de la peur,
le prêtre de L’Exorciste (1973), Al
Pacino égaré dans sa sexualité dans Cruising et bien sûr Popeye Doyle (Gene
Hackman) le flic tenace de French
Connection. C’est à ce dernier que l’on pense dans Police Fédérale Los
Angeles avec son héros Richard Chance (William Petersen) aux trousses du
faussaire Rick Masters (Willem Dafoe) coupable de l’assassinat de son
coéquipier. Si dans les films précités les personnages échouaient souvent dans
leur quête, ils n’en gardaient pas moins une certaine grandeur dans l’échec. C’est
tout l’inverse ici où Friedkin n’a de cesse de rabaisser son héros.
Dès la
scène d’ouverture et son saut à l’élastique, Chance nous apparait comme trop
voyant, trop tapageur et agité pour réussir dans son entreprise. Friedkin l’affuble
comme le pire cliché du flic frimeur avec ces jeans moulant, ses bottes, vestes
en cuir et ray ban (le Cobra de
Sylvester Stallone n’est pas loin). Cette frime se manifestera aussi dans l’action
comme la découverte du cadavre du coéquipier dans l’entrepôt de Masters où là
aussi Chance parait très poseur dans sa manière de se mouvoir lors de la
fouille des lieux. Forcément lorsqu’il se lancera dans une vendetta le résultat
ne pourra qu’être dévastateur.
Dans French Connection
la personnalité de Popeye Doyle entrecroisait le vrai génie dans son métier
avec des zones d’ombres et une certaines folie qui devait nous emmener vers une
tétanisante conclusion. Rien de cela pour Chance qui multiplie les bourdes ici,
se faisant manipuler, rabaisser par ses supérieurs, perdant un témoin et
connaissant un sort inattendu lors d’un incroyable rebondissement final. To Live and Die in LA nous apparait
donc, à l’image de son héros, comme un reflet tape à l’œil de French Connection. Pour ce faire,
Friedkin emprunte les codes de l’esthétiques 80’s clinquante (y compris avec le
score synthétique syncopé de Wang Chung) avec son LA ensoleillé, ses nuits
gorgées de néons. La fausseté de l’environnement se reflète donc sur les
personnages qui ne sont pas ce qu’ils paraissent. Le héros viril et macho est
un sacré loser, son coéquipier (John Pankow) un pleutre et le méchant androgyne
et efféminé que joue Willem Dafoe à l’inverse s’avère terriblement menaçant.
Dafoe lui confère une mélancolie, une douceur qui induit le spectateur en
erreur lors de différentes confrontations (on pense au face à face avec le gang
noir) où il s’avérera impitoyable et brutal envers ses ennemis. Cette
vulnérabilité n’est pas feinte cependant, Masters étant finalement dans cette
logique jusqu’auboutiste typique de Friedkin. En quête d’une perfection qu’il
ne peut atteindre, Masters est un peintre qui brûle ses toiles aussitôt
terminées. De même dans la conclusion on comprendra qu’il avait vu clair dans
le jeu de Chance mais ayant vu son plan faillir, plutôt que de réagir il
préférera l’autodestruction en laissant le processus aller à son terme pour sa
perte.
Un personnage réellement fascinant qui permet de situer la différence
entre Friedkin et son grand rival d’alors, Michael Mann (impossible de ne pas
penser à la série Miami Vice ou Le Solitaire (1981) ici) qui lui ravit Manhunter (1986) à l’époque. Quand chez
Mann la rigueur et le chemin que s’imposent les personnages vise à les
déshumaniser (l’inversion du processus étant toujours le moteur dramatique du
film) Friedkin vise l’opposé, ses héros se perdant justement à s’abandonnant à
leur démons. L’humanisation est tragique mais belle chez Mann et synonyme de
dérèglements conduisant au chaos pour Friedkin.
Dès lors Friedkin rythme les pulsations de la ville au même
tempo que l’agitation de Chance qui perd pied et prend toute les mauvaises
décisions. Le sommet de cette logique est l’incroyable poursuite en voiture
dans les rues de LA, filmée avec une virtuosité et une tension haletante par
Friedkin par des inserts subliminaux (de plus en plus présents dans la dernière
partie) nous immerge complètement dans l’équilibre mental précaire de Chance.
Une fuite en avant qui ira jusqu’au point de non-retour comme souvent avec
Friedkin. Le règne des apparences peut donc reprendre, avec cet épilogue où
John Pankow prend le relai frimeur de Petersen, dissimulant une tout aussi grande
faiblesse de caractère.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez MGM
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