L'oracle de Tirésias a annoncé que dans le lointain Occident, une menace planait sur Thèbes. En compagnie de son fils Hyllos et du roi de Thèbes Androclès, Hercule entreprend une expédition afin de déterminer la nature de ce mal et le détourner de sa patrie. Il découvre ainsi l'île Atlantide protégée par le dieu aux multiples métamorphoses, Protée. Là règne la perfide Antinéa, qui transforme les hommes en lépreux... ou en surhommes mutants qu'elle rassemble en une puissante armée destinée à subjuguer l'univers...
Tourné la même année que Hercule contre les vampires (avec un budget plus élevé semble t il) ce Hercule à la conquête de l'Atlantide s'avère le plus fou de la serie et un des plus réussis. Le film est mis en scène par Vittorio Cottafavi qui avait offert jusqu'ici l'épisode le plus flamboyant avec La Vengeance d'Hercule. A l'origine c'est un réalisateur plutôt intellectuel ayant commencé dans le néoréalisme puis qui se vit pour cause de blacklistage critique contraint d'oeuvrer dans dans tous les genres dont plusieurs péplums très réussis comme hormis les Hercule l'excellent Messaline dont on reparlera bientôt ici. On est loin du statut d'honorable artisan des autres réalisateurs de la série et ce parcours lui permet d'inoculer pas mal d'éléments atypique, une certaines distance et des directions audacieuses et inattendues.
Alors que Mario Bava n'avait su que faire de ce gros balourd de Reg Park, Cottafavi le rend plus humain en en faisant un colosse nonchalant et bon vivant à la Obelix (une bagarre se déroule autour de lui au début du film et il continue à manger tranquillement) particulièrement inactif dans la première partie qu'il passe à dormir tranquillement. On retrouve de cette drôlerie et esprit critique lors de la réunion où les rois grecs doivent décider de ce qu'ils doivent faire face à la catastrophe à venir, chacun se défilant sans complexe.
Le film est un kaléidoscope assez incroyable dans les genres et les thèmes qu'ils proposent. Le récit mythologique (Hercule, le mythe de l'atlantide) et littéraire (la reprise du personnage d'Antinea de l'Atlantide de Pierre Benoit), se croisent ainsi avec la science fiction ( la pierre d'Uranus peut être d'origine extraterrestre) avec un soupçon de fantasy à la Lovecraft ou Abraham Merrit (adoration de Dieux oubliés, sacrifices humains, peuples mythique et disparu). Quand aux thèmes, on passe de la réflexion sur la menace nucléaire (le contact avec la pierre d'Uranus arme suprême des atlantes causant mutilations en tout genre) à la parabole sur le nazisme avec l'armée de surhommes de Antinea aux physiques "aryen" et uniforme destiné à conquérir le monde tandis que les malformés sont parqués dans des camps. Un sacré mélange.
Visuellement c'est également très réussi hormis quelques grosse fautes de gouts comme le Dieu à métamorphose Protée, lézard en caoutchouc assez pitoyable. Les décors inventifs et grandiose du royaume de l'Atlantide sont mis en valeur par une réalisation inspirée de Cottafavi où là aussi s'offre un détonant mélange des genres notamment entre le look antique des héros jurant avec l'aspect futuriste des super soldats atlante. Le final avec la destruction de l'Atlantide s'avère très impressionnant (avec stock shot d'éruptions filmées par Haroun Tazieff) et spectaculaire. Contrairement à Hercule contre les vampires les rôle secondaires sont également plus marquant et attachant comme le fils d'Hercule, Ettore Manni en Androclès et surtout une Fay Spain fabuleuse de cruauté en impitoyable en Reine de l'Atlantide.
La saga officielle devait malheureusement en rester là en dépit de la production de nombreux ersatz médiocre (dont un particulièrement mauvais avec le couple Jayne Mansfield/Mickey Hargitay Les Amours d'Hercule) sans même parler des Maciste très mauvais dans l'ensemble. Cottafavi allait connaître quelques déconvenues avec l'échec de son très réputé Les Cent Cavaliers (à quand un dvd ?) tandis que le péplum italien allait lentement décliner (si ce n'est sous son versant érotique) et disparaître avec l'émergence du western spaghetti. Reste une saga inventive et brillante de cinq films très réussis voire même brillant pour les opus de Cottafavi.
Sorti en dvd zone 2 chez Studio Canal et aux Editions Atlas, l'édition est la même chez les deux avec de très intéressant bonus où interviennent Tavernier ou encore Jean Pierre-Dionnet pour signaler la singularité et l'inventivité du film ainsi que la personnalité de Vittorio cottafavi.
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