Uzuki quitte Hokkaido
pour intégrer une prestigieuse université à Tokyo : jeune femme réservée par
nature, Uzuki va néanmoins tenter de s'intégrer au monde étudiant, et à la vie
quotidienne tokyoïte en général. Pour cela elle dispose d'un atout de choc et de
charme : un sourire irrésistible, distillant bonne humeur et rayons de
soleil... même sous les pluies les plus difficiles.
Shunji Iwai avait enchanté avec l’univers singulier,
envoutant et enchanteur de ses premiers films. Cependant pour imposer sa patte
il devait y passer par une forme de grandiloquence, que ce soit à travers la
trame alambiquée de l’inaugural Love Letter
(1995), le postulat extravagant de Picnic
(1996) ou la fresque ambitieuse de Swallowtail
Butterfly (1996). Avec April Story,
Shunji Iwai trouve à son tour la formule magique du Chungking Express de Wong Kar Wai, celle du récit modeste et
épuré au charme infectieux qui dissimule brillamment sa profondeur.
Le postulat est des plus simples, la jeune Uzuki (Takako
Matsu) quitte son Hokkaido natal pour Tokyo où elle doit intégrer une
prestigieuse université. On suit donc toutes les étapes de cette
nouvelle vie, le déménagement puis l’installation dans l’appartement étudiant,
les premiers pas hésitants dans la vie universitaire, la découverte du
quotidien tokyoïte. La réalité des situations rencontrées trouve un contrepoint
dans l’atmosphère éthérée que Shunji Iwai confère au récit. La photo de Noboru Shinoda nous baigne dans un voile
diaphane aux couleurs pastel qui fait des instants les plus banals un pur rêve
éveillé : une ballade en vélo dominicale, la flânerie dans une librairie.
Les volutes de piano de la bande-son participent à cet équilibre délicat entre
ravissement et mélancolie sur fond de cerisiers en fleurs printaniers. La tonalité flottante n’adoucit cependant pas les
difficultés de ce nouveau cadre à apprivoiser, cette université immense où il faut
se situer tant géographiquement que dans son rapport aux autres.
Une scène de
présentation place l’introvertie Uzuki face aux regards et moqueries gentilles
des autres, les amitiés superficielles sont capturées avec subtilité lorsque
notre héroïne intégrera le club de pêche. Le spleen urbain ordinaire se ressent
aussi avec brio, dans les liens que l’on cherche à nouer (les scènes avec la
voisine) et ceux que l’on cherche à éviter lors d’une fâcheuse rencontre dans
une salle de cinéma. Quiconque a connu le déracinement de sa région pour
poursuivre ses études dans « la grande ville » ressent avec une rare
empathie les premiers pas hésitants d’Uzuki. Takako Matsu, pratiquement de tous les plans, nimbe de sa
présence lumineuse et fragile le film. Shunji Iwai saisit avec pudeur le
moindre sourire gêné, la gestuelle gauche et les regards fuyant de la jeune
fille où se reconnaîtront tous les grands timides – là aussi difficile de ne
pas penser à la Faye Wong de Chungking
Express en plus introvertie.
La candeur d’Uzuki émeut et trouble, la
mélancolie et le ravissement se disputant lors des deux séquences où elle
cherche à nouer contact avec sa voisine. Se heurtant à une politesse froide la
première fois, Uzuki sort du cadre en plan fixe pour laisser l’image du palier
vide qui renvoie à cette distance des relations sociales en ville. La seconde
tentative montre une bascule lorsque la voisine décide de répondre à l’invitation,
les teintes ternes de l’appartement d’Uzuki laissent place à des teintes
chromatiques plus délicatement chaleureuse pour accompagner le ravissement du
sourire d’Uzuki enfin en bonne compagnie.
Cette tonalité de simple tranche de vie est déjà un
enchantement en soi même si le film semble dénué de vrai fil narratif. Mais il
suffira d’une question pour tout faire basculer. Avais-tu un petit ami dans ta région ? Tout le contour cotonneux
et fragile du film n’était pas là pour nous immerger dans un rêve, mais à la
poursuite d’un rêve. Un rebondissement jette une nouvelle perspective à
certains des éléments les plus insignifiants qui ont précédés comme la
fréquentation assidue de cette libraire et des renseignements qu’y demande
Uzuki. Love Letter nous invitait à
garder le précieux souvenir des amours adolescentes mais aussi à savoir s’en
détacher.
April Story en reste à l’émerveillement
des premiers pas amoureux (avril mois de rentrée scolaire au Japon signifiant
ce renouveau) et autorise à s’y raccrocher encore. Quand les moments
ensoleillés accentuait la solitude d’Uzuki, la merveilleuse scène d’averse
finale la lie enfin à cette ville, mais aussi et surtout à sa quête. Un petit
bijou qui en raconte concrètement peu, mais qui en dit tant, chef d’œuvre !
Sorti en dvd all zone japonais (avec sous-titres anglais) chez Dawoori
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