L'homosexualité vue a travers cent ans de
cinéma hollywoodien. Pour les auteurs "The Celluloid Closet" montre
comment notre attitude envers l'homosexualité et notre perception des
rôles des deux sexes ont évolue au cours de ce siècle.
En 1981 l'historien du cinéma et militant LGBT Victor Russo publie The Celluloid Closet,
livre somme sur l'évolution de la représentation de la communauté gay
au cinéma. Disparu prématurément en 1990 du sida, Russo voit pourtant
son ouvrage connaître une seconde vie à travers un documentaire éponyme
produit par HBO. Le film à l'avantage d'illustrer les thématiques du
livre à travers de nombreux extraits de films, agrémentés d'intervenants
actifs durant l'âge d'or hollywoodien et alors encore vivants pour
témoigner du contexte social et créatif d'alors. L'autre apport (même si
limité en découvrant le film aujourd'hui) et d'étendre la réflexion à
l'aune de productions contemporaines marquantes comme l'emblématique Philadelphia de Jonathan Demme (1993).
Dès
les premiers pas du cinéma une certaine caricature du gay s'impose à
l'écran à travers des attitudes maniérées exacerbées, source de moquerie
ou de honte pour les figures masculines auxquelles on l'associe malgré
elles (avec un extrait parlant d'un Charlot ou embrassant une femme
déguisé en homme, il est pris pour un homo). Le contexte hollywoodien
permissif des années 20 et début des années 30 permettait une
exposition, même caricaturale qui n'aura plus cours avec l'instauration
du Code Hays. La figure gay est alors délestée de sa dimension sexuelle
trop explicite mais est aisément repérable à travers les différents
clichés en faisant un benêt asexué (Edward Everett Horton souvent
associé à cela présent dans une séquence) ou un précieux associé aux
tâches "féminines" notamment dans le monde de la mode. La bêtise des
censeurs autorise pourtant de grandes audaces en se montrant
suffisamment fin pour les créateurs, les passages et personnages
explicite se retrouvant dans des séquences audacieuses, la Mrs Danvers de Rebecca (1940) en tête.
Sans
que le mot tabou ne soit prononcé, les années 50 constituent une
décennie schizophrène où les protagonistes gay sont plus explicitement
identifiables tout en se heurtant au modèle macho outrancier d'alors.
C'est notamment le cas dans le portrait d'une jeunesse torturée dans La Fureur de vivre (1955) avec Sal Mineo, ou encore du héros de Thé et sympathie de Vincente Minnelli (1956). On s'amuse même de moment purement ubuesques lorsque dans Confidences sur l'oreiller
(1959), Rock Hudson (dont on connaîtra l'homosexualité bien plus tard)
joue un hétéro mimant des attitudes gay pour séduire Doris Day réticente
à ses attitudes viriles. Les années 60 osent enfin nommer les choses
mais avant tout pour faire des homosexuels des figures tragiques punies pour
leur honteux penchants. C'est donc La Rumeur de William Wyler (1961), Le Détective de Gordon Douglas (1968) ou du côté anglais Victim
(1961) de Basil Dearden qui noient l'audace de leur nature explicite
dans des conclusions dramatiques où l'homosexualité reste une tare dont
on va payer le prix.
Les années 70 font passer le gay de victime sacrificielle à figure du mal avec là encore des extraits gratinés (Vanishing Point (1971) et ses auto-stoppeurs agresseurs, on peut ajouter même si pas dans le doc le Scorpio d'Inspecteur Harry (1971) ou les tueurs à gage du James Bond Les Diamants sont éternels (1971)) qui autorisent donc la destruction rassurante de cette image négative notamment dans une scène stupéfiante du polar Les Anges Gardiens
de Richard Rush (1974). Le documentaire est succinct pour évoquer les années 80 même si
chaque extrait est parlant pour montrer la disparition progressive de
la culpabilité pour une approche plus aimante et frontale dans Les Prédateurs (1983) de Tony Scott ou le méconnu Making Love
(1982) de Arthur Hiller. Elément intéressant, le film montre bien
l'acceptation de plus grande de vision explicite de l'amour lesbien que
de l'homosexualité masculine.
L'imagerie lesbienne titille le fantasme
hétéro masculin et peut être excitante en plus d'un "naturel" plus
évocateur pour des femmes dans l'abandon. Au contraire cela s'avère
dérangeant car ces situations semble ôter leur virilité aux protagonistes
masculins, la vision même de leurs ébats perturbant le public (la
description de la réaction d'une salle aux scènes d'amour de Making Love).
Les témoignages des différents artistes (du monde du cinéma et de l'art
en général) sont très complémentaires, soulignant leur difficulté à se
reconnaître mais aussi la soif de se voir représenté même de façon
péjorative pour avoir le sentiment d'exister dans la société. Très
intéressant donc même si on s'étonnera de l'absence d'œuvre
emblématiques comme le très queer Sylvia Scarlett
de George Cukor (1935) ou encore le décomplexé Faut-il tuer Sister George ? de Robert Aldrich. Une version révisée à l'aune des deux
dernières décennies serait intéressante à faire.
Sorti en dvd zone 2 français chez Outplay
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