Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Années 1870. Tandis qu'il annonce officiellement ses fiançailles avec May Welland, le jeune aristocrate Newland Archer apprend qu'Ellen Olenska est de retour à New York. Souvenir d'enfance, Ellen Olenska a épousé un riche parti et vivait jusqu'alors en Europe. Elle rentre après avoir quitté un mari volage et tente non sans mal de reprendre le cours de la vie mondaine de New York. Newland Archer s'empresse d'entourer Ellen de ses conseils et de la guider à travers la jungle aristocratique des convenances et des commérages.
Le film de Martin Scorsese est sans doute la plus connue et réussie des adaptations de ce qui est un des romans les plus aboutis d’Edith Wharton. Avec The Age of Innocence, la critique acerbe le l’aristocratie new yorkaise qui court tout au long de son œuvre prenait sans doute un tour plus personnel à travers la nature et le destin de ses protagonistes. On peut vraiment voir dans le personnage d’Ellen Olenska un double papier d’Edith Wharton qui lui associe des évènements de sa propre vie. L’auteur fut mariée très jeune à Teddy Wharton, issu du même milieu qu’elle mais ne partageant pas sa sensibilité artistiques. Malgré ses désaccords, elle dû attendre 25 ans de ce mariage malheureux et le point de non-retour atteint dans la santé mental de son époux pour pouvoir divorcer.
L’écriture fut donc un refuge salvateur mais tout comme Ellen Olenska elle ferait figure d’étrangère pour la haute société de New York, trop libre de ses pensées et de ses actes et en quelque sorte Le Temps de l’Innocence dépeint des héros qui contrairement à Edith Wharton n’auront pu surmonter ces obstacles des apparences et gâcheront leur vie pour préserver les conventions.
Le choix de Martin Scorsese peut paraître curieux au départ, le peintre du malaise urbain (Taxi Driver), l’autodestruction (Raging Bull, Taxi Driver encore) et des mœurs violentes de la mafia (Mean Street, Les Affranchis, Casino) sur un film en costumes ? Le cinéaste possède une filmographie plus variée que ces titres emblématiques le laissent croire et s’avère le candidat idéal pour une description clinique et minutieuse de cette aristocratie new yorkaise.
On retrouve ici des procédés narratifs dont il fit déjà usage dans Les Affranchis (et plus tard dans Casino et Gangs of New York) avec cet approche quasi documentaire où une voix-off dépeint avec détails les codes se dissimulant sous les dîners clinquants, les réels sentiments derrière les sourires avenants (le dîner en l’honneur d’Ellen Olenska unanimement décliné), la vraie nature des plus sévères dans leurs jugements moraux envers autrui (Laurence Lefferts)…
Seule différence dans Les Affranchis et Casino cette description se fait à travers un personnage de l’histoire (Ray Liotta qui fait office de guide dans cette Mafia) et son regard nostalgique malgré les comportements révoltants des truands quand ici Scorsese fait lire des passages entiers du livre à sa voix-off d’un timbre neutre où la pointe d’ironie naîtra principalement du décalage entre ce qui est montré et ce qui est dit, renforçant la froideur inhumaine de ces nantis.
L’humain naîtra principalement dans la manière dont nos héros se place à contre-courant de ce monde bien réglé. Newland Archer (Daniel Day-Lewis), pur produit de cet univers le sera d’abord par la pensée (comme le souligne la voix-off il exprime ses différences en privé et suit la tradition en public) avant que sa rencontre avec la Comtesse Olenska (Michelle Pfeiffer) bouleverse ses certitudes. Cette dernière est un paria qui s’ignore, bafouant les règles de bienséance ridicule avec la plus grande ignorance (lorsqu’elle quitte un interlocuteur masculin pour se diriger vers Newland lors d’un dîner, impensable pour une femme) et suspecte de part même son statut de femme séparée.
Les raisons importent peu, seule la première couche importe. Le couple va donc s’aimer et se séparer dans un cruel décalage. Ellen par ses manières libérée offre un aperçu d’une vie sans contrainte à Newland tandis qu’à l’inverse celui-ci lui fera découvrir à quel point elle est en faute pour la bourgeoisie locale.
Ironiquement, chacun poussera l’autre dans la voie qui les séparera inéluctablement (Newland qui l’incite à ne pas divorcer, Ellen plus tard qui appuiera son mariage) pour suivre la norme et empêcher le scandale. Scorsese ne fait guère de différence entre la mafia des Affranchis et les nantis d’Age of Innocence : même sens de l’unité de groupe, même idéalisme de façade et logique rigide à respecter. Les meurtres sanglants des truands sont juste remplacés une exclusion plus sournoise, l’exécution se faisant en silence, avec sourire et politesse.
Daniel Day-Lewis et Michelle Pfeiffer au sommet de leur photogénie forment un magnifique couple tragique et quasi platonique (même si plus démonstratif que le livre où un seul baiser sera échangé) enchaînés par des liens aussi invisibles qu’insurmontables.
Winona Ryder est également parfaite d’ambiguïté en oie blanche dont le regard traduira tour à tour le vide de pensée commun à son milieu mais aussi sa détermination à préserver son foyer lors d’une conclusion où elle prendra Newland dans ses filets avec un tendresse implacable. Scorsese délivre une œuvre formellement somptueuse où les décors et costumes signés Dante Ferreti et Gabriella Pescucci seront nominé aux Oscars.
La manière qu’à Scorsese de figer ses protagonistes dans leur environnement serait de son propre aveu grandement inspirés des peintures de James Tissot. Sous le cloisonnement et la claustrophobie des intérieurs luxueux, le réalisateur laisse éclater également de merveilleuses respirations avec cette magnifique séquence où Newland espère à distance qu’Ellen se tourne vers lui tandis qu’elle observe le passage des bateaux à une rambarde sous un soleil couchant. Le temps d’un instant on se prend à espérer avec Newland qu’elle se tourne et que tout puisse être remis en question mais, comme le montrera l’amer épilogue le moment est passé et appartient au temps de l’innocence, s'il a jamais vraiment existé...
Un jeune garçon passionné d'astronomie aperçoit une nuit une soucoupe volante atterrir dans un banc de sable à proximité de sa maison. Il prévient son père, un scientifique qui travaille sur une mission secrète pour une fusée à propulsion atomique. Tenu de signaler tout fait suspect, le père part inspecter les lieux. Au petit matin, sa femme s'inquiète de son absence, mais il revient bientôt, avec un regard vague et un caractère irascible ...
Un peu à la manière de The Window (1949), formidable film noir qui anticipait le Fenêtre sur cour d'Hitchcock en reprenant son intrigue avec un héros enfantin, Les Envahisseurs de la planète rouge fait de même en préfigurant L'invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel (1956) et plus généralement la SF paranoïaque anti rouge des années 50.
La frayeur est grandement augmentée ici avec ce gamin astronome et scientifique en herbe qui voit sa famille puis son voisinage adopter un comportement monolithique au contact d'une soucoupe volante qui a atterri derrière chez lui et qui "aspire" les humains qui en ressortent assujettis via un parasite dans la nuque. Le film fait sourire tant il est emblématique de son époque où passé la menace des personnes soumises aux martiens les autres adultes ne doute pas une seconde des affirmations du jeune garçon (Jimmy Hunt plutôt convaincant), l'armée est immédiatement convoquée et l'existence des martiens soupçonnée de longues date.
Le grand atout du film c'est bien évidemment la présence de William Cameron Menzies à la mise en scène. Décorateur de génie, il avait réalisé un grand classique SF en 1936 avecLes Mondes Futurs adapté de HG Wells et plus tard designer pour les productions David O'Selznick à Hollywood notamment les visions les plus impressionnantes d'Autant en emporte le vent issus de ses concepts (l'apparition majestueuse de Tara au début, l'incendie d'Atlanta...).
Le budget modeste de série B ne lui permet pas autant de mettre son talent en valeur (des longs tunnels de dialogues explicatifs redondants, les stock shots de tir de tank réutilisés dix fois lors du final spectaculaire) mais il parvient à se distinguer lors de la conclusion très efficace.
Malgré le kitsch manifeste (les mutants martiens en pyjama vert mais à la taille intimidante) le décor de l'antre du vaisseau, le look étrange du leader des envahisseurs et les machines de tortures aussi étrange qu'inquiétante marquent durablement la rétine et le suspense est rondement mené.
Dommage qu'une pirouette finale (même si justifiant toute les incohérences) atténue un peu le premier degré sans faille de l'ensemble. Agréable divertissement même si bien sûr sans commune mesure avec L'invasion des profanateurs de sépultures qui donnera une toute autre tension et portée à ce thème. Tobe Hopper en tirera un remake beaucoup plus tard en 1986, curieux de voir ça...
Sorti en dvd zone 2 français chez Artus dans le coffret Destination Mars où on trouve trois autres films sur ce même thème de l'invasion martienne.
Pendant la seconde guerre mondiale à Londres, Joséphine Norris, quadragénaire, pense retrouver en la personne d'un jeune officier américain le fils qu'elle a abandonné en 1917.
To Each His Own est le film de l'émancipation pour Olivia de Havilland qui, sortie vainqueur du conflit qui l'opposait à la Warner libère les acteurs des contrats contraignant qui les liaient aux studios et désormais dispose d'un choix plus autonome de ses rôles. Grand mélodrame et beau Women Picture, À chacun son destin doit donc grandement à la détermination de Olivia de Havilland qui ira chercher celui qui sur tirer d'elle sa plus belle performance dans Par la porte d'or (1940), Mitchell Leisen. Peu emballé au départ par ce script excessivement mélodramatique de Charles Brackett selon lui, il le remaniera grandement afin d'obtenir le résultat souhaité (l'identité de Olivia de Havilland se révèle à son fils de manière plus simple et belle que la longue série d'explications du script originel) et finira par réellement s'enthousiasmer pour ce qui est un de ses plus beaux films.
Le film s'ouvre dans un Londres plongé en plein blackout où déambule une quadragénaire qui ne s'en laisse pas compter, Joséphine Norris (Olivia de Havilland). En charge avec un autres citoyen (Roland Culver) de surveiller le ciel d'éventuels attaques aérienne en cette soirée du jour de l'an, on découvrira qu'elle n'a guère d'autres occupation que ce devoir qu'elle assume volontiers. Si on devine une blessure secrète sous ce caractère solitaire, on ne verra son regard réellement s'illuminer que lorsqu'on lui signalera l'arrivée d'un train très attendue à la gare. Qui est le mystérieux passager qui semble dérider ainsi cette femme en apparence si dure ? La narration en flashback va nous le révéler.
Plus de vingt ans plus tôt, encore jeune fille aux Etats-Unis, Joséphine tomba folle amoureuse du séduisant pilote de l'armée Bart Cosgrove (John Lund dans le double rôle de l'amant et du fils) de passage dans sa petite ville. Leisen filme avec une grâce infinie ce qui sera l'instant le plus romantique de la vie de cette femme.
Toute la beauté de ce moment idéalisé est entièrement soumise au regard et au souvenir émerveillé de Joséphine, les éléments plus grinçants (l'attitude cavalière du pilote qu'on imagine bien séduire une jeune femme dans chaque ville où il défile mais qui semble de plus en plus sincère) s'estompant sous la force des moments sentimentaux avec cette déclaration d'amour dans les airs et ce baiser dans la nuit noire à l'atterrissage.
De cette brève romance, Joséphine va pourtant garder plus qu'un souvenir, elle est tombée enceinte. Dans cette Amérique provinciale et moralisatrice, rien de plus mal vu qu'une fille-mère sans mari et Joséphine va tenter de garder son enfant tout en échappant à la vindicte populaire en usant d'un stratagème lui permettant d'adopter son propre fils. Malheureusement un concours de circonstance fait tomber le nourrisson dans la famille d'une femme l'ayant toujours considéré comme une rivale. Dès lors, condamnée à aimer son fils à distance elle lui consacrera tous ses efforts, fera tous les sacrifices pour lui sans qu'il soupçonne même son existence.
Olivia de Havilland délivre une performance magnifique, autant dans la jeunesse de cette maternité entravée que dans l'âge mûr (son vieillissement est une vraie réussite au maquillage) et ses tentatives désespérée de rattraper le temps perdu. Toute la détermination du personnage, son ascension sociale et ses réussites ne sont là que pour renouer avec cette jeunesse qu'elle n'a pas vécue, cette brève romance qu'elle a à peine vécue et ce rôle de mère dont elle a été privé.
Le scénario, de cruelles désillusions (les brèves retrouvailles où le garçonnet ne la connaissant pas la repousse) en séparations douloureuses (le terrible renoncement de départ) ne ménage pas notre héroïne dont le sens du sacrifice et la dévotion maternelle infinie n'en sera que décuplée par la grâce de la mise en scène de Leisen et la prestation poignante de Olivia de Havilland (qui y gagnera son premier Oscar). On pardonnera l'épilogue qui tire un peu en longueur, puisque la récompense tant attendue y est enfin au bout du chemin. I think this is our dance, Mother.
Un éditeur, prêt à tout pour mettre la main sur des papiers personnels inédits du grand poète romantique Jeffrey Asheton, s'introduit comme locataire chez Juliana Bordereau, qui fut soixante ans plus tôt la muse et l'amante de l'écrivain. La vieille dame, qui vit recluse avec sa nièce, Tina.
Au croisement du mélodrame gothique et du thriller psychanalytique, The Lost Moment est une œuvre des plus envoutante. Le film es adapté de la nouvelle d'Henry James Les Papiers d'Aspern qui lui fut inspiré par une anecdote sur un admirateur de Percy Shelley qui tenta par tous les moyens après sa mort de mettre la main sur la correspondance qu'il avait abandonné.
La nouvelle et le film donc partent du même argument avec ici l'éditeur Louis Venables (Robert Cummings) souhaitant acquérir les lettres d'amours du poète mystérieusement disparu Jeffrey Asheton. Econduit à chacune de ses demandes, il va se faire passer pour un écrivain et investir la villa vénitienne où vit Juliana Bordereau ( Agnes Moorehead), vieille femme sénile et en possession des fameuses lettres vivant avec sa nièce Tina (Susan Hayward).
Dès lors il s'instaure une atmosphère des plus mystérieuses dans cette étrange demeure où la présence de l'intrus réveille toutes les passions et secrets enfouis depuis longtemps. Martin Gabel prend son temps pour poser son ambiance, entre exploration des moindres recoins du fascinant décor qu'est scène maison dans une Venise abstraite, révélations nébuleuses qui ne prendront leur sens que plus tard et personnages ambigus.
Susan Hayward, chignon sévère, robe noire stricte et gestuelle rigide est assez fascinante de froideur tandis qu'Agnes Moorehead est méconnaissable sous les tonnes de maquillages de cette femme hors d'âge qui a vécu bien trop longtemps. Toutes deux entretiennent un lien aux lettres tant voulues qu'on devine par leur hostilité à l'étranger (Susan Hayward) ou au contraire leur bienveillance (Agnes Moorehead) sans que l'on sache encore pourquoi.
L'enjeu du film est finalement de se soustraire au passé pour embrasser le présent, la vie ou la mort trop retardée. Robert Cummings nous apparait ainsi immédiatement comme un exalté obnubilé par sa quête dont les retombées financières lui importe peu, seul lui importe d'enfin pouvoir lire les lettres quelle qu'en soit les conséquences.
Quant à Agnes Moorhead, il est carrément suggéré que sa vie est raccrochée à la demeure et aux lettres dont la possession et les sentiments qu'elle y fonde ont anormalement prolongé sa vie (très belle première apparition très littéraire où sa vieillesse immense est uniquement suggérée par le regard de Cummings et sa voix off abasourdi par son usure). C'est cependant Susan Hayward qui apporte toute son étrangeté et son émotion au film dans un déroutant double rôle.
Eteinte et distante le jour dans le monde des vivants, elle s'anime la nuit venue en endossant la personnalité de sa tante des décennies plus tôt folle d'amour pour le poète Jeffrey Asheton. Martin Gabel introduit brillamment cette découverte lors d'une mémorable séquence où Cummings voit enfin chaleur et lumière dans l'oppressante demeure en suivant les notes de pianos qui vont amener à sa "première" rencontre avec Susan Hayward.
Celle-ci offre une prestation schizophrène mémorable : terre à terre et éthérée, glaciale et ardente, morte et vivante. On est autant dans le drame psychanalytique que le pur fantastique (le changement de personnalité se faisant par la possession d'un objet) mais la finalité est purement romantique.
Pour s'unir pleinement, les héros devront se détacher de ce passé et s'aimer dans la même temporalité. Gabel sépare clairement les deux entre la tonalité onirique des scènes du passé (superbe envolée lors de la danse) et la noirceur du présent avant d'entretenir le flou à nouveau symbolisé par Susan Hayward s'illuminant enfin parmi les vivant dans une très belle séquence romantique où elle abandonne enfin ses tenues austères.
Le mystère s'éclaircit (un peu) mais le charme est maintenu lors de la conclusion flamboyante dans la plus pure tradition du genre. Vraiment une belle découverte, d'autant qu'il semble bien que ce soit la seule réalisation de Martin Gabel surtout acteur.
Film pas facile a touver, uniquement sorti en dvd en en Espagne (mais trouvable sur amazon) et sans sous-titres sinon espagnols. Copie pas extraordinaire mais regardable.
Et je viens de tomber dessus en cherchant une bande annonce le film est en entier sur youtube avec sous-titres anglais (et la copie est bien meilleure que mon dvd) donc occasion en or de le voir avant que le lien saute.
Condamné à mort par les Franquistes, Tom Martin - pilote américain engagé dans les Brigades internationales - attend son exécution. C'est alors qu'on lui annonce une incroyable nouvelle : sa femme vient d'obtenir sa libération ! Tom, stupéfait car il n'a jamais été marié, découvre cette providentielle épouse dans le bureau du directeur de la prison. Elle se précipite dans ses bras et lui chuchote qu'elle s'appelle Augusta Nash, qu'elle est journaliste et que son stratagème, qui lui fournira la matière d'un reportage, va lui sauver la vie.
Arise my love partage avec Le Dictateur de Chaplin et To be or not to be de Lubitsch (rappelons que ce dernier bien que sorti en 1942 fut tourné avant l'engagement des USA dans le conflit) un propos engagé sur les évènements dramatiques se déroulant alors en Europe alors que les Etats-Unis ne sont pas entré en guerre et que l'opinion publique est contre une telle initiative. Leisen est loin d'atteindre le portée de la fable de Chaplin ou de la farce de Lubitsch, la faute à un script quelque peu déséquilibré dans ses ruptures de ton (on passe de la screwball comedy la plus enlevé au pur mélodrame sans transition ou presque), quelques soucis de rythme et un propos parfois assez lourdement asséné. Malgré ses défauts, le film n'en est pas moins prenant et touchant par ce choix de la comédie romantique pour affirmer son propos.
Les vingt premières minutes assez ébouriffantes nous induisent autant en erreur sur le ton du film (on pense voir une grosse comédie d'espionnage) qu’elles définissent intelligemment le caractère des héros. Pilote américain engagé dans la guerre d'Espagne, Tom Martin (Ray Milland) attends avec dépit son exécution imminente quand un salut inattendu va lui faire échapper au châtiment. Il prend les traits élégant d'Augusta Nash (Claudette Colbert) journaliste en quête de scoop qui à force de persuasion et séduction est parvenue à le faire gracier en se faisant passer pour son épouse. On rit donc bien fort à la maladresse des "retrouvailles" forcés du faux couple et de la bêtise des autorités espagnoles puis on vibre au gré d'une course poursuite sur terre et dans les airs lorsque la supercherie est découverte et que nos héros doivent quitter le pays au plus vite.
On voit immédiatement ce qui rapproche les deux personnages à travers ce mélange d'ambition, d'engagement et de recherche d'adrénaline. Révolté par la montée en puissance du nazisme, Tom Martin devine la guerre imminente et inéluctable et souhaite en être en rejoignant l'armée polonaise déjà sous la menace de l'invasion allemande. Augusta voit elle dans les évènements un moyen de mener une carrière de de journaliste chevronnée qui la fera définitivement quitter les pages mode. Tous ses projets vont se trouver bien ébranlés lorsqu'ils vont tomber amoureux.
On patine un peu à la mi- film dans le traitement de l'histoire d'amour, hésitant constamment entre la légèreté de l'ouverture et le ton plus dramatique de la dernière partie. Heureusement le charme des acteurs fait la différence avec quelques savoureuses situations, que ce soit ce dialogue à double sens osés où Claudette Colbert propose divers emplacement de la chambre de Milland pour prendre une photo (quand lui pense éberlué par tant d'audace qu'elle cherche le meilleur endroit de la pièce s'ébattre avec lui you're too scientific) ou une délicieuse scène de dîner où elle lui donne les clés involontairement pour la séduire, charmant.
Les évènements vont finalement brutalement rattraper le couple, Leisen captant fort bien la débâcle européenne et l'impossibilité physique (spectaculaire scène de naufrage) comme morale de s'en extraire. C'est un peu là que le bât blesse, tant que ce message est lié aux héros en mouvement (magnifique moment où Claudette Colbert abandonne son cynisme pour montrer sa peur) mais devient très lourd lorsqu'ils sont plus isolés dans le film (Claudette Colbert qui en préparant son interview d'Hitler lit Mein Kampf puis le jette par la fenêtre du train) notamment le final où il tue un peu l'émotion à portée de main.
A la place d'une belle scène de retrouvailles finale, on a ainsi une grande envolée patriotique de Colbert signifiant bien que le combat continue. Un traitement forcément conditionné par le contexte et si on a connu Billy Wilder plus subtil, au vu de son passé on comprend l'accent mis sur ce point dans le script qu'il signe avec Charles Brackett. Film intéressant auquel on peut préférer Lune de miel mouvementé de Leo McCarey, assez voisin et plus équilibré entre divertissement et message.
Sorti en dvd zone 2 français chez Universal dans leur nouvelle collection "Les Etoiles d'Universal" uniquement achetable sur leur site.
Dans le cadre de la guerre de Corée, un aviateur, le Lieutenant Harry Brubaker (William Holden) de la United States Navy pilotant un F9F-2 Panther (un des premiers avions à réaction) basé sur le porte-avions de l'US Navy USS Oriskany (CV-34), doit affronter ses peurs, entre quelques permissions passées auprès de sa femme Nancy (Grace Kelly), en particulier celle d'avoir à bombarder un objectif bien défendu en novembre 1952 : les ponts de Toko-Ri en Corée du Nord.
Un film de guerre qui comme la plupart de ceux produit dans les années 50 aux USA prend pour cadre la Guerre de Corée récemment achevée. Le ton ne s'y fait pas patriotique pour autant à travers cette ode au courage des pilotes avec le personnage de William Holden. On est loin du côté galvanisant d'autres film de guerre aérien de l'époque comme Flammes sur l'Asie et c'est plutôt le sens du devoir et l'obligation qui guide notre héros ici, plus que la cause d'une guerre aux enjeux flous comme le soulignera un dialogue avec l'amiral joué par Fredric March.
L'ouverture est dans cet esprit en montrant une longue et laborieuse mission de repêchage de pilote écrasé en pleine mer. On ressent plus le danger, l'angoisse et la lassitude chez William Holden dont on apprendra qu'il a été mobilisé contre son gré. Plus tard l'émotion se disputera à la tension avec son épouse jouée par Grace Kelly venu le rejoindre au Japon où les quelques moments passés en famille n'altèreront pas la douloureuse attente pour la future et dangereuse mission à venir, la destruction des ponts de Toko-Ri. Le récit fonctionne très bien tant qu'il joue sur cette peur et cette attente, avec un William Holden surprenant de fébrilité notamment lors de la belle scène de veille de départ en mission ou encore lors d'un périlleux atterrissage qui ne fait que renforcer ses craintes. Malheureusement Robson instaure un faux rythme un peu laborieux qui peine à amener la montée en puissante dramatique aboutissant à la mission finale. On ne ressent ni souffle épique, ni le désespoir latent que tout est joué à travers la mise en scène impersonnelle de Robson et l'émotion repose essentiellement sur les acteurs tous très bon notamment une Grace Kelly émouvante en une poignée de scène, Fredric March droit et solennel et bien sûr William Holden.
Le fameux morceau de bravoure final est assez décevant malgré les moyens déployés avec les spectaculaires vues aériennes et les manœuvres des F9F-2 Panther prêtés par l'armée US (qui prêtera aussi le porte-avion USS Oriskany dernier des modèles Essex utilisés durant la Deuxième Guerre Mondiale) là aussi faute de vrai pic émotionnel. Cette séquence connaîtra pourtant une postérité étonnante puisque George Lucas reprendra son déroulement quasiment à l'identique pour un résultat autrement plus palpitant lors de l'attaque finale de l'Etoile Noire dans le premier volet de Star Wars en 1977. Pas déplaisant mais moyennement prenant donc.
Au début du XXe siècle, au sein de la haute société new-yorkaise où règnent superficialité et hypocrisie, Lily Bart, ravissante jeune femme au sommet de sa gloire mondaine, découvre subitement la précarité de sa position, quand son charme et sa beauté suscitent convoitise et jalousie. En quête d'un riche mari et désireuse de se conformer aux usages de son milieu, Lily passe à côté de l'amour véritable incarné par l'infortuné Lawrence Selden.
Parti dans un petit cycle de lecture sur Edith Wharton, je m’attaque donc maintenant aux adaptations cinéma. L’auteur a été peu servie par le septième art puisque les adaptations s’y limitent à deux (il existe aussi une version muette disparue de Chez les heureux du monde par Albert Capellani, on en trouve un peu plus en se tournant vers la télévision) avec Le Temps de l’innocence de Martin Scorsese (1993) et donc Chez les heureux du monde de Terence Davies (2000). The House of Mirth est le premier roman majeur d’Edith Wharton dont l’existence doit beaucoup à Henry James, grand ami et mentor de cette dernière. Edith Wharton, qui passa son enfance en Europe y développa une certaine liberté d’esprit et de pensée qui éveillèrent son sens critique lorsqu’elle revint à la société guindée new yorkaise dont tout le vide s’exposa à elle au grand jour. Malheureuse en mariage, c’est d’abord sa grande culture qui la poussera à l’écriture avec son premier ouvrage The Decoration of the Houses avec l’architecte Ogden Codman ou plus tard le roman historique The Valley of Decision se déroulant dans l’Italie du XVIIIe siècle.
Si ces premiers essais développent son sens de la description et de l’ornement (d’une importance cruciale dans la psychologie de ses personnages) son ami Henry James lui reprochera l’abstraction de ses écrits détachés du réel et lui recommandera de mettre son évident talent littéraire dans une vision des éléments qui l’entoure. Et que connaît-elle le mieux si ce n’est cette aristocratie new yorkaise hypocrite qu’elle exècre ? Le résultat de ses nouvelles résolutions sera donc The House of Mirth, tragique et féroce vision de ce milieu.
Terence Davies délivre une remarquable adaptation, très fidèle et aux choix audacieux. L’histoire dépeint le terrible destin de Lily Bart (Gillian Anderson), beauté, objet de convoitise et de jalousie de cette bourgeoisie new yorkaise. Le personnage est déchiré entre des aspirations personnelles plus nobles et la soumission à l’étiquette et train de vie frivole de son milieu. C’est son absence de choix constant qui causera sa perte. D’un côté amoureuse du modeste Lawrence Selden, seul avec qui elle peut être elle-même et l’ouvrant à un monde plus vrai et authentique. De l’autre les belles robes, les fêtes somptueuses, les sorties à l’opéra et les séjours à la campagne, signes extérieurs d’une richesse qu’elle n’a pas et auxquels elle ne peut renoncer.
Lily fera ainsi tous les mauvais choix, s’aliénant l’amour de Selden comme la reconnaissance de ses pairs. Trop hautaine pour totalement céder à Selden et trop consciente pour céder aux comportements odieux qui faciliterait son ascension (l’épisode des lettes compromettante de Bertha Dorset), Lily est un personnage condamné. Gillian Anderson est absolument admirable en Lily Bart, l’allure gracieuse et séductrice ravageuse (la première apparition où se dévoile sa silhouette dans l’ombre est splendide) dont la tranquille assurance dissimule un être profondément angoissé. L’actrice bouleverse ainsi lorsqu’elle tombe le masque pour s’abandonner fragile et tremblante dans les bras de Selden, et sa déchéance progressive n’en sera que plus désarmante lorsqu’elle ne pourra plus trouver la force à garder ce maintien face aux épreuves.
Terence Davies rend son film presque plus pessimiste que le déjà très sombre roman par ses changements. Le réalisateur fait ainsi disparaître le personnage de Gerty Farrish, cousine humble et travailleuse de Lily Bart qui offre le miroir d’une autre existence possible pour l’héroïne si elle renonçait à ses futilités. Davies dans son script mêle certains aspects du personnage à la nettement moins avenante Grace Stepney (Jhodi May) tel que la rivalité amoureuse autour de Selden et celle pour les faveurs de la Tante Peniston.
Par ce choix, Davies ne donne plus d’échappatoire possible à Lily dont le funeste destin est tracé et surtout renforce l’impossibilité de toute amitié réelle et de relation sincère dans ce cadre où tout rapprochement est calculé, où tout service doit recevoir sa "récompense" (Dan Aykroyd horrible Gus Trenor). Les autres changements vont dans ce sens et ne donne plus aucun répit à Lily tel ce moment de réconfort dans les dernières pages du livre où elle croise une ancienne connaissance et son bébé.
Davies instaure un style feutré et faussement neutre qui s’il ne délaisse pas le côté chatoyant du film en costume s’avère profondément étouffant. On devine plus que l’on aperçoit les demeures luxueuses traversées, la scène de l’opéra s’attarde plus sur les regards s’épiant entre les loges que le décor en lui-même et les beautés du voyage en Europe reste en arrière-plan pour mieux illustrer les manipulations de Bertha Dorset (Laura Linney perfide à souhait).
C’est une véritable chape de plomb du paraître qui s’abat ainsi sur l’ensemble du film où une fois la réputation faite le piège se referme inéluctablement. Un dialogue brillant entre Lily et Bertha Dorset souligne ce qui les différencie : l’une mène une vraie existence dissolue mais à le statut et les moyens d’étouffer des travers connus de tous quand Lily finalement trop « pure » perdra tout par ce que l’on suppose faussement d’elle mais ne pouvant se défendre à armes égales. Le jugement moral s'arrête ainsi à l'aune de la richesse du coupable.
Tous ses aspects sont brillamment mis en place par Davies qui a parfaitement saisi l’essence du roman. Dès lors on pardonnera les quelques faiblesses, notamment au casting avec un Eric Stolz un peu fade face à la droiture qu’on ressent à lecture pour Lawrence Selden. Les entrevues avec Lily Bart tiennent donc grandement à l’émotion véhiculée par Gillian Anderson (qui aurait dû définitivement se détacher de X-Files et faire une belle carrière après ce rôle dommage) notamment la dernière déchirante. Beau film néanmoins