Hana et Alice sont
deux amies d'enfance qui aiment s'adonner aux joies de l'observation de
garçons. Un jour, Alice repère un jeune homme dans le métro, tandis qu'Hana
jette son dévolu sur l'ami du jeune homme en question, Miyamoto. Un an plus
tard, lorsqu'elle entre au lycée, Hana retrouve Miyamoto et va lui faire
croire, à la suite d'un léger accident, qu'ils sortaient ensemble auparavant.
Cependant, bien qu'il y croit, Miyamoto va s'éprendre d'Alice…
Après All about Lily Chou-Chou (2001) en partie conçu avec des fans sur internet, Hana et Alice est le second projet de
Shunji Iwai mis en œuvre via un processus créatif crossmédia. En 2003, la
marque Kit Kat commande pour ses
trente ans une série de courts-métrage publicitaires à Shunji Iwai. On y suit
Hana (Anne Suzuki) et Alice (Yū Aoi), deux adolescentes facétieuses, et l’expérience
se déroule si bien que le réalisateur décide de prolonger l’aventure dans un
long-métrage cinéma. Lorsque Shunji Iwai explore le monde de l’adolescence, il
y est souvent question de frustration amoureuse. Ainsi la candeur des
flashbacks de Love Letter (1995)
évoque pourtant la tristesse d’une romance non assouvie. April Story (1998) nous accroche à la timidité fébrile et à la
solitude de son héroïne avant d’approcher plein d’espoir l’être aimé tandis que
All about Lily Chou-Chou soumet son
protagoniste à un véritable chemin de croix pour un incertain échange final. Et
Fireworks (1993) donnait carrément
dans le récit conceptuel avec une alternative entre les prémices de la romance
et son échec frustrant. Hana et Alice
creuse le même sillon même s’il semble être un traitement plus lumineux et
amusé de l’adolescence.
Alors la nostalgie et/ou la frustration guidaient les
romances inabouties des œuvres précédentes, Shunji Iwai joue ici d’un
imaginaire en construction, en prise directe avec la vie de ses héroïnes.
Lorsqu’un camarade qui lui plait mais qu’elle n’a su aborder se cogne
accidentellement la tête, Hana s’immisce dans sa vie en lui laissant croire qu’il
est amnésique et qu’elle est sa petite amie. L’absence de souvenirs plonge
Miyamoto (Tomohiro Kaku) dans des abîmes de perplexité et de doutes, au point
qu’Hana doit enjoliver le mensonge en lui faisant croire qu’Alice était son ex
petite amie. Dès lors nos deux héroïnes construisent un passé imaginaire pour
leur subterfuge, tout en déconstruisant leur présent où elles doivent faire
croire qu’elles sont fâchées. Sous la dimension espiègle, Shunji Iwai façonne
un captivant jeu de dupe qui permet d’explorer la personnalité des personnages.
Le début du film ne donne ainsi que dans la vignette bondissante où l’on suit
le quotidien d’Hana et Alice dont l’univers se résume à cette amitié
fusionnelle. La vraie/fausse romance va alors servir à faire écho à leur vie
personnelle.
Alice est un substitut à la fois dans ce rôle de fausse ex
mais également dans son quotidien. Sa mère célibataire nie son existence en
présence d’un possible prétendant, elle est réduite à de la figuration dans ses
tentatives artistiques lorsqu’elle passera un casting. La scène où elle observe
de l’extérieur le premier rendez-vous galant d’Hana est emblématique de son
statut de « second couteau ». Pourtant peu à peu Miyamoto va se
trouver bien plus attiré par Alice (avec laquelle il se demande comment il a
bien pu rompre) que par l’envahissante Hana, créant de superbes moments de
romance décalée. Alice si empruntée en audition déploie des trésors d’improvisation
amusée pour créer des souvenirs factices, petits surnoms et rituels avec
Miyamoto au point que la force du sentiment amoureux amène celui-ci à « se
souvenir » de certains. Shunji Iwai exploite à merveille l’allant rieur de
Yu Aoi qui manie subtilement l’outrance comique et un cœur qui s’agite bien
réellement. Anne Suzuki n’est pas en reste avec un équilibre habile entre
mimiques grotesques et l’expression d’un vrai dépit amoureux, d’une
impossibilité à être aimée dans la chimère comme dans le réel.
C’est le second tournage en caméra numérique pour Shunji
Iwai et son indispensable directeur photo Noboru Shinoda. Le travail sur l’image
est fabuleux avec une texture qui traduit la (fausse) nostalgie de Love Letter et April Story, mais masque surtout la crudité immédiate d’un triangle
amoureux qui s’ignore. La ballade sur la plage du trio passe ainsi par ce voile
du souvenir factice (les nuances diaphane lors du saut à la corde, les volutes
du soleil durant le pique-nique) avant qu’un rebondissement mette au grand jour
la rivalité amoureuse des deux amies et que l’image se fasse plus crue, la mise
en scène plus heurtée.
Les petites idées narratives ludiques et le vaudeville adolescent
fonctionnent à plein, laissant progressivement s’immiscer la mélancolie si
chère à Shunji Iwai. L’onirisme et la rêverie s’invitent de façon plus (les
hallucinations « souvenirs » de Miyamoto) ou moins (l’éclat irréel des
fleurs du jardin d’Hana) explicite durant le récit, pour enfin s’épanouir dans
un pur moment de grâce final. L’accomplissement d’Alice passe par une scène de
ballet absolument magique où le personnage enfin au premier plan et en
confiance happe les regards par un numéro spontané et libéré. Le regret et la
frustration des œuvres précédentes n’ont pas cours dans une adolescence de tous
les possibles où un garçon ne rompra certainement pas l’amitié d’Hana et Alice.
Une belle réussite à laquelle Shunji Iwai donnera une préquelle avec Hana et Alice mènent l’enquête (2015)
sous forme de film d’animation où Anne Suzuki et Yu Aoi reprennent leurs rôle
au doublage.
Sorti en bluray et dvd japonais doté de sous-titres anglais
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