Norimichi et Yusuke
semblent en pincer pour la même fille, la jolie mais discrète Nazuna. Cette
dernière va alors commencer à agir étrangement : ses camarades de classe ne le
savent pas encore, mais les parents de la jeune fille vont divorcer, et Nazuna devra
quitter l'école et la ville pour suivre sa mère. Loin de tous ces premiers
désordres amoureux, le reste de la joyeuse bande commence à se passionner pour
cette journée qui doit se clôturer par un feu d'artifices. Mais une question
les divise : les feux d'artifices sont-ils plats ou bien ronds, lorsqu'on les
observe de côté ?
Shunji Iwai fait ses débuts à la télévision en 1988 et, tout
en développant en parallèle ses autres talents artistiques (romancier, photographe…),
s’y fait de plus en plus remarquer en signant des épisodes de drama et divers téléfilm. Le point
culminant sur le petit écran qui contribuera à son passage au cinéma sera le
téléfilm Fireworks réalisé et diffusé
sur Fuji TV en 1993.
L’adolescence apparaitra souvent en flashback sous forme de
paradis perdu et innocent dans ses films à venir comme Love Letter (1995) et April Story (1998). Fireworks permet
donc d’illustrer l’attrait de Shunji Iwai pour l’âge ingrat « au présent »
en accompagnant un groupe de collégiens le temps d’une journée. Le charme, la
mélancolie voire la noirceur (pour le plus oppressant All About Lily Chou-Chou (2001) de l’adolescence pour le
réalisateur viennent des premiers émois amoureux souvent inassouvis. Ici les
personnages se situent dans une tranche d’âge entre l’enfance et l’adolescence
ce qui rend plus maladroite l’expression de leurs sentiments. Les seuls regards
à la dérobée de Norimichi (Yuta Yamazaki) nous laisse donc deviner qu’il est
secrètement amoureux de sa camarade Nazuna (Megumi Okina). Il le dissimule
pourtant, d’autant que son copain Yusuke (Takayuki Sorita) a exprimé plus
explicitement son amour et espère faire sa déclaration à Nazuna.
Cette dernière va cependant devancer leurs attentes, pariant
secrètement sur le vainqueur de leur course de natation pour l’inviter à voir
les feux d’artifices avec elle. Norimichi échoue et voit la possibilité d’un
moment agréable avec Nazuna s’éloigner. Ou pas. Shunji Iwai fait reposer son
récit sur un « what if » qui capte à la fois la frustration de l’acte
manqué et l’émerveillement de sa réussite. Cela passe par l’étude de caractères
de ses personnages et l’inconséquence de leur âge. Yusuke se montre ainsi désinvolte
et hésitant entre la compagnie des copains et celle d’une fille. Nazuna pour
qui cette journée recèle il plus grande importance qu’il n’y parait semble
aussi déterminée dans son désir de fugue que dans la résignation de son retour
au foyer.
Le « what if » repose donc sur une quête aussi
futile que cruciale encore ancrée dans l’enfance (les feux d’artifices sont-ils
plat ou rond vu de côté ?) et celle plus mystérieuse du rapprochement
amoureux qui amorce l’entrée dans l’adolescence. Légèreté, rires futiles et
odyssée en miniature sont de mise pour la première où Iwai laisse entrevoir l’influence
des teen movie 80’s (Stand by me de Rob Reiner en tête, la
photo bleutée façon Amblin), tandis que les silences complices et délicats
premiers élans érotiques (Nazuna échangeant son kimono pour une robe derrière
une barrière) transparaissent de la seconde et où là le style d’Iwai s’épanouit
pleinement. Le charme suspendu et la sensualité timide de la scène nocturne de
la piscine sont parfaits.
L’esthétique du film traduit à la fois le début et la
fin de quelque chose. L’atmosphère ensoleillée revêt une tonalité de fin d’été,
la camaraderie totalement innocente des garçons s’achève (puisque l’un d’eux
est prêt à les laisser pour suivre une fille) et l’on sait que la romance
naissante entre Norichimi et Nazuna n’aura malheureusement pas de suite. L’ensemble
de ces émotions contrastées culmine donc lors du fameux feu d’artifice (dans un
émerveillement qui convoque Rencontre du
troisième type) qui résout la grande question, et lorsque ces lumières s’estompent
exprime cette idée de fin d’enfance.
La forme est encore assez brute (le
directeur photo Noboru Shinoda n’est pas encore là pour poser ses ambiances
vaporeuses) mais Shunji Iwai brille déjà à faire ressentir dans un même élan l’immédiateté
et le souvenir des premiers amours. Le moyen-métrage (50 minutes mais la
maitrise du format court est aussi dans le sommet à venir April Story) fera sensation lors de sa diffusion, au point de
bénéficier d’une sortie en salle deux ans plus tard grâce au succès de Love Letter. Son aura est si culte qu’il
a bénéficié récemment d’un beau remake sous forme de film d’animation (dont je parle ici) déférent
à l’original, mais sachant aussi habilement s’en détacher par son ton influencé
par Makoto Shinkai et un argument plus explicitement fantastique qui rappelle
La Traversée du temps de Mamoru Hosoda.
Sorti en dvd japonais et doté de sous-titres anglais
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